Portrait de Stéphanie Fraise, BlaBlaCar : Les défis « soft » du recrutement
Le recrutement est assiégé de toutes parts : pénurie de talents, sélections par les soft skills, inclusion, travail hybride… Au DRH de réconcilier ces attentes et ces contraintes nouvelles en contexte incertain, explique Stéphanie Fraise.
Comment passe-t-on du marketing à la fonction RH ? Stéphanie Fraise est bien placée pour le savoir. Son parcours l’a d’abord conduite au marketing opérationnel et stratégique chez Orange puis à Canal +, au sein du groupe Vivendi. Elle y acquiert une expérience du management d’équipe. Mais ce qui la décide à « passer de l’autre côté », c’est une rencontre : celle d’une DRH qui lui donne une nouvelle vision de la fonction. « Elle ne m’a pas mise dans un carcan de process RH ; elle a su apporter des solutions RH à mes besoins opérationnels ».
La DRH en « milieu de terrain »
L’occasion de franchir le pas se présente bientôt, avec la reprise de Dailymotion par Vivendi. Stéphanie Fraise en assume la DRH pendant trois ans et demi, dans un contexte de renouvellement du plan stratégique et de doublement des effectifs. « Il fallait en même temps professionnaliser la pratique RH, recruter, définir la culture et les valeurs, les décliner concrètement au quotidien, former les managers… »
En mars 2020, Stéphanie Fraise rejoint BlaBlaCar, en tant que VP Global Talent Management. Pour elle, la fonction RH implique de « réconcilier objectifs stratégiques et moyens RH, intérêts des salariés et des dirigeants, impératifs business et approche humaine ». Et son expérience de l’opérationnel est un précieux atout. « La fonction RH doit se positionner proche du business, et non faire des RH pour les RH, en silo. Le DRH est un milieu de terrain qui réconcilie ces différents enjeux et fait le lien entre eux. »
Recrutement : professionnaliser le « soft »
En matière de recrutement, l’heure est au « soft ». Quand Stéphanie Fraise arrive chez BlaBlaCar, l’évaluation des compétences techniques était déjà bien en place. Deux priorités émergent : la culture d’entreprise et les soft skills. Chez BlaBlaCar, la culture n’est pas là pour la déco. « Il y a chez nous une culture forte, incarnée, nécessaire, que nous considérons comme un fondement de notre lien collectif. Elle nous sert de boussole à travers les crises. » La culture n’est pas une science exacte. « Nous avons pu faire dans le passé des erreurs de casting, en recrutant des collaborateurs qui ne se sont pas épanouis dans l’entreprise. D’où l’importance que nous accordons à l’évaluation de l’appétence des candidats pour nos valeurs .» Les soft skills sont l’autre enjeu « soft » du recrutement. « Nous avons identifié un set de 5 soft skills en lien avec notre culture et nos enjeux business. » Leur évaluation a ensuite été déployée dans tous les processus RH, en premier lieu le recrutement. « Nous avons une banque de questions pour l’appétence culturelle et une pour l’évaluation des soft skills. Les recruteurs utilisent ces banques et incitent les candidats à raconter des expériences précises. Par exemple, pour évaluer l’aptitude à apprendre de ses échecs, le recruteur peut demander au candidat de raconter la dernière fois qu’il a commis une grosse erreur au travail, comment il a réagi, ce qu’il en a appris, ce qu’il a mis en place pour que ça ne recommence pas. »
L’inclusion, un chantier de longue haleine
Autre chantier essentiel du recrutement chez Blablacar : l’inclusion. « Nous avons appliqué différents outils et consulté des experts pour nous assurer que nos annonces étaient inclusives. » Au stade de l’entretien, l’inclusivité se conjugue avec la transparence. « Nous avons mis en place des entretiens semi- structurés, dans lesquels nous définissons au départ le nombre d’étapes, les participants, la nature des sujets et des questions…
L’objectif est d’utiliser une trame commune et de faire en sorte que tous les candidats soient traités de la même façon. » Les chargés de recrutement sont en outre formés et sensibilisés à la détection de leurs propres biais. Pour aller plus loin, l’entreprise envisage de tester de nouveaux outils de HR Tech qui permettent d’automatiser le sourcing et le screening des candidats, en « analysant les candidatures exclusivement sur les compétences. Des outils comme AssessFirst, par exemple ».
Garder le cap malgré les courants contraires
La guerre des talents n’a pas la même intensité dans tous les secteurs et tous les métiers. BlaBlaCar, cependant, est proche de la ligne de front. « Nous employons beaucoup de profils « tech », et nous avons vu la pression s’intensifier. Nous avons dû nous adapter, revoir nos méthodes de sourcing et de recrutement, et acter certaines réalités du marché, comme la demande de travail hybride. Notre enjeu est de continuer à avoir une proposition de valeur attractive et différenciante, en tenant compte des standards du marché, sans pour autant céder à toutes les pressions. »
D’autant que la conjoncture, par essence, va et vient. Le marché pourrait bien se retourner dans les mois qui viennent. L’important est de rester fidèle à ses fondamentaux. Pour Stéphanie Fraise, un candidat doit avant tout « croire en la mission de BlaBlaCar, et penser que l’entreprise va lui permettre de se développer et de grandir. Tout le reste, c’est du plus mais ce n’est pas déterminant ».
Répondre à la demande d’hybride et de sens
Chez BlaBlaCar comme ailleurs, la pandémie a accru la tendance à l’hybridation. « Nous avons développé une proposition de valeur forte sur ce sujet. quarante pour cent de nos populations ‘tech’ sont en ‘full remote’, avec présence une fois par mois au bureau. Nous offrons le choix entre cette formule et l’hybride », avec des aides matérielles ciblées.
Mais pour Stéphanie Fraise, la condition de la réussite, c’est le management. « En situation hybride, le besoin d’un management de qualité est exacerbé. En présentiel, un management de qualité intermédiaire peut suffire. Pas en distanciel. Ne pas suffisamment former ses managers peut avoir un coût important. » Parmi les nouvelles attentes des collaborateurs, la demande de sens est prépondérante. De ce point de vue, BlaBlaCar est privilégiée. « Nous avons la chance de travailler dans une entreprise qui porte une vraie mission sociétale et environnementale, en réduisant l’impact carbone des déplacements et en créant des connexions entre individus. » Un atout, indubitablement, dans la concurrence pour les talents, qui doit grandement faciliter le travail des « salariés ambassadeurs » que BlaBlaCar accompagne au service de sa marque employeur.
Retrouvez cet article et bien plus encore dans notre Cahier de tendances RH, ou dans un dossier spécial sur notre média ! À travers des portraits de DRH, des interviews d’experts ou encore des chiffres-clés, nous décryptons les 10 tendances RH qui rythmeront l’année 2023.
Un grand merci à nos partenaires Lucca, Cornerstone, GoodHabitz, Afnor, Golden Bees, United Heroes, Universum, Actinuum, Swile, LinkedIn Talent Solutions, sans qui ce cahier n’aurait pu voir le jour.
> Retrouvez aussi notre dossier complet, alimenté régulièrement. Il regroupera à terme tous les articles du Cahier de tendances.