Dossier Tendances RH 2024

Stéphane Diagana : “L’entreprise doit assumer sa part de responsabilité dans le développement de la sédentarité”

le 05 février 2024
Stéphane Diagana : “L’entreprise doit assumer sa part de responsabilité dans le développement de la sédentarité”
Stéphane Diagana
Stéphane Diagana

Ex-champion du Monde et toujours recordman d’Europe du 400 mètres haies, Stéphane Diagana partage aujourd’hui son temps entre plusieurs activités : consultant pour France Télévisions, conférencier sur les thèmes de la performance collective durable ou encore du sport santé en entreprise, et partenaire de plusieurs organisations de toutes tailles.

Nul besoin d’être mordu de sport ou féru d’athlétisme pour connaître Stéphane Diagana ou avoir en mémoire sa silhouette élancée, survolant les haies avec une aisance et une élégance sans pareilles. Son palmarès est impressionnant : premier champion du monde d’athlétisme français grâce à son titre obtenu sur 400 mètres haies en 1997, il remporte les championnats d’Europe en 2002 sur cette même distance, puis décroche le titre de champion du monde du relais 4 × 400 mètres en 2003. Aujourd’hui consultant sportif et conférencier, Stéphane Diagana aide les organisations à développer le sport santé en entreprise.  Humilité, humanité, connaissance aiguë des enjeux RH à venir sont les maîtres-mots de cet échange avec l’un des représentants les plus emblématiques du sport français.

La tendance RH qui fera 2024 ? 

Nous sommes dans une année olympique. Je suis sportif. Impossible pour moi de ne pas évoquer les enjeux liés à la sédentarité au travail et au déficit d’activité physique de la population, de façon générale. L’entreprise est l’un des hauts lieux de la sédentarité, facteur responsable de nombreuses pathologies chroniques, qualifiées à juste titre de “maladies de civilisation”. Elle doit donc assumer sa part de responsabilité dans son développement, encore plus prégnant depuis la généralisation du télétravail, et sensibiliser les collaborateurs à la pratique du sport.

Outre ses effets néfastes sur la santé des salariés, le défaut d’activité physique n’est pas sans conséquence sur la performance de l’entreprise. La sédentarité est l’une des causes majeures de l’absentéisme, source de charges colossales pesant sur le coût du travail et la compétitivité des organisations. Une étude menée par le ministère des Sports en 2018 a, d’ailleurs, évalué le coût total de la sédentarité, en France, à près de 17 milliards d’euros par an, dont 81% (soit 14 milliards d’euros) sont attribuables aux dépenses de santé. 

Les enjeux sont donc cruciaux. Il existe des leviers d’action. Les entreprises doivent s’en saisir, d’autant que les jeunes actifs manifestent un intérêt croissant pour la pratique du sport sur leur lieu de travail. 

La pratique RH qui va droit dans le mur ? 

Je dirais ne pas envisager le salarié dans sa globalité, ne pas le considérer comme un individu à part entière, mais uniquement comme une workforce. Pour recruter, il est indispensable, aujourd’hui, d’écouter les attentes nouvelles des candidats, en matière d’organisation, notamment. 

Le digital a brisé les frontières entre les sphères professionnelle et personnelle. Quitter le bureau ne signifie plus fermer la page de sa journée de travail pour la rouvrir le lendemain. Les mails sont, bien souvent, traités sur le trajet du retour, par exemple, sans que ce temps passé ne soit comptabilisé. Il est normal, en contrepartie, que l’entreprise soit suffisamment flexible et attentive pour permettre aux salariés de s’organiser en fonction de certaines contraintes personnelles. 

Le sport santé, accélérateur de performance des entreprises ?

Absolument. Le sport augmente la productivité des organisations. C’est un fait démontré. 

Des collaborateurs en forme sont, d’abord, moins souvent malades et donc moins souvent absents. L’épidémie de Covid en a été l’une des illustrations flagrantes : plus que l’âge des patients, c’est le niveau de condition physique qui fut fortement corrélé à l’hospitalisation en soins intensifs et à une forme grave de la maladie.

Des études menées en Australie prouvent, par ailleurs, que les collaborateurs respectant les recommandations de l’OMS en matière d’activité physique sont en moyenne 9% plus productifs que les autres, ce qui rejaillit, logiquement, sur l’efficacité globale de l’entreprise.

La performance ne doit, toutefois, pas être l’axe de communication unique ou prioritaire des organisations quant à la pratique du sport. Celle-ci doit, avant tout, être présentée comme le moyen de préserver le capital santé des salariés.

Sensibiliser aux bienfaits du sport : comment s’y prendre en tant que DRH, à l’aune de Paris 2024 ?

La principale difficulté est de faciliter le déploiement de l’activité physique au sein des TPE et PME, constituant l’essentiel du tissu économique français. Se considérant souvent comme sous-dimensionnées et sous-staffées, c’est une étape qu’elles ne peuvent pas franchir seules.  Il faut, pour cela, les inciter à rencontrer des acteurs économiques locaux via des associations ou des clubs d’entreprise. Si le sujet est abordé de façon mutualisée, des solutions intelligentes et peu coûteuses peuvent être déployées.

Dans la structure, il faut, ensuite, procéder en trois étapes : informer, faciliter, puis organiser. 

Informer les collaborateurs quant aux bienfaits du sport et aux effets néfastes de la sédentarité, d’abord. C’est, a minima, la responsabilité de l’entreprise, d’autant que l’information est disponible. Il suffit d’aller la chercher, par exemple en faisant intervenir un médecin expliquant l’importance du maintien d’une bonne condition physique. Plus simplement, inciter les collaborateurs à utiliser l’escalier plutôt que l’ascenseur est, aussi, une forme de sensibilisation.

Il est important, ensuite, d’organiser la pratique du sport, en proposant des challenges internes (de nombreuses applications mobiles le permettent aujourd’hui), ou en finançant des cours collectifs. Un avantage exonéré de cotisations et contributions sociales depuis le printemps 2021, ce qui prouve, une nouvelle fois, l’importance du sport santé en entreprise.

Enfin, pour les structures disposant de moyens plus conséquents, il s’agit d’organiser la pratique du sport en mettant à la disposition des collaborateurs des équipements dédiés, eux aussi exonérés de cotisations et contributions sociales. 

Inciter les collaborateurs les moins sportifs à se lancer : comment faire concrètement  ?

En matière de sport santé, trois profils de collaborateurs se dégagent : 

  • les sportifs accomplis qui vont profiter des infrastructures mises en place pour faire davantage d’activité physique ; 
  • les collaborateurs hésitant à se mettre à la pratique du sport ;
  • les salariés réfractaires, qui ne s’y intéressent pas du tout. 

Plus les sportifs accomplis sont présents dans une salle de sport d’entreprise, moins les  collaborateurs hésitants osent venir. 

Il est donc essentiel d’identifier intelligiblement ces trois populations, et d’adopter une communication inclusive et dédiée à chacune d’elles. Faire de la sensibilisation auprès des réfractaires permet d’éveiller les consciences. Pour les sportifs hésitants, constituant le public le plus large et le plus silencieux, deux éléments me paraissent essentiels : 

  • coconstruire un discours incitatif avec l’aide des managers ; 
  • mettre en place des règles encadrant la pratique du sport (en définissant des plages horaires, par exemple), de façon à éviter de potentielles remarques inappropriées, susceptibles de décourager ce public fragile quant à la pratique du sport. 

Le coaching sportif, source d’inspiration pour aider dirigeants et managers à (ré)engager leurs équipes ?

Absolument, car l’engagement est essentiel pour réaliser des performances individuelles ou collectives. Mener un projet ambitieux, qu’il s’agisse de décrocher un titre de champion du monde ou d’atteindre un objectif entrepreneurial, est synonyme de dépassement. Ce dernier n’est possible qu’à condition d’accompagner les acteurs d’un projet, de les fédérer autour d’un dessein commun et de s’assurer que ceux-ci perçoivent l’adéquation entre l’ambition forte à atteindre, et les moyens mis en œuvre pour y parvenir. 

Dans le sport, l’engagement est intimement lié à cette adéquation. Le travail de mon entraîneur a toujours revêtu cette capacité à manager un projet d’excellence, en liant moyens et fin. Chaque matin, à l’entraînement, je me répétais : “mon objectif est d’être champion du monde ou champion olympique. Il n’est pas illogique que je le devienne si je continue à m’entraîner de cette façon tous les jours”. Cela procure une force d’engagement colossale, dont le résultat final dépend en grande partie. 

Mieux manager pour mieux fidéliser les talents en 2024 : quel mode d’emploi ? 

Pour embarquer et fidéliser, il faut écouter, bâtir une relation de confiance mutuelle et construire une ambition ensemble. Autrement dit, manager et managé doivent s’engager dans une forme de partenariat au sein duquel chacun trouve son compte. 

Un DRH dans l’incapacité d’offrir des possibilités d’évolution internes à ses collaborateurs, me confiait récemment les recommander auprès de son réseau afin qu’ils puissent évoluer, même en dehors de l’entreprise. La logique donnant-donnant est la suivante : le DRH a besoin de ses collaborateurs. S’ils accomplissent la mission pour laquelle ils ont été recrutés, alors il accomplira la sienne en les aidant à grandir au sein de la structure, ou ailleurs. 

Ce raisonnement est d’autant plus efficace pour les jeunes, qui considèrent l’entreprise comme un passage. Le CDI ne les fait plus rêver. Ils veulent être acteurs de leur parcours et sont exigeants quant à l’environnement de travail dans lequel ils évoluent. Charge aux managers et aux professionnels des RH de s’y adapter, de les écouter et de bâtir une relation basée sur une forme de sincérité réciproque. Parmi les questions qu’il me semble crucial de leur poser pour mieux les comprendre, mieux les intégrer, mieux les fidéliser : pourquoi as-tu rejoint la structure ? Qu’en attends-tu ? Quel est ton projet professionnel ? Comment puis-je t’accompagner ? Cela n’a rien de facile ni de naturel aujourd’hui, j’en suis conscient.  

Un mot à ajouter ?

Ce dossier donnant la parole à des personnalités aux parcours, aux expertises et aux expériences différentes est une très belle initiative. Notre point commun : l’Humain. Nous sommes tous des hommes et des femmes qui partageons les mêmes envies, les mêmes motivations, les mêmes enjeux humains, quel que soit notre domaine de prédilection. Le croisement des situations vécues et des points de vue ne peut donc être qu’enrichissant et éclairant. Je suis ravi d’avoir pu apporter ma pierre à l’édifice.   

> Tendances RH 2024 : retrouvez notre dossier complet.

Sportifs, politiques, médecins, entrepreneurs, humoristes etc. : 24 personnalités prennent la parole afin de nous livrer leur vision des RH et du monde professionnel de l’année à venir. Leurs interviews sont à retrouver du 15 décembre au 18 mars, sur le média Parlons RH. 

Crédit Photo : photo libre de droit



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