Donner du sens au travail : quelles significations aujourd’hui ?
« Le travail est au fondement de l’ordre social, il détermine largement la place des individus dans la société […] Travailler est une norme, un fait social », tout comme le rappelle Dominique Méda, professeure de sociologie à l’Université Paris Dauphine. Il est alors tout à fait légitime de se demander si le salarié, et plus largement le travailleur, trouve un sens à son travail, et si oui, le(s)quel(s) ? Ce passionnant questionnement a mobilisé le cabinet Deloitte en décembre 2017, dans le cadre d’une étude menée auprès de 2 329 personnes.
Le « sens au travail » : une notion difficile à cerner
Si la majorité des personnes interrogées (87 %) reconnaissent accorder de l’importance « au sens du travail », il est plus complexe de proposer une définition unique pour cette notion. En effet, les définitions se multiplient et se confrontent à la diversité des engagements et des motivations des collaborateurs (respect des valeurs, utilité au travail, épanouissement personnel, etc.).
Ainsi, toutes catégories d’âges et de statuts confondus, le « sens au travail » est perçu principalement comme :
- collectif (49 %) ;
- individuel (30 %) ;
- relevant d’un point de vue organisationnel (21 %).
Plus précisément, le sens au travail est relié à l’activité réelle quotidienne (aux tâches concrètes) pour 29 % des personnes interrogées, tandis qu’il est pour 26 % d’entre elles associé à la coopération entre collègues (management participatif) et pour les 26 % restantes aux valeurs de l’organisation. En analysant ces données par statut, on observe une nette tendance :
- 31 % des « cadres supérieurs et cadres dirigeants » accordent plus d’importance aux valeurs de l’organisation et à la coopération ;
- 32 % des « non-cadres et cadres » accordent plus d’importance à l’activité réelle quotidienne.
Le « sens » au cœur du référentiel du travail
Il peut être également intéressant de noter qu’une écrasante majorité des personnes interrogées considère que c’est à chacun de donner un sens à son travail (85 %), tout en répondant que le manager a lui aussi son rôle à jouer (63 % des personnes interrogées). Contradictoire ?
Pas vraiment… En réalité, ces données traduisent la complémentarité de l’appropriation du mot sens d’un point de vue individuel (recherche d’équilibre entre ses attentes, besoins et aspirations), associé à un point de vue organisationnel (en recherche de directions clairement définies).
Pour être mieux décryptés, ces résultats doivent être replacés dans le référentiel du travail, défini par Vincent de Gaulejac, sociologue clinicien, en ces termes : « l’avoir », « l’être » et « le faire ».
Le registre « avoir » représente l’acquisition de différents capitaux par son travail :
- économiques (salaire, prime, etc.) ;
- sociaux (constitution d’un réseau social, statut, etc.) ;
- culturels (maîtrise de savoir-faire, développement des compétences, etc.).
Le « faire » est entendu comme la production, l’exécution d’une tâche qui prend en compte une collaboration directe ou indirecte (accomplissement d’un ouvrage, etc.).
Enfin, « l’être » est plus lié à l’épanouissement de l’humain au sein de son environnement de travail (QVT, gratitude obtenue pour un travail effectué, résolution de conflits, etc.).
Parfois contradictoires, ces différents registres sont pourtant souvent complémentaires, et reflètent toujours la complexité humaine. Pour exemple, « apprendre de nouvelles choses pour un dossier spécifique » relève majoritairement du « faire » mais aussi de l’ « avoir ».
Les notions de fierté, de plaisir et de bonheur au travail font aussi partie des réponses recueillies lors de cette étude et viennent se greffer sur les différents registres :
- 83 % affirment être fiers de leur travail (« faire ») ;
- 81 % revendiquent que le travail est une source d’épanouissement (« l’être »).
Cependant, le « faire » l’emporte largement sur les autres registres, mettant donc en lumière l’importance de la réalisation de l’acte professionnel.