Recrutement : le digital est le moyen, ce n’est pas l’objectif

Recrutement et digital, l’un ne semble plus aller sans l’autre pour la blogosphère RH florissante. Il ne s’agit pourtant en rien de faire table rase du passé. Le digital n’a de sens que s’il est un accélérateur et un créateur de valeur. Pourquoi et comment en faire un outil pour matcher les talents et les entreprises qui les traquent ? Réponse par Sylvie Fleury, fondatrice et CEO de la start-up Hunteed, plateforme digitale de recrutement au succès, ex-DGA Europe du groupe Meetic.
Ce n’est pas parce que le digital est à la mode qu’il faut s’en draper de la tête au pied. Certains parient sur un monde du recrutement qui, dans le futur, permettrait au candidat de passer tous les entretiens, sans n’avoir jamais eu aucun contact physique de visu, avec la future entreprise qu’il rejoindra. Ce n’est pas notre vision de l’apport du digital au recrutement. Pour comprendre le subtil équilibre entre une digitalisation en mode accélération permanente et les incontournables interactions humaines qui constituent l’essence même du recrutement, un flash-back s’impose.
Sommaire
Recrutement : fin de règne pour les jobboards
Le digital a fait son entrée fracassante sur le marché du recrutement il y a 15 ans. Les jobboards ont rebattu les cartes du recrutement en poussant vers le web les encarts publicitaires que l’on trouvait avant cela dans la presse. Quand celle-ci créait un rendez-vous hebdomadaire dédié, les plateformes ont permis une diffusion constante et permanente des offres d’emploi. Consultables à tout moment et en tout lieu, elles ont attiré un grand volume de candidatures. Les entreprises payaient, payent encore, à la diffusion de l’offre sur ces plateformes. C’est un achat d’audience qui s’est complexifié avec l’augmentation du nombre de jobboards.
De la multi-diffusion aux enchères de mots clés
L’offre des multi-diffuseurs est arrivée en complément avec l’objectif d’aider les entreprises à mieux s’y retrouver grâce à un point d’entrée unique pour cibler à travers une large palette de canaux. C’est là encore le volume qui compte, même si la logique de gain de temps s’affirme alors. Au final, c’est encore de nombreux CV à trier. La stratégie reste celle d’être visible, sans idée de performance mesurable.
Indeed a fait évoluer le modèle en proposant une diffusion gratuite des offres d’emploi, associée à un système d’enchères sur le modèle des Google Adwords. Pour remonter en tête des annonces dans le moteur de recherche, le coût d’achat des mots clés est lié au nombre d’entreprises cherchant à se positionner dessus. Payer peut désormais se faire en échange d’un début de performance, et pas seulement pour être vu. On se rapproche du modèle de la publicité digitale, avec la logique de cost per lead (achat de prospects qualifiés). La chance de transformer n’est pas garantie, mais elle est élevée.
Demain ce sera sur des jobboards dématérialisés que les offres seront poussées vers le bon candidat grâce à un affichage programmé sur la base de son comportement sur le net et sur les réseaux sociaux comme Snapchat ou Instagram, et pas seulement LinkedIn. Des chatbots pourront même initier la conversation au bon endroit au bon moment, en préalable à des échanges à prolonger entre « vraies gens » cette fois.
Toujours plus de data
Dans cet écosystème de sourcing automatisé, c’est encore la profusion de CV qui fait loi, même si elle est tempérée grâce à des algorithmes de matching sémantique. Ce tri reste quoi qu’il en soit un chantier conséquent pour les entreprises, qui continuent pour cela à faire appel aux consultants en recrutement. Plus de la moitié des offres des jobboards émanent d’ailleurs d’intermédiaires du recrutement et non pas des entreprises elle-même. Les professionnels du recrutement sont en effet par leur connaissance des interlocuteurs capables de zoomer sur les tunnels de conversion les plus concluants. L’accès à la data est toujours plus large et permet d’avoir une approche de plus en plus pointue en termes de KPI’s du recrutement.
Aller chercher les candidats passifs
Le retour sur investissement et le gain de temps ont toujours été et sont encore les deux leitmotive principaux des entreprises qui recrutent. Sur le marché de l’emploi des cadres, il existe une dimension complémentaire. On change aujourd’hui plusieurs fois d’entreprise dans sa vie. Bien plus qu’hier. Le besoin de remplacer les cadres qui changent de poste est de plus en plus fréquent du fait du turn-over plus important. L’augmentation du nombre de recrutements des cadres, plus de 200 000 par an selon l’Apec, est induite par le fait que le taux de chômage chez les cadres avoisine seulement les 4 %. L’approche de candidats passifs devient stratégique pour les entreprises, c’est-à-dire ceux qui ne sont pas actifs sur les jobboards, ni même sur les réseaux sociaux. Les consultants en recrutement sont à même de savoir qui, bien que confortablement installé dans son job, serait potentiellement partant pour une nouvelle aventure. Sa connaissance du secteur d’activité lui permet de disposer des bons arguments pour convaincre lorsqu’une opportunité d’évolution est à saisir.
Le sourcing n’est que la première étape du recrutement
Quelle que soit la modalité de sourcing, le recueil de candidatures qualifiées n’est que l’étape n° 1 du processus. Ensuite se joue la validation du candidat identifié, la confirmation de sa disponibilité et de son intérêt pour l’entreprise. Un candidat passif est encore plus exigeant sur le profil d’entreprise qui pourrait lui correspondre. Des échanges sont toujours à prévoir et organiser pour valider le savoir-faire annoncé, pressentir le savoir-être, grâce notamment à des tests de personnalité, et s’assurer que les personnes vont pouvoir travailler ensemble. Dès lors que le recrutement au succès est devenu un modèle prépondérant, il ne s’agit pour autant pas de faire perdre du temps et de l’énergie aux consultants en recrutement en compétition. L’algorithme d’Hunteed vise pour cette raison à créer un lien entre les entreprises et les consultants en recrutement les plus à même d’être en contact avec le talent ressource recherché. C’est la garantie d’une économie d’énergie pour toutes les parties prenantes.
La négociation salariale est un virage à risques
Bien loin d’être une formalité, la négociation du contrat de travail est pour sa part décisive non seulement sur le fond, mais aussi sur la forme. La question n’est pas seulement d’accepter ou non le salaire proposé. Les incompréhensions qui peuvent naître de ces échanges sont susceptibles de constituer un moment de rupture. Là où un calculateur peut enregistrer « combien tu veux et combien je te donne », il n’est pas en mesure de poser de bases saines d’une relation professionnelle durable. La date de début du contrat et l’ensemble du package de rémunération proposé sont des éléments qui vont être décisifs pour conclure le deal. Peu de personnes sont à l’aise pour parler d’argent. Le consultant, ou le chargé de recrutement dans l’entreprise ont une position de tiers qui permet de protéger le candidat, le recruteur et la relation professionnelle qui est en train de se construire. Cette phase, je ne la crois absolument pas digitale, ni aujourd’hui ni demain.
Transparence et marque employeur : ce que ça change
Le rapport de force est loin d’être le même entre candidats et entreprises selon que le marché de l’emploi est pénurique ou non. Une nouvelle carte a cependant pris place dans le jeu des candidats, pour les entreprises d’une certaine taille, ce sont les sites de notation des employeurs. Sur les sites comme Glassdoor, tout le monde peut consulter les avis des collaborateurs et des autres candidats. Ce qui se dégage de l’ambiance et du savoir travailler ensemble est devenu une donnée qui fait pencher la balance. Le candidat dispose de sources bien plus larges qu’avant pour se forger un avis, non seulement sur le poste et l’équipe, mais aussi sur l’entreprise tout entière. C’est un bouche-à-oreille industrialisé qui est à l’œuvre. Il force les entreprises à développer une nouvelle communication à destination de leurs futurs candidats, notamment en développant leur marque employeur.
Le recrutement itératif : c’est en faisant que l’on sait où l’on va
La description de poste, véritable institution du marché de l’emploi, est l’une des étapes qui tirent parti de l’outil digital. Elle cesse justement d’être une simple étape. Elle devient un processus itératif. Sur une plateforme de recrutement conçu comme un espace de travail pour les entreprises qui recrutent et les consultants, la fiche de poste devient évolutive. Le débrief des échanges entre candidat/consultant et candidat/entreprise nourrit un enrichissement sélectif des missions allouées au poste. C’est souvent après le premier candidat rencontré, que les évolutions sont les plus fortes et permettent de faire de « ce n’est pas tout à fait ce que l’on voulait », un gage de réussite pour la suite qui se base sur un mode collaboratif et sort de la logique du « ce n’est pas ce que vous m’aviez dit que vous vouliez ». Des notifications sur l’évolution de la fiche de poste sont envoyées aux consultants mobilisés sur le recrutement pour les tenir à jour. L’expérience de chacun fait ainsi gagner du temps à tout le monde. C’est une reproduction du mode itératif qui se passe, entre candidats, entreprises et consultants, lors des échanges par téléphone ou des rendez-vous en face à face.
Voyons loin. Une guerre d’une solution digitale contre une autre n’a pas lieu d’être. Le recrutement n’est pas, et ne sera plus jamais mono-canal. Les fonctionnalités proposées se complètent, et s’adaptent en permanence aux usages et aux attentes de tous les acteurs.
Hunteed est une plateforme digitale qui connecte les entreprises qui recrutent avec une large communauté de consultants en recrutement professionnels et indépendants.
Crédit photo : © Shutterstock /alphaspirit
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