Le People Analytics, levier stratégique de performance durable des entreprises et de transformation de la fonction RH
Le rôle de partenaire stratégique de la fonction RH s’est renforcé, face à un marché des talents sous tension et à l’accélération des évolutions technologiques. Dans ce contexte, l’enjeu pour les entreprises est de se doter des compétences et des technologies qui leur permettront de mieux comprendre les salariés et leur organisation, d’optimiser les parcours de carrière et de réinventer l’expérience collaborateur grâce à la donnée.
À plus d’un titre, le capital humain s’impose comme un facteur clé de la différenciation des entreprises, mais aussi comme leur principal défi. Les organisations font en effet face à un marché du travail tendu, avec des talents de plus en plus courtisés et exigeants dans leurs critères de choix, au-delà du salaire et de la fiche de poste (1). En parallèle, elles doivent répondre à de nouvelles attentes de la part des collaborateurs, que la crise sanitaire a confortées.
L’importance de placer le capital humain au même niveau que le capital financier est également renforcée par l’intérêt du marché et des investisseurs. Le Forum Économique Mondial s’est emparé du sujet en proposant une comptabilité en triple capital : financier, environnemental et humain. De nouveaux indicateurs sociétaux entreront aussi en vigueur en 2024 dans le cadre de la Directive CSRD (Corporate Sustainability Reporting Directive), un nouvel outil de reporting extra-financier qui améliore l’information émanant des entreprises en matière de critères ESG (environnementaux, sociaux et de gouvernance).
Sommaire
La démarche People analytics pour guider les décisions stratégiques RH
Les Directions des Ressources Humaines disposent de multiples opportunités de valoriser la data et l’IA pour développer le capital humain. Les clients internes y sont favorables : ces départements (marketing, finance, logistique…) sont également déjà avancés dans leur transformation digitale et voient dans la data, l’opportunité de mieux synchroniser leurs besoins de recrutement, de développement et de rétention des talents avec le développement de leur activité.
Les organisations les plus avancées nous montrent la voie en utilisant la donnée afin d’améliorer l’expérience collaborateur, de booster la productivité et de gagner en efficience.
Chez Google, une équipe « People Ops » s’attache à appliquer aux décisions concernant les individus la même rigueur qu’aux décisions concernant une question d’ingénierie, d’action marketing ou d’investissement financier. Sa mission : « faire en sorte que chaque décision concernant un individu soit fondée sur des données objectives ». Plusieurs entreprises traditionnelles sont également très avancées dans ce domaine, à l’image d’Airbus, d’ABN AMRO, de Vodafone ou de Merck.
Les cas d’application développés par ces acteurs couvrent l’ensemble des décisions RH :
- Identifier et cibler les bassins de talents (au bon moment et en fonction des besoins) ;
- Simuler des scénarios prospectifs d’évolution des effectifs, anticiper les besoins de recrutement et d’évolution des collaborateurs au sein de l’organisation, ainsi que des stratégies de filière métier à moyen-terme, face à un monde du travail en mutation permanente ;
- Factualiser les causes racines du manque de diversité au niveau du recrutement et des promotions, ainsi que des difficultés d’accès des femmes aux postes à hautes responsabilités ;
- Détecter les risques psychosociaux et les signaux faibles de désengagement ;
- Éclairer la stratégie de rétention des collaborateurs.
A l’image du marketing qui a su transformer le parcours client en expérience client, de la finance qui est passée en rolling forecast (2) ou de la supply chain qui a relevé le défi de l’omnicanalité, la science des données appliquée au capital humain est un levier pour mieux comprendre les dynamiques humaines et la santé de l’organisation, éclairer les décisions stratégiques, améliorer l’expérience collaborateur et mesurer l’impact de l’investissement en capital humain sur la performance durable de l’entreprise.
Le chemin vers la maturité People Analytics
Notre expérience et nos recherches sur les transformations People Analytics réussies indiquent que plusieurs ingrédients clés favorisent la réussite de telles démarches. Comme toute transformation, la transformation data doit d’abord être soutenue par la Direction Générale et matérialisée sous la forme d’un portefeuille de cas d’usage soutenu par les budgets et moyens nécessaires. Ensuite, la constitution d’une équipe pluridisciplinaire (composée d’experts RH, responsables métiers, mais aussi de data scientists et de chercheurs) est indispensable pour valoriser la donnée.
Se lancer dans une démarche de People Analytics nécessite également d’utiliser une plateforme technologique avancée et d’y connecter les données – bien souvent dispersées – des collaborateurs, et de les combiner avec les données opérationnelles (production, qualité, ventes, consommation énergétique…) d’autres départements.
Enfin, la mise en place d’une gouvernance de la qualité des données est un point essentiel, car la non-qualité renvoie une représentation inexacte de la situation de l’organisation et de l’expérience des collaborateurs. Sans oublier l’absolue nécessité d’adopter une approche éthique et « Privacy by design », qui respectera voire dépassera les normes protégeant la vie privée et la confidentialité des données (RGPD, AI Act).
La différenciation par le capital humain est tout autant un enjeu RH que business. De meilleures décisions RH grâce à la donnée permettent en effet de créer un environnement de travail vertueux favorable à l’engagement des collaborateurs et à la performance de l’entreprise sur le long terme.
L’accélération des DRH dans la valorisation des données permet de mieux recruter, de développer le capital humain, d’améliorer l’expérience collaborateur, et de repenser le management. La data est un langage universel qui permet de mobiliser la Direction Générale et les métiers sur les meilleures décisions pour développer le capital humain sur le long terme. Enfin, c’est une perspective stimulante d’enrichissement des compétences RH et de valorisation de cette fonction stratégique.
(1) Tel qu’illustré dès 2019 dans le Baromètre QVT Malakoff-Médéric, où l’ambiance et les relations avec les collègues (52 %), et la reconnaissance (45%), arrivaient devant la rémunération.
(2) Le rolling forecast, ou “révisé permanent”, s’appuie sur les données existantes pour prédire certains aspects des performances de l’entreprise tout au long de l’année.
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