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Légitimité ou potentiel, le dilemme du recrutement “adéquationniste”

le 22 juillet 2020
Légitimité ou potentiel, le dilemme du recrutement “adéquationniste”

Établir chez les candidats un rapport d’adéquation entre le diplôme ou l’expérience passée et le poste qu’on cherche à pourvoir, passe pour une habitude bien ancrée. Mais cette vision « adéquationniste » présente de plus en plus de limites. Voici 5 raisons pour s’en affranchir.

 

Considérer la « légitimité » des candidats revient à recruter ceux dont l’expérience passée correspond à l’expérience future. Cette habitude ancrée dans la culture française s’oppose à celle des Anglo-saxons, qui recrutent plus facilement des profils « atypiques » pour leur potentiel et leurs aspirations. D’ailleurs, elle crée depuis longtemps un certain malaise :

Mais pour ces derniers, recruter un « atypique » constitue un risque qui pourrait leur être reproché si le recrutement se révèle un échec.

 

Une période de transition économique qui questionne le recrutement par légitimité

L’adéquationisme parfait s’avère bien compliqué quand les métiers, les chaînes de valeur, les technologies et les modèles d’affaires se transforment toujours plus vite. Fonder une décision de recrutement sur des diplômes et des expériences passées va devenir plus difficile, dans un paradigme numérique et un monde « volatile, incertain, complexe et ambigu ». Donc, prédire l’avenir professionnel d’un individu sur la base de ses diplômes et de son expérience passée devient une prouesse.

 

Il y a là un vrai bouleversement dans un monde habitué à l’organisation scientifique du travail. La planification des recrutements avec l’adéquation entre le passé du candidat et le poste, garantit leur fiabilité. De plus, les carrières se déroulent généralement de manière linéaire. Tout cela n’est plus possible aujourd’hui.

 

Des changements de carrière plus nombreux pour des métiers qui ignorent la légitimité

L’avenir proche nous réserve faillites économiques, catastrophes naturelles, automatisation à grande échelle, changements de modèles d’affaires, obsolescence accélérée des compétences… À cela s’ajoutent les changements démographiques et l’allongement de la vie, qui nous imposent des carrières plus longues. Dans ce contexte, beaucoup de personnes ayant perdu leur emploi devront changer de métier. Ceux se revendiquant « multi-potentiels » et refusant de baser leur identité sur un seul métier, acceptent cette perspective. À l’inverse, d’autres sentent une menace de paupérisation qui fragilise leur identité professionnelle.

 

Dans le numérique, on a besoin de plus d’agilité. Au-delà du diplôme, il faut sans cesse acquérir de nouveaux savoirs. Les métiers de demain seront souvent hybrides. Pour les exercer, il n’existe pas de formation adéquate. Mais on aurait tort de penser que les emplois de demain exigent tous ces compétences techniques pointues. La plupart seront dans les services à la personne. Ici, l’un des grands défis du recrutement repose sur la reconversion professionnelle  : comment convaincre des ouvriers, qui ont perdu un emploi industriel, d’embrasser une carrière réputée « féminine » dans le soin.

 

Amateurs versus professionnels, freelance versus salariat

Un autre enjeu vient des amateurs qui concurrencent les professionnels. Qu’ils aient une newsletter, une chaîne YouTube, ou qu’ils aient appris à coder sur le tas, ils leur font de plus en plus d’ombre. Ils savent créer des signaux différents (audience, followership, reconnaissance par les pairs, traces numériques, projets en ligne…) pour faire connaître leur talent. D’autant que les moyens de se former sont multiples (YouTube, ressources en ligne…). L’émergence des amateurs a été rendue possible grâce au rôle de plateformes comme GitHub, Malt ou Instagram. Elles permettent à une partie des amateurs de préparer leur reconversion professionnelle grâce à un side project.

 

Le phénomène de la pluri-activité choisie a pris de l’ampleur en France depuis la création du statut de micro-entrepreneur en 2008. Dans l’informatique et les métiers du numérique, de nombreux travailleurs qualifiés qui pourraient occuper des emplois salariés, choisissent d’être indépendants. Ils y voient une solution pour avoir une meilleure maîtrise de leur carrière et choisir leurs missions. Parmi le million de Français qui ont fait le choix d’être freelances, certains, notamment les séniors, ont rencontré préalablement des difficultés sur le marché de l’emploi. Dans certains métiers, les freelances sont même devenus incontournables pour les entreprises.

 

Quand la direction des achats d’une entreprise « recrute » un prestataire, ce ne sont ni les mêmes critères ni les mêmes processus que le recrutement de salariés. Et pourtant, la mission confiée est la même. Ce mouvement montre que les recruteurs qui sauront s’affranchir de la vision adéquationniste de la légitimité, prendront une longueur d’avance déterminante dans un monde en transition.

 



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