Portrait de Sofia Merlo, BNP Paribas : Les défis de l’organisation apprenante

Pour répondre au triple défi de la technologie, de l’évolution sociétale et de la transition écologique, les entreprises doivent devenir de plus en plus apprenantes. Un défi incarné en actions par Sofia Merlo, DRH du groupe BNP Paribas.

« Il y a 300 métiers différents chez BNP Paribas, et beaucoup de collaborateurs en font plusieurs pendant leur carrière », nous confie Sofia Merlo. Le parcours de cette ancienne d’HEC ne dément pas cette affirmation. Initialement chargée d’affaires pour la clientèle entreprises chez Paribas, puis directrice du Centre d’affaires de la région Sud-Ouest, elle occupe son premier poste RH après la fusion avec BNP, en 2000. En tant que responsable de la gestion des carrières pour le groupe, c’est elle qui lance la politique « diversité » de BNP Paribas, qui reste un axe majeur de la politique RH du groupe.

En 2009, nouveau changement de cap : elle rejoint la Banque Privée France, qu’elle dirige à partir de 2010, avant de devenir en 2012 co-responsable du Wealth Management pour le groupe. 2020 : retour aux RH ; à partir de novembre, Sofia Merlo occupe le poste de DRH Groupe, qui inclut la fonction de DRH France. Paribas comptait 3 000 salariés lorsqu’elle y est entrée en 1985 ; le groupe BNP Paribas réunit aujourd’hui 190 000 collaborateurs dans 65 pays. Un défi RH de taille, à l’intersection de multiples dimensions. La géopolitique s’invite même à la table, quand il faut par exemple gérer la situation humaine des collaborateurs en Ukraine.

L’enjeu formation : vers l’organisation apprenante

Un groupe de la dimension de BNP Paribas peut s’analyser comme un laboratoire de toutes les grandes tendances RH à l’œuvre dans l’économie et dans les organisations. On y retrouve les trois grandes sources de disruption dans l’entreprise des années 2020 : l’accélération technologique, le défi environnemental, l’évolution sociétale.

Sur ces trois fronts, la coordination et le déploiement de l’effort de formation font partie des principaux leviers d’action à disposition de la DRH. « La formation occupe une place très importante chez BNP Paribas. Nous sommes une Learning Company, une organisation apprenante. » De fait, « l’apprenance » est une exigence vitale dans les métiers de la banque et de la finance. « Nous devons répondre à nos obligations métiers et réglementaires, afin de protéger nos activités et les intérêts de nos clients. » Mais aussi rester dans la course de l’innovation technologique et métier, afin d’ « accompagner la performance collective de l’entreprise et la performance individuelle des collaborateurs ». Un enjeu vital pour les organisations, en particulier dans les services à haute valeur ajoutée. « La banque, c’est avant tout des femmes, des hommes et de l’informatique », résume Sofia Merlo.

Organisation apprenante : employabilité et mobilité

La formation a également pour objectif d’ « anticiper l’employabilité des collaborateurs dans un contexte en constante évolution ». Contexte externe, mais aussi interne. « Nous réalisons 24 000 mobilités internes par an », souligne la DRH. Derrière, on trouve sans surprise un outil LMS puissant, la plateforme My Development. « Il s’agit d’abord de faire connaître l’offre de formation aux collaborateurs et aux managers, afin qu’ils aient conscience des ressources à leur disposition en matière d’upskilling ou de reskilling. La stratégie est double : diffuser les formations nécessaires au développement de l’entreprise, tout en répondant aux besoins et attentes des individus. »

La formation est un argument de plus en plus effectif de marque employeur, « un fort levier d’attraction et de rétention pour nos collaborateurs ». La promesse est tenue. L’année dernière, plus de 98 % d’entre eux ont participé à des formations, totalisant quatre millions d’heures, soit un peu plus de 21 heures par collaborateur en moyenne.

Le bal de l’innovation pédagogique

Où sont les leviers pédagogiques de ces transformations ? La pandémie a donné ses lettres de noblesse au distanciel. Aujourd’hui, « nous retrouvons une situation de croisière, où nous mesurons les avantages respectifs du distanciel et du présentiel ».

Un autre choix pédagogique fort est l’individualisation. « Il est important de comprendre ce dont chacun a besoin et de proposer le mode d’apprentissage le plus adapté ; tout le monde n’apprend pas de la même façon. »

Enfin, la formation dans l’entreprise se conçoit désormais on the job, en situation de travail. La question ne se pose plus : « un métier s’apprend et se perfectionne par l’articulation entre formation théorique et pratique. »

Cette « culture très forte de l’apprentissage » de BNP Paribas se retrouve dans la politique de recrutement du groupe. La réforme de 2018 a largement libéralisé la création des CFA d’entreprise. BNP Paribas, qui a par ailleurs recruté 2 500 apprentis l’année passée, fait partie des acteurs qui ont saisi l’occasion. « Nous avons lancé en septembre B-School, notre CFA interne, qui formera 600 personnes d’ici à 2025. »

Des académies pour préparer l’avenir

La formation est aussi un moyen de « former les jeunes aux compétences que l’on ne trouve pas sur le marché. Nous sommes également une entreprise de la tech, rappelle Sofia Merlo. Nous allons avoir besoin de davantage de compétences en data, en IT, en intelligence artificielle ».

On n’est jamais si bien servi que par soi-même. Tout en s’appuyant sur la richesse de l’écosystème digital RH, les grands groupes développent de plus en plus leur offre de formation interne, sous forme d’académies ou d’universités d’entreprises. Les progrès des outils digitaux ont fait de cette tendance déjà ancienne une réalité de marché en évolution constante.

C’est ainsi que BNP Paribas a créé sa Digital, Data & Agile Academy, qui a déjà certifié 4 000 collaborateurs, en upskilling ou en reskilling, sur les enjeux d’innovation technologique et d’agilité managériale. Sur la thématique non moins essentielle de la finance durable, le groupe a lancé une Sustainability Academy. L’objectif est d’accompagner la montée en compétences de tous les collaborateurs sur la transition écologique. Chacun à son niveau doit être à même de mesurer l’impact de son action et de l’expliquer à ses clients. « Atteindre le zéro carbone en 2050 ne va pas se faire tout seul : la banque et la finance seront au cœur du dispositif », prédit Sofia Merlo. Une façon de nous rappeler que la formation est l’une des clés de notre destin individuel, collectif et planétaire.

Retrouvez cet article et bien plus encore dans notre Cahier de tendances RH ! À travers des portraits de DRH, des interviews d’experts, ou encore des chiffres clés, on décrypte les 10 tendances RH qui rythmeront l’année 2023.

Un grand merci à nos partenaires Lucca, Cornerstone, GoodHabitz, Afnor, Golden Bees, United Heroes, Universum, Actinuum, Swile, LinkedIn Talent Solutions sans qui ce cahier n’aurait pas pu voir le jour.

> Retrouvez aussi notre dossier complet, alimenté régulièrement. Il regroupera à terme tous les articles du Cahier de tendances.