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La génération Y est malheureuse au travail, réfractaire à l’autorité et allergique au salariat. Les jeunes qui la composent sont hyper-connectés, individualistes, zappeurs professionnels au sens propre comme au figuré, tout en étant en quête de sens…Vraiment ? Peut-on légitimement associer toute une classe d’âge à ce catalogue de poncifs ? Essayons de démêler le vrai du faux pour appréhender comme il se doit cette culture Y.
Ce que je vous propose de voir successivement dans cet article :
1. Avant de voir fleurir les premières études concernant la génération Y, on avait coutume de dire — par facilité — qu’elle était impatiente, égoïste, accro au smartphone et aux réseaux sociaux, impertinente, ingérable… Depuis 2010, les études sur le sujet se sont multipliées, mettant à mal plusieurs caractéristiques attribuées jusqu’alors aux GenY. Cependant, force est de constater que certains stéréotypes semblent bien ancrés dans notre imaginaire collectif. Ainsi, chaque fois que j’évoque cette génération en formation ou en intervention, il y a toujours un participant qui y va de son commentaire sur la difficulté de manager les jeunes générations. #CétaitMieuxAvant
2. Sont-ils réellement insatisfaits au travail ? Remettent-ils en cause systématiquement l’autorité managériale ? En ont-ils assez du salariat ? Désirent-ils tous devenir entrepreneur ? Forment-ils un groupe homogène ? L’étude Manpowergroup réalisée par Viavoice en partenariat avec Les Echos Start et publiée en juin 2017, fait émerger non pas la, mais les identités de la génération Y. Loin d’être caricaturale, l’enquête dresse quatre grands portraits pour se rapprocher au plus près de la réalité Y : les fragilisés, les pragmatiques, les exigeants et les flexibles.
3. En allant un peu plus loin, peut-on étendre cette segmentation sociologique aux baby-boomers (nés entre 1946 et 1964) ainsi qu’aux générations X (nés entre 1965 et 1979) voire Z (nés entre 2001 et 2020) ? Et si en fin de compte, la génération Y n’existait pas et qu’il convenait de parler de culture Y en ayant une approche intergénérationnelle ?
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Sommaire
« Pourquoi la génération Y est-elle malheureuse ? » Cet article publié en septembre 2013 sur le HuffingtonPost américain a fait grand bruit et a occasionné beaucoup de dégâts. En effet, l’auteur, Tim Urban, s’est empressé de mettre tous les jeunes dans le même panier et d’expliquer que leur mal-être professionnel venait d’un écart trop important entre le haut niveau de leurs attentes et la réalité de leur quotidien. Bercés d’optimisme par leurs méchants parents bienveillants durant toute leur enfance, adolescence et vie de jeunes adultes, ils seraient désormais forcés de revoir leurs ambitions à la baisse et d’admettre qu’une carrière se forge sur la durée. En une phrase : que du sang, des larmes et de la sueur pour du labeur ! Un constat pas trop chouette qui ne serait pas du goût de cette génération Y suspectée d’avoir un ego XXL et une patience plafonnant au niveau zéro.
Il faut croire que les stéréotypes véhiculés par cet article aguicheur ont la vie dure. En témoigne le succès rencontré par la vidéo de l’émission Inside Quest dans laquelle le conférencier britannique Simon Sinek décrit avec brio en long et en large, et bien assis, l’inadaptabilité des jeunes au monde du travail. Depuis sa publication en septembre 2016, cette vidéo a été vue presque 8 millions de fois sur YouTube et ne cesse d’être partagée et commentée sur tous les réseaux sociaux.
Cependant, contrairement aux idées reçues, les 18-30 ans, la génération Y, les Millennials – c’est selon (voir le petit lexique que je vous propose en bas de cet article) – ne sont pas les éternels insatisfaits dépeints ci-dessus. Ils voient majoritairement le travail comme une source d’épanouissement plutôt que comme une contrainte. C’était déjà le cas il y a trois ans : 75 % des jeunes actifs de 18 à 35 ans le percevaient ainsi et 92 % affirmaient donner le meilleur d’eux-mêmes au travail (Etude Ipsos pour Doing Good Doing Well publiée en octobre 2014). Plus récemment, 55 % des 18-30 ans, actifs ou non, l’attestent toujours à l’occasion de l’enquête ManpowerGroup.
Souvent qualifiée de revêche voire de rebelle, la génération Y aurait pour particularité de défier, plus que ses aînés, l’autorité au sein de l’entreprise. N’adhérant pas au concept de subordination hiérarchique, elle donnerait du fil à retordre aux managers.
Or, les jeunes ne sont pas tous des punks anarchistes, loin de là ! Dans les faits, ils se révèlent en majorité plus ouverts, loyaux et coopératifs qu’on ne l’imagine.
Dans l’enquête ManpowerGroup, à la question qu’ « Attendez-vous en priorité de votre manager ? », 61 % des 18-30 ans répondent « qu’il ait de l’autorité » et « qu’il soit un chef ». Au sujet de ses compétences, 45 % considèrent qu’il doit savoir manager, organiser, diriger et faire preuve de leadership. Enfin, 51 % des interrogés pensent que les salariés devront s’adapter aux attentes de l’entreprise dans les années à venir, et non l’inverse.
Nous sommes loin du portrait d’enfants gâtés dressé par les gourous de la théorie du GenY malheureux !
Parce qu’ils sont exigeants envers l’entreprise, ne s’engagent pas à la légère, attendent un minimum de sens au travail et souhaitent partager les valeurs de leur future entreprise, les jeunes – comme une grande partie des salariés -, auraient des difficultés à trouver chaussure à leur pied dans le monde du travail. Ils se tourneraient alors massivement vers la création d’entreprise pour vivre leur rêve éveillé de startupper et de chef d’entreprise. La génération Y serait alors la Génération Xavier Niel, Tony Stark ou Elon Musk.
Mais la réalité, c’est que s’ils avaient le choix, 57 % des 18-30 ans préféreraient être salariés plutôt qu’indépendants ou entrepreneurs (étude ManpowerGroup). Idéalement, 58 % se voient évoluer dans le monde de l’entreprise : 36 % dans une structure où ils occuperaient un emploi sur le long terme et 22 % dans plusieurs sociétés pour se bâtir une expérience professionnelle. A rémunération identique, 60 % se prononcent pour travailler dans les locaux de leur entreprise – sur un poste attribué ou en flex office.Le désamour du salariat ne paraît donc pas criant c’est le moins que l’on puisse dire !
Loin de dresser le portrait d’une génération une et indivisible, l’enquête ManpowerGroup dessine au contraire quatre profils majeurs autour desquels s’agrègent un lot de nuances et d’interactions.
Face à un travail en mutation, seuls 17 % des fragilisés voient la robotisation et le digital comme une chance pour leur avenir professionnel. Ces avancées technologiques suscitent d’autant plus de craintes qu’elles font l’objet d’études contradictoires sur les destructions d’emplois qu’elles risquent d’engendrer dans les années à venir. L’enquête menée par des chercheurs de l’université d’Oxford annonce la disparition de 47 % des postes. Dans le même temps, l’OCDE et le Conseil d’orientation pour l’emploi – pour ne citer que ces sources-là –affichent des résultats bien moins alarmistes : 10 % des emplois seraient concernés (10 % tout de même !).
L’ubérisation, la mondialisation ou encore la simplification du droit du travail ne sont pas vues non plus comme des opportunités du point de vue des fragilisés. Et pour cause, même s’ils sont parvenus à intégrer le marché du travail, ils occupent la plupart du temps des emplois précaires à faible niveau de responsabilité. Ce sont les quasi-out de l’emploi. Ils perçoivent les mutations du travail en cours comme un danger ; ils cherchent légitimement la stabilité avec des emplois pérennes et des missions clairement définies à réaliser pour le compte d’entreprises solides.Et n’allez pas croire que s’ils sont fragilisés, leur vision du monde du travail est marginale pour autant. En effet, ils représentent tout de même 28 % des 18-30 ans. Plus d’un jeune sur quatre !
Ce groupe représente 18 % des 18-30 ans. Il est en demande de stabilité et privilégie des parcours professionnels au sein de grandes entreprises rassurantes. Cependant, les pragmatiques sont susceptibles de se laisser tenter par les formes de travail émergentes synonymes à la fois de précarité et de réussite fulgurante. Plus de 45 % d’entre eux considèrent l’ubérisation de l’économie ou encore la mondialisation comme une chance pour leur avenir professionnel. Tout est donc une question d’opportunité. L’objectif final étant surtout pour 56 % d’entre eux de mieux gagner leur vie.
Sans conteste, les exigeants incarnent le verre à moitié plein de la GenY :
Les transformations actuelles (du marché du travail, des formes d’emploi, des entreprises, de la société…) suscitent moins de crainte que d’enthousiasme chez ce groupe qui représente à peine plus d’un quart des 18-30 ans (27 %). Pourtant, lorsqu’on parle de la génération Y, c’est souvent d’eux dont il est question. Leurs attentes et leur vision de l’avenir ne peuvent décemment pas résumer celles de toute une classe d’âge. Et nous ne pouvons leur faire porter le chapeau de tous nos maux organisationnels et managériaux en les stigmatisant à outrance pour masquer nos propres difficultés d’adaptation.
Les flexibles sont optimistes. Ils ont de nombreux points communs avec la catégorie des exigeants. Eux aussi valorisent le changement, sont séduits par des entreprises capables de se remettre en question régulièrement ou apprécient de travailler en mode projet. En revanche, ils paraissent un tantinet moins enflammés que les optimistes exigeants. En effet, si pour ces deux groupes, le travail est vu comme une source d’épanouissement, leurs regards sur son devenir diffèrent. Les exigeants restent fidèles à leur conviction quand les flexibles changent leur fusil d’épaule. Pour 64 % d’entre eux, le travail sera à l’avenir de plus en plus une contrainte et les salariés devront s’adapter aux attentes de l’entreprise. Les flexibles souhaitent privilégier avant tout leur évolution de carrière. La qualité de vie au travail est un plus, mais passe au second plan.
Qu’ils soient fragilisés, pragmatiques, exigeants ou flexibles, une majorité des 18-30 ans s’accorde sur le fait que d’ici dix ans, le travail n’aura strictement rien à voir avec ce que l’on connaît aujourd’hui. Ce saut vers l’inconnu, les deux premiers groupes (fragilisés et pragmatiques) souhaitent l’anticiper du mieux qu’ils le peuvent en sécurisant leur situation. Pour cela, ils s’appuient sur les critères traditionnels que sont un emploi en CDI dans une grande entreprise ou un poste dans le service public. Les deux derniers groupes (exigeants et flexibles) apparaissent davantage comme des volontaires au changement, car ils y voient l’opportunité d’innover, de faire carrière dans leurs entreprises et de s’épanouir.
Sont-ils les seuls à penser ainsi ? S’il existe des traits communs au sein d’une même classe d’âge, ne peut-il y en avoir entre travailleurs de générations différentes ?
Une étude menée à l’échelle européenne de 2006 à 2008, SPReW (Social Patterns of Relation to Work / Dimensions intergénérationnelles des mutations du rapport au travail), démontre qu’il n’est pas possible de former des groupes homogènes dans le rapport au travail en ne tenant compte que de l’âge. À l’époque, les chercheurs de l’étude ont ainsi classé les travailleurs, quel que soit leur âge, en fonction de leur engagement et selon deux axes principaux, donnant lieu à quatre catégories :
– Le travail comme « contrainte à vivre positivement »
– Le travail comme « moyen de gagner de l’argent »
– Le travail comme « support au développement personnel »
– Le travail comme « pierre angulaire de l’identité »
La corrélation entre les différentes formes d’engagement dans le travail et l’âge des personnes interrogées n’a jamais pu être démontrée. Ce constat reste d’actualité.
Face à la révolution digitale et aux mutations socio-technologico-économiques, les baby-boomers ainsi que les générations X et Z demeurent susceptibles de figurer parmi les fragilisés, les pragmatiques, les exigeants ou encore les flexibles. La dénomination « Génération Y » en référence à une classe d’âge n’a donc aucun sens quand on parle d’attentes face aux mutations du travail.
Il est plus judicieux de parler de « Culture Y », partagée tant par des jeunes de moins de 30 ans que par des seniors. Le pseudo conflit intergénérationnel ou l’inadaptabilité génétique des jeunes au travail ne sont que de petites excuses camouflant l’incapacité d’une partie du management à faire face aux changements, à s’adapter.
Au lieu de stigmatiser telle ou telle génération et de se cacher derrière son petit doigt conceptuel « GenY », il conviendrait plutôt de partager ensemble ce constat, et de mesurer la tâche qui nous incombe : celle de donner naissance à une nouvelle culture du travail. À ce titre, revoir la posture managériale se révèle primordial afin de créer un véritable « Management Y » prenant à son compte toutes les tendances et évolutions à l’œuvre dans nos organisations.
La fonction RH doit investir plus activement ce champ d’expertise en donnant aux managers les moyens d’agir concrètement afin que l’entreprise poursuive sa mue Y. La fonction RH doit me semble-t-il jouer un rôle accru dans l’évolution culturelle de la ligne managériale, véritable moteur du changement de l’entreprise, courroie de transmission entre la Direction (qui donne le sens) et le Corps Social (qui met en action).Cette mutation vers une « DRH Y » est probablement la vraie innovation tant attendue pour et par les professionnels RH.
Nous avons les cartes en main. Allons-y !
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