Le télétravail, la clé pour attirer et retenir les jeunes talents ?
Après deux ans de crise sanitaire, le télétravail s’est généralisé, jusqu’à devenir incontournable, particulièrement chez les jeunes diplômés, qui en ont fait un pré-requis à l’embauche. Pour les RH, le travail à distance est un nouveau levier pour attirer et fidéliser ces talents de la génération Z.
En deux ans, le télétravail, autrefois perçu comme un avantage, voire comme le privilège des cadres, est devenu une norme. Il s’agit même d’un pré-requis indispensable, en particulier chez les jeunes. Réalisée en novembre 2021, la dernière étude « People at Work / Workforce View » d’ADP nous a récemment appris que 53 % (soit plus de la moitié) des 18-25 ans en France envisageraient de quitter leur entreprise si leur employeur leur imposait 100 % de présentiel. Tous âges confondus, ce sont 36 % des salariés qui seraient prêts à démissionner s’il était impossible de télétravailler.
Force est de constater que la crise de la Covid-19, entre mars 2020 et aujourd’hui, a changé la donne. « Avant la pandémie, au-delà du sens au travail, un élément revenait déjà depuis quelques années lors des recrutements : l’équilibre vie professionnelle – vie personnelle. La crise a révélé le fait que le télétravail peut justement être un levier important en la matière. Aujourd’hui, il est devenu incontournable, et fait partie des deux ou trois premières questions qu’un jeune posera en entretien d’embauche », observe Vincent Binetruy, Directeur France du Top Employers Institute — un organisme international qui décerne chaque année un label aux entreprises dont les politiques de RH se distinguent par leur « excellence ».
Juliette Cerdan-Guyon, Directrice de l’Impact et des Ressources Humaines de Human & Work, confirme que depuis 2020, le télétravail est « une question systématiquement soulevée » lors du recrutement. « On nous demande constamment quelles sont nos pratiques en la matière. Cela revient dans 100 % des process… et c’était nettement plus rare avant ».
Il s’agit aussi d’un nouveau standard pour les jeunes déjà en poste : « L’expérience du confinement a remis en question le caractère indispensable de la présence physique dans un bureau, et dans une ville en particulier, pour pouvoir bien faire son travail. Les collaborateurs, principalement ceux de la génération Z, expriment désormais un fort besoin de flexibilité sur les lieux où ils exercent leur travail, tandis que les espaces de coworking se multiplient depuis la sortie de crise », note Camille Fauran, directrice générale de Welcome to the Jungle.
Un rapport particulier au travail à distance chez les jeunes
Comment expliquer que les moins de 25 ans soient la population la plus sensible au télétravail ? Juliette Cerdan-Guyon explique que les jeunes talents ont un rapport au travail « différent » de leurs ainés : « Ils y cherchent du sens, une façon de réaliser des objectifs qui leur sont propres, et pour cela, ils ont besoin d’atteindre une certaine autonomie. Or, le télétravail est une façon de permettre cette autonomie dans l’organisation ». La DRH de Human & Work confirme par ailleurs que le travail à distance est aussi pour les moins de 25 ans « un outil au service » d’un meilleur équilibre vie personnelle – vie professionnelle, « quelque chose de très important pour eux, beaucoup plus que pour les seniors ».
Selon Juliette Cerdan-Guyon, la génération Z a également un rapport particulier au télétravail en raison de son expérience de l’apprentissage à distance : « Les jeunes diplômés que l’on reçoit en entretien ont étudié en virtuel pendant 2-3 ans, parfois sans jamais avoir mis les pieds dans leur université / école, parfois en mode hybride. Ils ont appris à travailler avec des outils digitaux, là où on ne le faisait pas autrefois, et ont développé un rapport à l’activité professionnelle où la distance fait partie du décor ».
Les moins de 25 ans sont toutefois davantage intéressés par le « travail hybride » (avec deux jours à distance minimum) que par le télétravail à 100 %. « Ils demandent avant tout de la souplesse, de la flexibilité dans la possibilité de travailler en distanciel ou au bureau. Ils veulent aussi pouvoir se rendre dans les locaux de l’entreprise, croiser leurs collègues, assister à des réunions en présentiel, sortir de chez eux et ne pas rester isolés. Le sujet du ‘full remote’ concerne davantage les personnes en milieu de carrière, qui en général sont plus intéressées par la perspective de quitter les grandes villes, et qui ont des enjeux de conciliation vie familiale – vie pro différents de ceux des jeunes », observe Juliette Cerdan-Guyon.
Le télétravail, enjeu d’attraction et de rétention
Pour les DRH, l’enjeu est de taille en matière d’attraction et de rétention des jeunes talents. « L’entreprise qui ne serait pas capable de répondre à cette attente prend deux risques majeurs : celui de ne plus attirer grand monde, mais aussi de voir filer les jeunes talents », assène Vincent Binetruy. Premier défi pour les RH, selon lui : « donner autant de sens au temps de travail passé à distance qu’à celui passé en présentiel, sachant que les jeunes sont sensibles au sens que l’on donne à leur travail, que ce soit à domicile ou au bureau. »
Pour attirer et garder les jeunes talents, nombre d’entreprises mettent désormais en avant la possibilité de télétravailler dans leurs annonces d’emploi, et proposent un mode de fonctionnement qui soit le plus flexible possible. « Les plus avancées en la matière laissent à la nouvelle recrue la possibilité de s’organiser avec son manager pour trouver le bon rythme, dans une totale confiance. Elles permettent à ceux qui le demandent de télétravailler hors de chez eux (y compris dans une autre région ou à l’étranger), le nombre de jours qu’ils le souhaitent », constate Vincent Binetruy.
Un télétravail « flex » et souple
Chez Welcome to the Jungle, sur 300 salariés, 90 vivent hors de Paris (où se trouve le siège de l’entreprise). L’entreprise a ainsi décidé de permettre à ses collaborateurs de télétravailler à temps complet de n’importe où en France, y compris depuis le Portugal et l’Espagne. « La souplesse est totale. Le salarié fait son choix entre Paris et ailleurs. Ceux qui choisissent la province vivent dans une dizaine de villes, notamment dans 3 où nous avons créé des ‘hubs’, des espaces de coworking qui leur permettent de se retrouver et de recréer une vie de bureau. Car il ne faut pas oublier que certains salariés, notamment jeunes, réclament du présentiel », explique Camille Fauran.
Afin d’entretenir chez les jeunes télétravailleurs la cohésion sociale et le sentiment d’appartenance à l’entreprise, des « moments de rassemblement obligatoires » sont organisés tous les trois mois afin de « réunir et rassembler tout le monde ». Ceux qui le souhaitent ont aussi la possibilité de venir gratuitement à Paris, dans les locaux du siège, une fois par mois, leur trajet et leur logement étant intégralement pris en charge.
Les salariés de WTTJ qui choisissent d’être rattachés au bureau de Paris pratiquent de leur côté un « télétravail flex », ou partiel : « leur contrat de travail ne spécifie pas qu’ils sont sur un mode de télétravail particulier, mais ils ont la possibilité de venir au bureau le nombre de fois qu’ils veulent, toute la semaine, un jour par semaine, ou jamais », indique Camille Fauran. Selon la directrice générale de l’entreprise, ce système à la carte répond à un besoin exprimé par la majorité des équipes, « d’avoir un meilleur équilibre vie pro – vie perso, un meilleur cadre de vie et davantage de flexibilité ». Il serait ce qui motive principalement 90 % des salariés à « recommander WTTJ autour d’eux, comme emploi ».
Chez Human & Work, Juliette Cerdan-Guyon s’est d’abord attelée à « privilégier l’équité » : « nous sommes le plus transparents possible sur les missions pouvant être effectuées en télétravail, et celles nécessitant d’être présents au bureau. Même si l’objectif est de donner accès à tous au télétravail, sans distinction. » La souplesse est également de mise, avec un rythme standard de 2 jours / 3 jours, mais la possibilité de se rendre au bureau ou de télétravailler sans restrictions. « Nous avons choisi de permettre toutes les exceptions possibles », note la DRH. Enfin, Human & Work a adopté le modèle de « l’activity based office » : des bureaux où les espaces de travail sont en libre service, selon les besoins. « Afin de donner du sens au travail sur site, nous avons repensé l’expérience en présentiel, en invitant chaque salarié à penser davantage à l’espace de travail comme un élément du travail, et à se poser la question de ce qu’il fera de mieux au bureau ou à distance. »
« Le télétravail n’est pas l’arme absolue »
Reste le management : « l’enjeu pour les RH, face à cette importance du télétravail aux yeux des jeunes, c’est aussi de développer une façon de manager moins contrôlante, basée sur les objectifs et la confiance », note Juliette Cerdan-Guyon. « Pour un jeune, le télétravail signifie ‘autonomie’ mais aussi ‘solitude’. Le défi est de trouver le bon équilibre entre la confiance et l’accompagnement », ajoute Camille Fauran.
Mais proposer du télétravail ne suffit pas : encore faut-il repenser tout ce qui l’entoure. « Il faut questionner le rôle du manager et sa façon d’accompagner ses équipes, tout en réfléchissant aux sujets d’ergonomie, de santé mentale et de risques psychosociaux. Pour dépasser le simple critère d’attractivité au recrutement et en faire un levier de rétention des talents, il est indispensable de repenser l’ensemble de la politique RH », estime de son côté Juliette Cerdan-Guyon. « Si derrière l’entreprise n’a pas réfléchi à la manière de mettre le télétravail en musique, catastrophe en vue ! », ajoute-t-elle.
Attention, enfin, à ne pas se focaliser uniquement sur le télétravail : « étant donné que c’est devenu une norme, les RH doivent aussi trouver d’autres pistes pour attirer et retenir les talents. Donc ne pas négliger d’autres attentes des jeunes diplômés / salariés : la formation, le développement de l’employabilité, la possibilité d’évoluer plus vite à travers son parcours de carrière », explique Vincent Binetruy. « Car non, le télétravail n’est pas l’arme absolue, et il ne suffit pas de le dégainer comme un argument magique. Il faut aussi travailler sur d’autres sujets RH, et s’assurer que l’expérience du travail à distance ou hybride proposé colle réellement avec les promesses que l’on fait au départ au candidat », conclut-il.
Crédit photo : Shutterstock / Giulio_Fornasar
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