Santé mentale au travail : prévenir ou subir, il faut choisir

La santé mentale au travail est au cœur des préoccupations des salariés… et des défis des employeurs. À l’occasion de la Semaine de la QVCT, la rédaction de Parlons RH a choisi deux chiffres de cette infographie du Cnam Entreprises, basée sur les données du baromètre “Santé mentale & QVCT 2025”, réalisé par Ipsos et Qualisocial, qui seront décryptés dans cet article. Un état des lieux sans détour, qui interroge les pratiques actuelles et pousse à l’action. Alors que les signaux d’alerte s’accumulent, quelles sont les conséquences directes sur les individus et les organisations ? Quelle est la responsabilité de l’entreprise en matière de prévention, et pourquoi ne peut-elle plus se contenter du minimum légal ? Et surtout : par où commencer pour mettre en place des actions concrètes, efficaces et durables ? Des questions essentielles, pour cesser de constater et enfin prévenir.
1 salarié sur 4 se déclare en mauvaise santé mentale
Pourquoi retenir ce chiffre ? Deux raisons principales à cela. La première, outre son niveau élevé qui devrait nous interpeller : sa stagnation, depuis un an. Pas d’amélioration. Comme si tout le monde s’était résigné. Derrière cette donnée, ce sont des dynamiques profondes de fragilisation qui se jouent. La santé mentale au travail ne se dégrade pas brutalement : elle se détériore progressivement. Lorsque les conditions de travail deviennent imprévisibles, que les objectifs sont flous ou inatteignables ou encore lorsque le soutien managérial fait défaut, c’est l’équilibre psychologique des collaborateurs qui en paie le prix fort. Et quand la pression devient une habitude ? L’épuisement s’installe, presque comme si c’était normal.
La deuxième raison concerne directement les entreprises. La santé mentale, au-delà d’un sujet de bien-être, est aussi un enjeu business. Ce chiffre a des conséquences directes sur la performance collective. Un salarié en bonne santé mentale est plus concentré, plus engagé, plus stable. À l’inverse, quand la santé mentale décline, tout vacille : l’énergie chute, la motivation s’effondre, les absences s’accumulent.
D’ailleurs, le 17ᵉ Baromètre de l’Absentéisme et de l’Engagement publié la semaine dernière par Ayming, et réalisé en partenariat avec Parlons RH, nous apprend que l’épuisement professionnel et le burn-out sont désormais la 5ème cause la plus citée par les professionnels des RH pour expliquer les absences. En parallèle, les arrêts longue durée ont explosé : +58% en cinq ans pour les absences de plus de deux mois. Sans surprise, l’absentéisme est aujourd’hui la 2ème difficulté RH la plus importante, tous secteurs confondus. Une fatalité ? Non. La conséquence directe d’une santé mentale négligée.
23% des salariés bénéficient d’un plan de prévention complet pour la santé mentale
C’est le deuxième enseignement majeur de cette infographie réalisée par le Cnam Entreprises. Nous pouvons choisir de voir le verre à moitié plein : près d’un quart des salariés français sont accompagnés dans leur quête de préservation de leur santé mentale. Le verre à moitié vide, lui, est source d’inquiétude : 36 % des travailleurs n’ont accès à aucune action de prévention. Un chiffre qui claque comme un avertissement.
Une donnée d’autant plus inquiétante au regard de l’obligation légale qu’ont les entreprises de protéger la santé physique et mentale de leurs collaborateurs (article L4121-1), obligation comprenant, normalement, des actions de prévention. Pourquoi si peu d’entreprises passent à l’action ? Par manque de temps, de moyens, de repères parfois. Surtout parce que la prévention, en matière de santé mentale, est perçue comme coûteuse, voire secondaire. Pourtant, des leviers existent. Concrets, accessibles, parfois très simples à mettre en œuvre. Il est temps d’inverser la tendance. Concrètement, par où commencer ?
Quelques actions à mettre en place dès maintenant :
- Former les managers à détecter les signaux faibles, à poser les bonnes questions, à réagir sans maladresse ;
- Leur donner des repères pour gérer les situations sensibles, sans les laisser seuls face à des détresses qu’ils ne savent pas nommer ;
- Sensibiliser tous les collaborateurs : parler de santé mentale en réunion d’équipe, diffuser des guides, proposer des formations courtes, même d’une heure ;
- Installer des temps d’échange réguliers, sans enjeu hiérarchique, pour faire émerger les ressentis ;
- Promouvoir activement les dispositifs existants, comme les cellules d’écoute, les psychologues du travail ou les lignes d’appui ;
- Ne pas attendre qu’un salarié craque pour lui rappeler qu’il peut demander de l’aide.
Il faut aussi penser aux publics les plus fragiles. Ceux qui reviennent d’un arrêt de longue durée, par exemple. Des dispositifs d’accompagnement dédiés doivent être accessibles : aménagement de poste, adaptation des horaires, protocoles de retour au travail spécifique, dans certains cas (après un burn-out, suite à un diagnostic de maladie chronique entre autres). Cela passe aussi par la mise en place d’outils innovants : le PSSM (Premiers Secours en Santé Mentale), par exemple, forme les équipes à détecter, soutenir et orienter les collaborateurs concernés.
Chaque action compte. Aucune d’elle n’est anecdotique si elle contribue à créer un climat plus sain, plus humain, plus attentif et plus enclin à libérer la parole. C’est cette somme de gestes, visibles, concrets, répétés, qui contribue à bâtir une politique de prévention utile, efficace et pérenne. Prévenir, ce n’est pas réagir à la crise. C’est choisir, une fois pour toutes, de ne plus regarder ailleurs.

Source : Cnam Entreprises