Toilettes d’entreprise : les lois de Waterworld
Heureux, sans le savoir, ceux qui n’ont jamais travaillé qu’au sein de grands groupes ! Les toilettes s’y caractérisent en général par un équipement et une hygiène impeccables dans une atmosphère calme, anonyme et climatisée. Il n’en va pas toujours de même, hélas, dans certaines PME et TPE. Si le petit coin n’est pas de paradis au sein de votre entreprise, voici à toutes fins utiles un rappel des obligations légales de l’employeur dans ce domaine. Bienvenue à Waterworld.
Un cadre plus que strict
L’employeur a l’obligation de « mettre à la disposition des travailleurs les moyens d’assurer leur propreté individuelle » (article R. 232-2-1 du Code du travail), à savoir des cabinets d’aisance, mais également des lavabos. Pour déterminer le nombre des premiers et des seconds, l’employeur doit considérer l’effectif maximal de travailleurs présents simultanément dans l’établissement (Art.R. 4228-10 du Code du travail). En fonction de cet effectif, il lui faut mettre à disposition des salariés au moins :
- un cabinet et un urinoir pour vingt hommes,
- deux cabinets pour vingt femmes,
- un lavabo pour dix salariés.
Précision qui a son importance, l’eau du lavabo doit être potable et sa température réglable. Si les dimensions des cabinets d’aisances ne sont pas spécifiées par le Code du travail (qui n’a jamais connu la joie de la porte qui, en s’ouvrant, butte sur la cuvette tant le lieu est minuscule ?), celui-ci stipule que ses portes doivent être pleines.
Par ailleurs, les lieux d’aisance ne doivent pas communiquer directement avec les locaux où le personnel exerce son activité (Art. R. 4228-1 du Code du travail). Dit concrètement, il faut un sas entre les toilettes proprement dites et les bureaux. C’est dans cet espace de débattement qu’est généralement installé le lavabo. Sur ce point, il faut admettre que le bât blesse dans les petites structures aux locaux constitués en fait d’un open space, sur lequel les toilettes donnent directement. On se le figure aisément, entendre de derrière la porte discuter ses collègues comme si l’on se trouvait au milieu d’eux ne favorise pas une utilisation sereine des lieux.
And now, ladies and gentlemen…
Toute entreprise employant du personnel mixte est tenue de mettre à disposition des toilettes séparées pour les hommes et les femmes (Art. R. 4228-10 du Code du travail). Pour les secondes, les lieux doivent abriter un récipient pour garnitures périodiques (Art. R. 4228-10 du Code du travail).
Si une majorité d’employeurs s’efforce de respecter la loi dans ce domaine, les très petites structures, celles de moins de dix personnes, sont moins que les autres en conformité sur ce point. L’explication est simple : pour moins de dix collaborateurs, les locaux ne comprennent souvent qu’une ou deux pièces : vu la superficie réduite, le propriétaire n’a pas forcément la possibilité, ni le souhait, de créer un second cabinet d’aisance.
Par ailleurs, une organisation employant un ou plusieurs collaborateurs handicapés ne peut se dispenser de prévoir des toilettes spécifiques, auxquelles ces personnes puissent accéder facilement (Art. R. 4225-7 et R. 4225-6 du Code du travail). Bien que l’accessibilité concerne tous les types de handicap, ce sont en termes d’espace les dispositions relatives aux personnes circulant en fauteuil roulant qui prévalent. Quant à la non-mixité des lieux, elle s’applique aussi aux travailleurs handicapés.
Opération mains propres
Sans atteindre le point de non-retour de certains sanitaires de gares ou de bars-tabacs parisiens (en passant : le système dit « à la turque » est-il légal sur les lieux de travail ?), certaines toilettes d’entreprise peuvent témoigner d’une hygiène insuffisante. La loi stipule pourtant que l’employeur doit les faire nettoyer et désinfecter au moins une fois par jour. Pour faciliter ce nettoyage et en garantir l’efficacité, le sol et les parois sont obligatoirement en matériaux imperméables (Art. R. 4228-13 du Code du travail).
Sachez aussi qu’il existe des normes pour les détergents d’atelier, les savons mis à la disposition du personnel, l’éclairage et le chauffage. En ce qui concerne les moyens d’essuyage, multiples, il est recommandé d’éviter les torchons ou serviettes utilisés par tous, qui favorisent la prolifération des microbes, et de privilégier les dispositifs individuels de type serviettes en papier jetables ou sèche-mains automatisés.
À la lecture de toutes ces obligations, certains employeurs pesteront contre la complexité du Code du travail français relativement à la conformité des locaux. Qu’ils se rassurent : si la disposition des lieux ne leur permet pas d’être aux normes dans les conditions exactes des textes, ils peuvent demander une dispense de certaines obligations auprès de l’inspecteur du travail. Il leur faudra, pour ce faire, consulter préalablement le médecin du travail, le CHSCT ou, à défaut, les délégués du personnel… et faire en sorte que les conditions d’hygiène s’approchent aussi près que possible de celles prévues dans le Code du travail. (Art. R. 4228-16, 17 et 18 du Code du travail).
Enfin, pour voir si vous avez tout suivi, voici un petit exercice simple. Une entreprise emploie 21 femmes et 1 homme, combien doit-elle posséder de lavabos et de toilettes ?
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