Cahier de tendances 2023

QVCT & RPS : « Le management évolue dans le bon sens » (Paul-Emile Saab, Sport Heroes)

le 23 février 2023
cahier de tendances - qvct & rps

La qualité de la vie et des conditions de travail a souffert de la pandémie, mais les entreprises réagissent, estime Paul-Émile Saab, dirigeant de Sport Heroes et promoteur du bien-être en entreprise via United Heroes, une application de sport et de bien-être dédiée aux salariés.

Qu’est-ce que la QVCT pour vous ?

La qualité de la vie au travail est un concept vaste : le terme « vie » renvoie en effet à la personne que nous sommes, et non simplement au salarié. À mes yeux, l’ajout du terme « conditions » de travail vise à mettre davantage l’accent sur la responsabilité de l’employeur. Chacun vit le travail à sa manière,
avec des déterminants et des paramètres qui lui sont propres, c’est très personnel. En ajoutant la notion de « conditions de travail », on remet l’employeur au milieu du débat, en tant que responsable de l’environnement de travail, matériel, physique, mais aussi managérial et organisationnel.

Le bien-être au travail s’est-il amélioré ou dégradé dans les entreprises françaises au cours des 20 dernières années, selon vous ?

Le bien-être au travail a évolué avec la société, avec l’émergence des nouveaux modes de travail, avec le développement de nouveaux secteurs. Le tertiaire était déjà bien installé il y a 20 ans, il l’est encore plus. La part des métiers sédentaires est devenue très importante, avec une forte présence du digital. La sédentarité, en elle-même, pose de réels problèmes. Une addiction aux outils digitaux s’est aussi développée tant dans nos vies personnelles que dans nos vies professionnelles. Le bien-être au travail et la qualité de vie en ont souffert.

Le point positif, c’est que ces sujets sont de mieux en mieux connus. Ils sont l’objet de recherches académiques et d’expérimentations à grande échelle dans les entreprises. Des postes sont créés dans les organisations pour les traiter. Des solutions se multiplient pour optimiser l’espace de travail, améliorer la cohésion d’équipe, favoriser le bien-être…

La crise sanitaire a accru la composante psychologique de cette évolution. Le mal-être, l’isolement, la distension du lien social, le stress et l’anxiété générés par la situation ont accéléré la dégradation du bien-être mental. Pour l’entreprise, il était difficile de diagnostiquer précisément la situation et d’intervenir. Le salarié en détresse était loin du lieu de travail, sa souffrance n’était pas visible, ses collègues n’étaient pas en mesure d’être en soutien ou de donner l’alerte. Cela s’est traduit dans l’accroissement du nombre de burn out et de pré-burn out. Les entreprises ont réagi depuis, mais davantage en curatif qu’en préventif.

Quelle réflexion vous a conduit à développer Sport Heroes et United Heroes ?

Au départ, nos solutions visaient le grand public. Nous voulions encourager le plus grand nombre à être actif et à pratiquer ses sports de prédilection, tout en proposant des contenus associés sur la nutrition ou la préparation mentale, et en utilisant des leviers de gamification. Des fans de nos applications ont commencé à manifester l’envie de partager les activités avec leurs collègues. Nous avons donc décidé de proposer aux entreprises des prestations d’encouragement à la pratique sportive à destination des salariés.

Très vite, nous avons élargi notre champ d’action au bien-être en général, au-delà du sport. United Heroes propose ainsi une plateforme plus inclusive, avec 60 activités individuelles ou collectives. Le but est d’aider l’entreprise à favoriser à la fois le bien-être de chacun et la cohésion des équipes, à travers la
création de communautés. La plateforme donne accès aussi bien à la diversité des pratiques sportives qu’à des activités comme la méditation ou le jardinage – avec toujours le choix de participer individuellement ou collectivement. Nous les aidons ainsi à répondre à un double objectif de QVCT, le bien-être et le « bien se sentir ensemble ».

Quelles entreprises, quels secteurs s’intéressent à ce type de solutions ?

Il s’agit plutôt, mais pas uniquement, de grandes entreprises multisites qui souhaitent créer du lien entre leurs collaborateurs. Tous les secteurs sont concernés. Les salariés utilisateurs peuvent être aussi bien chauffeurs de poids lourds que consultants ou encore ouvriers dans l’agroalimentaire. L’objectif est d’accompagner ces collaborateurs dans leur façon d’être au travail mais aussi en dehors. Tout en veillant à ne pas être intrusives, les entreprises les plus engagées mettent à disposition de leurs salariés des outils qu’ils peuvent utiliser sur leur temps personnel – que ce soit pour leur bien-être personnel ou pour s’engager en faveur de causes.

Par quels leviers la QVCT contribue-t-elle à la performance de
l’entreprise ?

La QVCT a un impact direct sur l’engagement des collaborateurs au sein de l’entreprise, et donc sur la rétention des talents, la baisse du turnover, la réduction de l’absentéisme, la productivité. En décomplexant le salarié dans sa volonté de s’occuper de lui-même, en lui donnant les moyens de le faire, mais aussi en lui permettant de se projeter dans un collectif, de donner du sens à son action, on améliore son degré d’implication dans l’entreprise. Aujourd’hui, mettre en place des démarches de ce type est devenu indispensable pour attirer et fidéliser les talents.

N’y a-t-il pas le risque de servir d’alibi à un management toxique ?

La présence d’un management pathogène dans l’organisation est la meilleure recette pour faire échouer notre programme. Il faut d’abord traiter le problème à la racine. Les managers doivent être ambassadeurs de la démarche, sous peine d’en neutraliser les bénéfices. C’est la raison pour laquelle United Heroes fonctionne parfois très bien dans une entreprise et moins bien dans une autre, pourtant du même secteur. La différence découle le plus souvent du niveau d’engagement de l’équipe managériale et de la façon dont l’information sur les solutions circule.

Globalement, le management évolue dans le bon sens. Il y a 20 ans, beaucoup de managers n’avaient aucune notion de ce qu’étaient le mal-être au travail ou les signes annonciateurs de burn out. Aujourd’hui, la couche managériale des entreprises dispose généralement d’un minimum de formation sur le sujet, ou au moins d’une sensibilisation aux enjeux.

Comment voyez-vous évoluer la problématique de la QVCT au cours des mois et années à venir ?

Nous sortons de plusieurs années de disruption liées à la pandémie. Les modes de travail ont été révolutionnés en peu de temps. Il sera très difficile pour les entreprises et les collaborateurs de revenir en arrière. Celles qui essaient de le faire, comme Tesla ou Apple, rencontrent des difficultés et des résistances.

Le premier enjeu RH des années qui s’annoncent sera de mieux comprendre l’organisation hybride, avec humilité et ouverture, à travers la recherche et l’analyse de terrain. Il faudra ajuster les outils, la façon de travailler, les modes de décision. Toutes les options sont sur la table, comme la semaine de quatre jours, que certains expérimentent déjà. Le rythme et le cadre de travail, le degré de flexibilité seront des grands enjeux des prochaines années. Au fil du temps et des expérimentations, nous verrons quels sont les arrangements et les configurations qui fonctionnent le mieux et génèrent à la fois le plus de bien-
être et de performance.

Le deuxième enjeu est celui du sens du travail. La quête de signification anime de plus en plus les salariés et candidats. En face, l’opinion publique se montre de plus en plus vigilante face aux pratiques RSE de façade et au greenwashing. Les entreprises devront de plus en plus s’assurer que leurs valeurs sont réellement incarnées, et produisent l’impact désiré. Les bonnes intentions ne sont pas l’assurance d’un résultat effectif. Enfin, les outils digitaux vont continuer à évoluer et à transformer nos manières de travailler. Comme toujours, il faut continuer à faire preuve d’humilité et surveiller les évolutions.

Retrouvez cet article et bien plus encore dans notre Cahier de tendances RH ! À travers des portraits de DRH, des interviews d’experts, ou encore des chiffres clés, on décrypte les 10 tendances RH qui rythmeront l’année 2023. Un grand merci à nos partenaires Lucca, Cornerstone, GoodHabitz, Afnor, Golden Bees, United Heroes, Universum, Actinuum, Swile, LinkedIn Talent Solutions sans qui ce cahier n’aurait pas pu voir le jour.

> Retrouvez aussi notre dossier complet, alimenté régulièrement. Il regroupera à terme tous les articles du Cahier de tendances.



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