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Expérience collaborateur : « les DRH ne peuvent pas porter ce sujet seuls »

le 11 mai 2022
Expérience collaborateur : « les DRH ne peuvent pas porter ce sujet seuls »
Thomas Cornet

Ancien Directeur Adjoint d’une société d’assurance santé, co-fondateur et directeur général de Wittyfit, Thomas Cornet est spécialiste du lien entre le sport, la QVT et l’accomplissement professionnel. Ses réflexions ont nourri la création de Wittyfit, plateforme digitale qui capte le ressenti de chacun au sein de l’entreprise, pour comprendre et agir sur les leviers qui améliorent la performance collective.

Selon le 5e baromètre national de l’expérience collaborateur réalisé par Parlons RH (en partenariat avec LumApps, Arago Consulting, Groupe Up, Wittyfit, Workday, Groupe Crédit Agricole, SD Worx, Uber for Business et Le Lab RH), l’EX se démocratise, mais nombre de professionnels RH peinent à s’en emparer. Pour Thomas Cornet, cofondateur et CEO de Wittyfit, les DRH doivent porter ce sujet, mais pas seuls, car il s’agit avant tout d’un projet d’entreprise. 

Quelle information vous interpelle le plus dans cette étude sur l’expérience collaborateur ?

La première information que je retiens de ce baromètre est positive : l’expérience collaborateur (EX) se démocratise dans les entreprises. La barre symbolique des 50 % d’organisations « pratiquantes » a été franchie. L’EX leur permet d’être plus résistantes et agiles face aux crises : 89 % ont ainsi évolué vers l’organisation hybride, contre 67 % des « non-pratiquantes » suite à la pandémie de Covid-19.

En revanche, 60 à 70 % des entreprises manquent d’outils digitaux pour recueillir le ressenti des salariés, et un tiers des professionnels RH ne priorisent pas la DRH comme porteuse de l’expérience collaborateur. Au contact des entreprises, je constate que les DRH sont parties prenantes du sujet et se doivent de le porter, mais qu’ils ne peuvent pas le faire seuls. La réflexion autour de l’EX et sa mise en action doivent aussi être impulsées par les Comex, être relayées par les managers, et être co-construites avec les partenaires sociaux. Toutes les strates de l’organisation doivent être associées, car il s’agit d’un projet stratégique qui touche à la culture d’entreprise.

Que nous dit plus précisément le fait que les entreprises sont insuffisamment outillées en la matière ?

Selon le baromètre, la majorité des entreprises ne sont en effet pas assez équipées pour adresser ces problématiques. Pourtant, l’offre digitale n’a jamais été aussi forte. Ce constat interroge : s’explique-t-il par un investissement insuffisant de la part des directions générales ? Ou par les fonctions très chronophages exercées par les équipes RH, qui les empêcheraient d’intégrer pleinement d’autres projets ?

Encore une fois, pour que les lignes bougent, une prise en main du sujet par les Comex est nécessaire. Les dirigeants et leurs bras droits doivent intégrer réellement la RH comme un levier de performance, et l’acter. En considérant que renforcer l’expérience collaborateur aura pour effet de retenir les salariés, mais aussi d’améliorer les résultats de l’organisation. Aujourd’hui, les RH peuvent notamment compter sur un nouvel allié : le DAF. Le capital humain étant un enjeu central dans les politiques QVT et RSE des entreprises, il peut devenir un véritable levier d’attractivité dans le cadre d’une stratégie d’investissement financier.

En quoi l’hybridation du travail change-t-elle la donne en matière d’expérience collaborateur ?

La crise sanitaire a démontré que l’efficience était aussi au rendez-vous à distance, quand les salariés bénéficient de plus d’autonomie et de responsabilités. Le travail hybride correspond par ailleurs à une attente majoritaire des collaborateurs. Les entreprises qui ont décidé de l’intégrer fortement sont celles qui perdureront dans le temps, dans leur offre et dans leur image employeur. À l’inverse, celles qui ne fournissent pas un meilleur équilibre vie pro-vie perso et une plus grande flexibilité font d’ores et déjà face à un important turn-over. L’hybridation du travail est donc un élément qui concourt à l’amélioration de l’expérience collaborateur. 

Le fait d’être à distance nécessite toutefois d’être piloté. Les entreprises qui mettent en place du « smart working », du travail hybride ou du « full remote » doivent faire en sorte que le même niveau de performance qu’autrefois reste atteint. Pour cela, elles doivent s’assurer que dans l’organisation du travail, le niveau d’échanges, de soutien social et de reconnaissance sont bien au rendez-vous ; afin que les avantages de la distance (meilleur équilibre vie pro-vie perso) ne soient pas inférieurs aux inconvénients (charge de travail, isolement). Il faut donc impérativement monitorer cela, afin que l’hybridation serve réellement la « cause commune » collaborateurs-entreprise.

Comment percevez-vous, au contact des entreprises françaises, le développement de l’expérience collaborateur en leur sein ?

Aujourd’hui, des entreprises de tous secteurs réfléchissent à une offre de travail qui intègre une expérience collaborateur différente. Cela passe souvent par le télétravail. Bien que 60 % des salariés français ne puissent pas travailler à distance, des sociétés qui évoluent dans des domaines comme l’industrie et le commerce ouvrent aussi certaines fonctions (logistique, points de contrôle…) à cette nouvelle organisation.

Au-delà, la majorité des entreprises donnent également davantage de flexibilité et d’autonomie à leurs collaborateurs. Avec notamment la possibilité de gérer eux-mêmes leur temps de travail, ou encore le passage à la semaine de 4 jours.

Demain, le numérique et l’intelligence artificielle renforceront largement les capacités de télétravail, de flexibilité et d’agilité des entreprises. Seules celles qui réussiront à bien intégrer dans leur organisation ces nouvelles méthodes de travail (asynchrones et hybrides) réussiront à renforcer leur marque employeur, et donc à capter et retenir les talents.


Crédit photo : Shutterstock / Fractal Pictures



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