Portrait de Mathilde Le Coz, Mazars : le DRH, tiers de confiance entre la tech et l’humain
VRP de l’innovation au cœur d’une fonction multidisciplinaire, la RH attèle la technologie au carrosse du changement et de la performance globale. Mathilde Le Coz, DRH engagée de Mazars France et présidente du Lab RH, est bien placée pour incarner cette mission.
Elle assume « un itinéraire un peu déconstruit », et avoue qu’elle n’aurait « jamais pensé devenir DRH ». Financière de formation, c’est en tant qu’auditrice qu’elle rejoint Mazars à la suite d’une rencontre. Lorsqu’un jour on lui propose un poste de développement des talents dans la nouvelle filiale conseil, elle embarque « sans aucun bagage RH, mais avec envie de développer mes compétences ». Elle se fait une haute idée de la fonction, mais découvre « un métier dans lequel, pour être tout à fait franche, j’ai d’abord trouvé peu de sens. Une fonction respectée mais qui faisait peur, difficile à assumer dans les dîners en ville. » Elle envisage d’abord de quitter la RH.
On lui propose alors, en 2014, de créer la fonction « innovation RH » au sein de Mazars. Elle prendra ensuite la responsabilité de la marque employeur, du développement et du recrutement, avant de devenir DRH de Mazars en France en 2021. La même année, elle devient présidente du Lab RH. « Pour moi, le métier des RH est l’un des plus beaux qui soient. Il consiste à veiller à ce que le quotidien au travail soit agréable et épanouissant. Chez Mazars, la fonction RH est je crois aimée, et c’est réciproque. Plus on donne et plus on reçoit. »
Une fonction innovatrice par nature
Pour Mathilde Le Coz, la fonction RH est étroitement liée à l’innovation, et à la technologie. « J’ai la chance de pouvoir faire ce métier comme je le conçois. C’est un métier à la fois très technologique et très humain ; et je suis passionnée des deux. Je vois la HR Tech comme une formidable opportunité d’être une meilleure DRH, d’apporter plus de sens. » Aussi travaille-t-elle en partenariat étroit avec pas moins de vingt-trois start-up RH.
L’un des enjeux RH majeurs de notre époque est précisément d’arriver à allier humain et technologie de la meilleure façon. Ce qui suppose de savoir naviguer entre la peur, souvent irrationnelle, de la déshumanisation, et le risque de fétichisme technologique. « La technologie ne remplace pas les RH, elle les épaule. Il ne faut pas se priver d’outils qui savent parfois mieux accomplir que nous certaines tâches, nous laissant du temps, précisément, pour l’humain. » Sans perdre de vue les enjeux de santé psychologique : « il faut éviter de multiplier et de doublonner les outils et veiller à ce qu’ils ne soient pas source de stress. »
Une DRH étendue et multispécialiste
La fonction RH augmentée par la HR Tech a pour corollaire une « hybridation de la relation de travail », très concrète chez Mazars. « L’entreprise devient de plus en plus un hub de talents embarqués autour d’une vision commune. » Bien sûr, le salariat demeure, mais il est entouré de toute la galaxie des slashers, des salariés à temps partiel, des collaborateurs mis à disposition par des partenaires, des indépendants. « Les vingt-trois startup avec lesquelles nous travaillons font pour ainsi dire partie de la maison, même si nous sommes techniquement client et fournisseurs. » Mathilde Le Coz n’est-elle pas elle-même à la fois autoentrepreneur, présidente du Lab RH et DRH ? « Il faut réfléchir à ces nouveaux fonctionnements, conclut-elle, et trouver le moyen de les démocratiser. »
Longtemps pensée sous l’angle juridique, la fonction RH privilégiait les profils risk averse. « C’est antinomique avec la transformation RH, qui suppose d’être créatif, de prendre des risques, de sortir des sentiers battus. » Mais les représentations bougent, et l’idée que la fonction RH est multidisciplinaire fait son chemin. « Nous avons besoin de recruter des profils différents, des expertises multiples au sein des DRH. Le social et le juridique restent indispensables, mais il nous faut aussi des spécialistes du marketing, des technologies, des données, de la communication. Il faut hybrider la fonction RH ! »
L’ère du DRH cyber-responsable
Pour Mathilde Le Coz, le DRH n’est pas seulement un innovateur. Il est aussi « le gardien des valeurs de l’entreprise. Je crois à une performance durable, responsable et sociale. Quand le Comex et la direction pensent « économique », notre rôle est de vérifier que nous sommes bien alignés avec notre culture et nos ambitions RSE, avec le long terme. Et de le dire haut et fort si ce n’est pas le cas, ce qui implique courage et liberté de parole ».
Dans cette mission, la HR Tech est une aide précieuse : mesurer l’expérience collaborateur, lutter contre les discriminations au recrutement, améliorer l’expérience candidat et la QVT… « Chacune des start-up avec lesquelles nous travaillons repose sur une innovation, le plus souvent digitale, qui nous permet d’améliorer le service RH rendu aux collaborateurs tout en renforçant la performance. » Un exemple parmi d’autres : avec Goodeed, chaque visionnage par un candidat d’une vidéo de recrutement déclenche un don à une association. RSE et attractivité employeur tirent ainsi dans le même sens.
L’ambassadeur de l’innovation HR Tech
La tech n’a pas fini de transformer la fonction RH, estime la DRH de Mazars France. La blockchain va « changer la façon dont nous assurons la traçabilité et la certification des compétences », et donc « augmenter l’employabilité des personnes » au-delà du seul signal du diplôme. Les métavers vont apporter beaucoup à la formation, en permettant des mises en situation et un rapprochement des apprenants.
L’intelligence artificielle et les algorithmes prédictifs « nous aideront à mieux analyser les situations, à détecter des signaux faibles pour anticiper des situations RH inquiétantes, comme la survenue des burn out ». Mieux vaut prévenir que guérir ! Mais qui sera le gatekeeper de l’innovation technologique dans les RH ? Qui saura faire la part de ce qui améliore la performance RH et de la dépense inutile, voire nuisible ? « Les RH vont devoir se former », répond Mathilde Le Coz, « afin de pouvoir jouer le rôle de tiers de confiance dans le choix des outils. Ce n’est pas à la DSI de choisir les outils métier de la fonction RH. » Plus que jamais, celle-ci devra donc cultiver sa multidisciplinarité.
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