Innovation RH : les tendances de la HR Tech en 2023 (et au-delà)
Quelles solutions digitales transforment déjà la fonction RH ? Quelles innovations pourraient, demain, révolutionner le secteur ? Pour répondre à ces questions, Parlons RH et CloserStill Media organisent un nouvel événement dédié au futur de la fonction RH : HR Technologies France. Véritable VivaTech des ressources humaines, il se tiendra à Paris, Porte de Versailles, les 1er et 2 février 2023. Et si nous dressions à cette occasion le tableau des tendances de la HR Tech pour les années à venir ?
Venue tout droit de la Silicon Valley, la « Tech » s’est invitée dans presque tous les secteurs de l’économie. Dans le monde de l’entreprise, outre le marketing et la communication, elle s’est notamment immiscée dans les ressources humaines. Le nombre de startups proposant des solutions pour aider les organisations à digitaliser leurs process RH a explosé ces dernières années. Cet écosystème, la plupart des experts RH l’ont baptisée la « HR Tech ».
Sommaire
Une HR Tech « en phase de consolidation »
Mathilde Le Coz, DRH de Mazars France et présidente du Lab RH, définit la HR Tech comme « tout l’écosystème d’acteurs qui proposent des solutions technologiques au service des besoins RH. » Alors que 2023 approche, où en est cet écosystème ? « Depuis plusieurs années, la France est très dynamique en HR Tech, avec un grand nombre de startups et de scale-ups », constate-t-elle. Dans son association spécialisée dans l’innovation RH, elle estime être régulièrement en contact avec « plus de 300 » entreprises de ce secteur.
Selon Mathilde Le Coz, il est important de comprendre « d’où viennent les RH » afin de mieux cerner les enjeux actuels de la HR Tech : « Les DRH ne sont pas toujours demandeurs, et pour cause : à l’origine, il s’agit d’une fonction très juridique, peu ouverte aux nouvelles technologies ». Pour la DRH de Mazars, la crise du Covid-19 a changé la donne. « Qu’on le veuille ou non, cette période a été un accélérateur de transformations technologiques. Beaucoup de startups ont connu une explosion de la demande en solutions digitales. Au départ, le travail à distance imposé a nécessité d’utiliser des outils pour mesurer le pouls des équipes (pulse surveys, logiciels d’enquêtes) et sonder leur bien-être. Ensuite, de nouveaux usages et de nouveaux enjeux ont émergé avec le distanciel, comme le recrutement à distance », explique-t-elle.
Mais si la pandémie a contribué à « lever des freins » et à « évangéliser » la HR Tech, certains DRH ne sont plus aussi enthousiastes aujourd’hui. « Post-Covid, on peut observer deux types de comportements chez les DRH : à gauche, il y a ceux qui sont convaincus et qui continuent d’innover, et à droite, il y a ceux qui ont utilisé des outils digitaux parce qu’ils n’avaient pas le choix, et qui ne voient plus autant d’utilité dans l’innovation RH. Certains vont jusqu’à retourner au présentiel à 100 % », décrit Mathilde Le Coz. La DRH et présidente du Lab RH constate malgré tout que globalement, « la tech RH se porte bien », malgré le spectre de la récession et des investisseurs « de plus en plus regardants ».
« Face à des crises permanentes, les entrepreneurs font preuve de résilience et restent optimistes. Chez les RH, les clients, il y a globalement une vraie envie d’avancer et d’innover grâce à la tech ».
Mathilde Le Coz, DRH de Mazars et présidente du Lab RH
Christelle Villard, manager chez Akoya Consulting, a récemment participé à l’organisation de l’évènement Akoya Tech You Up 2022, qui a eu lieu le 17 novembre dernier, et dont Parlons RH était partenaire. Selon elle, la HR Tech entre dans sa phase de maturité, passant actuellement d’une période « de croissance et d’ébullition » à une phase « de consolidation et de stabilité ».
À quoi ressemblera la HR Tech dans les prochaines années ? Les deux expertes identifient d’abord deux domaines RH où beaucoup d’innovations ont déjà été réalisées, mais qui continueront d’être investis : le recrutement et la formation.
Skills Tech : L’émergence du « marché de la compétence »
« On assiste à l’émergence de solutions RH qui ciblent les compétences : les Skills Tech. Elles s’inscrivent dans un contexte de transformations accélérées, auxquelles les entreprises doivent s’adapter. Pour cela, elles ont besoin que leurs collaborateurs soient ‘adaptables’, autrement dit, qu’ils aient les bonnes compétences de demain », explique Christelle Villard.
L’approche compétence, qui se développait discrètement depuis quelques années dans certaines entreprises, surgit ainsi « sur le devant de la scène », même s’il s’agit d’un marché « encore immature », estime-t-elle. « Tous les RH ne sont pas encore prêts à penser tous leurs process RH sous le prisme des compétences. Il est toutefois clair que l’approche compétence deviendra de plus en plus importante ces prochaines années, et que cela se reflètera dans la HR Tech. Des outils se développent déjà pour permettre de croiser des contenus de formation et d’auto-évaluation, afin de faire le lien avec le suivi de performance. Des outils de recrutement, de learning et de mobilité commencent également à prendre en compte ce prisme compétence », ajoute la manager d’Akoya.
Recrutement : l’innovation à travers la mobilité interne
Ces dernières années, la HR Tech a beaucoup concerné le recrutement et l’expérience candidat, avec la multiplication d’ATS (outils de suivi de candidature).
« On a vu énormément de startups se spécialiser dans l’acquisition de recrutement, avec l’idée d’utiliser des méthodes marketing d’user centric, de satisfaction candidat et d’ergonomie sur site. Tout est mesuré. »
Mathilde Le Coz, DRH de Mazars et présidente du Lab RH
Demain, les solutions tech dédiées au recrutement devraient changer d’angle. « Celles spécialisées dans l’expérience candidat continueront de se développer, mais il s’agit d’un marché déjà bien mature. Le nouveau prisme à travers lequel l’innovation devrait s’épanouir concerne la mobilité », explique Christelle Villard. « Les entreprises ont plus que jamais des difficultés à recruter en externe, si bien que l’enjeu sera demain de trouver des candidats en interne », ajoute-t-elle. La HR Tech devrait ainsi continuer de voir fleurir des « talent marketplaces », des outils de « people analytics » permettant de suivre un talent pendant tout son parcours dans l’entreprise et de l’encourager à la mobilité interne : « L’idée est d’aller plus loin que le recrutement classique, et de penser la vie du talent au sein de l’entreprise de bout en bout ».
Et l’IA, dans tout cela ? « Il y a des prémisses d’innovation, mais les technologies actuelles ne sont guère sophistiquées. Ce n’est pas demain qu’elle permettra de recruter d’une façon quasi automatisée », estime Mathilde Le Coz. De son côté, Christelle Villard affirme que « les innovations en la matière sont pour ainsi dire ‘terminées’. On a vu se développer ces dernières années de nouvelles technologies d’IA utilisant le traitement du langage naturel ou la reconnaissance d’images pour filtrer et trier les CV, pour simuler des conversations entre un candidat et un chatbot… C’était une révolution il y a 5 ans, mais on risque de voir peu de nouveautés désormais ». La réelle innovation à laquelle l’IA pourrait contribuer concerne un autre domaine : l’expérience collaborateur.
La HR Tech au service de l’expérience collaborateur
Selon le chercheur en RH Josh Bersin, ces 5 dernières années, la HR Tech s’est surtout concentrée sur le ‘back end’, c’est-à-dire la « digitalisation des tâches transactionnelles des RH ». Désormais, l’innovation RH devrait être selon lui « davantage en ‘front end' », et concerner l’expérience collaborateur.
« L’idée est que chaque salarié vive une expérience personnalisée, que ce soit à travers des outils de recrutement, de formation ou de performance. L’IA ne sera plus utilisée pour faire gagner du temps aux RH, mais pour leur permettre d’améliorer l’expérience employé. Par exemple, dans le learning, en passant de sessions de formation longues dont plus personne ne veut, à des contenus de formation courtes et accrocheuses ».
Christelle Villard, manager chez Akoya Consulting
Concernant l’expérience collaborateur, Mathilde Le Coz estime que la HR Tech devrait avoir tendance, demain, à tenter de répondre plus finement à deux attentes émergentes des salariés : la flexibilité et le bien-être. « Il s’agissait déjà de tendances de fond avant la crise du Covid, mais celle-ci a exacerbé ces aspirations à un travail hybride favorisant un meilleur équilibre vie pro-vie perso, et une meilleure QVT », explique-t-elle. En matière de qualité de vie au travail, la DRH de Mazars constate que « beaucoup de solutions ont été créées à l’époque de la pandémie dans la Tech RH, notamment pour prévenir les burn-out et lutter contre le stress numérique ».
« Les outils qui se multiplieront demain concerneront principalement le suivi de l’engagement et du bien-être des collaborateurs en télétravail. Ces outils, notamment de pulse survey, permettront de faire en sorte que le travail hybride et la flexibilité qui en découle demeurent positifs pour le salarié ».
Mathilde Le Coz, DRH de Mazars et présidente du Lab RH
Chez Akoya Consulting, Christelle Villard voit aussi émerger dans la HR Tech « des acteurs spécialisés dans le développement personnel et la santé physique / mentale, avec des solutions pour accompagner les collaborateurs ayant besoin de séances de sport ou de coaching ». Selon elle, « ce secteur explose actuellement aux Etats-Unis, et commence à émerger en Europe ». Si les RH n’ont pas pour vocation de pousser leurs salariés à faire du sport ou à suivre des séances de coaching, « ils ont de plus en plus une casquette bien-être, et devraient être les premiers à se saisir de ces solutions ». En matière d’expérience collaborateur « digitalisée », la HR Tech devrait aussi, selon elle, voir fleurir des outils de suivi de la performance « qui permettront de réaliser des feedbacks réguliers, plutôt qu’un seul entretien annuel en présentiel », ainsi que « des outils de communication en interne à grande échelle », notamment au moyen de sondages et de chatbots.
Mathilde Le Coz perçoit enfin l’émergence d’un autre domaine lié à l’expérience collaborateur : les benefits et la rémunération. « Des outils permettent par exemple de gérer automatiquement des demandes d’acompte sur salaire, et demain, des solutions auront pour objectif d’aider les collaborateurs à mieux épargner, à mieux gérer leur patrimoine financier, voire à choisir la façon de toucher leur rémunération ; sous forme de services (places en crèche, voiture de fonction) ou d’argent », explique-t-elle.
D’une innovation « moins sexy » au métavers
Finalement, la DRH de Mazars prend la défense du « back end », qui n’est plus investi par la HR Tech. Selon elle, la dématérialisation et l’automatisation des tâches à faible valeur ajoutée reste un terrain d’innovation intéressant. « Beaucoup de services nés ces dernières années ont consisté à apporter de nouveaux services aux RH et aux salariés, et le back office, l’administration et la paie n’intéressent plus personne. Ces secteurs sont déjà couverts par des outils, mais il pourrait y avoir beaucoup plus d’innovations, au-delà du coffre fort électronique ».
« La dématérialisation des élections du personnel, par exemple, est un segment de la sphère RH moins sexy que la QVT ou l’expérience collaborateur, mais qui pourrait améliorer grandement la vie des équipes RH. »
Mathilde Le Coz, DRH de Mazars et présidente du Lab RH
Sous un angle plus prospectif, celle qui préside aussi le Lab RH estime que des technologies qui n’en sont encore qu’à leurs balbutiements pourraient demain être investies par la HR Tech, afin de transformer la fonction RH et d’améliorer toujours plus l’expérience collaborateur. « Au-delà de l’IA, qui un jour peut-être permettra de prévenir les situations de burn-out, le métavers pourrait être utilisé dans le domaine de la formation pour créer des mises en situation, et la blockchain pourrait augmenter l’employabilité des salariés grâce à son système de traçabilité et de certification. Mais là, on se projette vraiment très loin », conclut-elle.
Pour vous inscrire aux conférences de HR Technologies France, qui aura lieu à Paris, Porte de Versailles, les 1er et 2 février 2023, rendez-vous ICI.