3 leviers d’action pour l’expérience collaborateur en 2022
L’harmonie semble régner au doux pays des professionnels RH. Tous ou presque plébiscitent l’expérience collaborateur, qu’ils la pratiquent ou non. Tous favorisent l’organisation hybride du travail. Tous identifient les mêmes priorités RH au cœur de cette transformation. Pourtant, sur le terrain, le 5e Baromètre de l’expérience collaborateur est formel, le fossé continue à se creuser entre innovatrices RH et organisations « boomers » restées au XXe siècle. Que peut-on faire pour que cela change ? Nous proposons 3 leviers d’actions pour permettre à l’expérience collaborateur de passer à la vitesse supérieure dans les entreprises en 2022.
Sommaire
De quoi les professionnels RH ont-ils besoin pour développer l’expérience collaborateur ?
L’expérience collaborateur, pendant RH de l’expérience client, est connue de l’immense majorité des professionnels RH (78 %). Et ces derniers sont quasi unanimes à considérer cette notion comme « importante » ou « stratégique ». Pourtant, selon le 5e Baromètre national de l’expérience collaborateur, la moitié des entreprises n’a pas développé de politique RH autour de cette notion (les « non-pratiquantes »), et 17 % n’envisagent absolument pas de le faire (les « réfractaires »). Même parmi celles qui ont franchi le pas (les « pratiquantes »), la démarche reste souvent inachevée.
Quand on leur demande quels sont les freins au développement de l’expérience collaborateur dans leur organisation, les professionnels RH des entreprises non pratiquantes désignent d’abord et avant tout le manque d’impulsion de la part de leur direction. Un reproche que ne font pas – ou peu – les professionnels RH des entreprises pratiquantes. Mais les uns et les autres se retrouvent pour réclamer en chœur « des moyens, des moyens, des moyens ». Du temps d’abord, des moyens humains ensuite, mais aussi des moyens financiers. Il suffirait donc de convaincre quelques dirigeants et de dégager du temps, des collaborateurs et du budget pour débloquer la dynamique.
Bien sûr, un tel constat revient à dire que pour résoudre le problème, il suffirait de résoudre le problème. La vraie question est celle des leviers dont disposent les professionnels RH pour faire avancer l’expérience collaborateur dans l’entreprise. J’en propose 3.
Levier n°1 : les bons concepts
Le premier impératif, qui vient avant tous les autres, est de bien maîtriser le concept d’expérience collaborateur. « Ce que l’on conçoit bien s’énonce clairement, et les mots pour le dire arrivent aisément », disait Boileau et répétaient nos maîtres. J’ajouterai que les mots exprimant une idée bien définie emportent davantage la conviction.
Alors, qu’est-ce que l’expérience collaborateur ? Il s’agit, répétons-le, d’un concept de marketing RH, qui recouvre un ensemble de pratiques et de process destinés à générer de l’engagement parmi les collaborateurs. L’expérience collaborateur, en soit, désigne l’ensemble des vécus et ressentis d’un salarié au cours de son parcours dans l’entreprise. Une politique d’expérience collaborateur consiste à segmenter ses différents publics internes, à écouter leurs attentes et leurs besoins, à élaborer des réponses, à prioriser celles-ci puis à les mettre en œuvre.
Comment « vendre » pareil concept aux décideurs ? Ceux-ci, s’ils ne sont pas sensibilisés à la question, peuvent avoir le sentiment que l’expérience collaborateur consiste à donner les clés de la boutique au tout-venant et à ouvrir les vannes de la dépense RH somptuaire. En réalité, c’est tout le contraire. L’expérience collaborateur est une approche méthodique et processée, qui a pour effet de maximiser l’efficacité des dépenses, en allouant les ressources là où l’on sait, parce qu’on l’a mesuré au préalable, qu’elles produiront le plus de valeur ajoutée pour l’entreprise comme pour les collaborateurs. Il s’agit, en somme, de faire ce que la DRH fait ou prétend déjà faire, mais avec une garantie de résultat. Le but de l’expérience collaborateur est d’arrêter de jeter de l’argent par les fenêtres en lançant des initiatives mal ciblées. Comprise comme cela, l’expérience collaborateur est déjà plus facile à vendre, me semble-t-il. Or, cette dimension de l’expérience collaborateur semble échapper à près de la moitié de répondants – peut-être davantage.
Levier n°2 : les bons outils
« Le mauvais ouvrier a toujours de mauvais outils », dit le proverbe. Ce dicton, paraît-il, remonte au Moyen-Âge. Il présente l’avantage d’être bidirectionnel : on peut l’interpréter dans deux sens opposés. Le mauvais ouvrier peut accuser ses outils plutôt que de remettre en cause sa compétence. Mais il peut aussi mal choisir ses outils par méconnaissance du métier. Beaucoup d’entreprises et de professionnels RH me semblent être dans cette dernière configuration au regard de l’expérience collaborateur. Ne s’étant pas saisis du levier n°1 – une bonne compréhension de l’expérience collaborateur comme démarche marketing – ils manquent de discernement dans le choix des outils dont ils ont besoin. Voire, ils n’ont pas forcément conscience qu’ils ont besoin d’outils pour cela. Résultat : 62 % des entreprises qui pratiquent l’expérience collaborateur ne sont pas dotées de solutions digitales pour recueillir le ressenti des salariés de façon systématique.
Or, le recueil et l’analyse de ces données constituent la matière même d’une politique d’expérience collaborateur. Sans outils digitaux adaptés, le DRH se retrouve dans la situation de flou artistique dont le marketing RH vise précisément à le sortir, grâce à la mesure et à l’amélioration méthodiques de l’expérience collaborateur. Bien sûr, rien n’est pire qu’un outil quand il n’est qu’un investissement de prestige mû par le fétichisme technologique : les outils digitaux de feed-back ne constituent certainement pas en eux-mêmes une politique d’écoute des salariés. Mais ils en sont l’indispensable soutien.
Levier n°3 : le bon niveau d’ambition
Se convaincre des vertus de l’expérience collaborateur en matière de performance RH et de performance tout court, prendre conscience de la nécessité de s’outiller à la hauteur des enjeux : ce sont là deux préalables indispensables, mais qui placent d’emblée la barre très haut. À un moment, il faudra sortir du bois, pousser la porte de la direction ou prendre la parole en codir pour défendre haut et fort une nouvelle façon de faire des RH. Il faudra assumer et défendre le rôle transformateur de la fonction RH, et parvenir à convaincre ses parties prenantes au sein de l’entreprise de ce nouveau positionnement.
Le DRH ne peut plus se contenter de gérer les affaires courantes et les urgences d’une main, tout en jetant de l’autre aux collaborateurs, de temps en temps et à l’aveugle, un avantage ou un service RH à la mode pour faire « RSE ». Il faut assumer le bon niveau d’ambition : celle qui consiste à transformer la fonction RH pour mieux transformer l’organisation. Le marketing RH et l’expérience collaborateur lui apportent des moyens en support de cette ambition, en même temps qu’ils contribuent à crédibiliser et à professionnaliser son action. La décennie 2020 sera celle qui verra l’émergence de ce nouveau DRH : j’en suis intimement convaincu.
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