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Le développement durable, sujet éminemment RH

le 27 février 2025
Le développement durable, sujet éminemment RH
Claire Carteron
Claire Carteron

Directrice senior DE&I et Impact Social chez Christian Louboutin

Tout l’accompagnement de la transition écologique et sociale de l’entreprise relève de la fonction RH, nous explique Claire Carteron, aujourd’hui directrice senior DE&I et Impact Social chez Christian Louboutin.

Quel rapport entre le développement durable et la fonction RH ? Pour Claire Carteron, les liens sont évidents. Dès ses années d’études en école de commerce, elle est responsable Développement RH dans un groupe coopératif, avant de se spécialiser en décrochant un Master 2 GRH. Elle occupe ensuite des fonctions de Responsable RH dans plusieurs secteurs, dont les nouvelles technologies chez Technicolor. Elle rejoint l’entreprise en 2007 et en devient en 2010 DRH internationale pour les fonctions supply chain et qualité de la branche Connected Home. En 2012, Marks & Spencer lui demande de participer à son plan de redéploiement en France. « Pendant 3 ans et demi, j’ai accompagné la croissance d’un groupe doté d’une forte culture et d’une démarche RSE déjà bien réfléchie – un vrai vecteur d’engagement. » Pour Claire Carteron, la DRH est avant tout spécialiste du « H ». Certes, « il est important de savoir parler chiffres pour être un acteur crédible pleinement engagé dans la stratégie, mais si un DRH ne valorise pas l’humain, personne ne le fera à sa place ». Claire Carteron rejoint en 2016 Christian Louboutin, une entreprise avec « de fortes valeurs de diversité et d’inclusion ».

STRUCTURER LA DÉMARCHE

Elle arrive dans un groupe qui mène des actions durables sans le savoir et se voit confier à partir de 2020, en parallèle de ses fonctions de DRH Europe Moyen-Orient Inde, le volet « DEI » (diversité, équité, inclusion). Elle en structure la gouvernance avec une stratégie et un Employee Resources Groupe mondial. De multiples initiatives sont déployées : manifeste DE&I, plateforme et politique de journée solidaire, mise en place d’un site de communication et de formation spécifique avec des thématiques mensuelles, formation sur les biais cognitifs…

À partir de 2022, le groupe renforce sa structure sur le développement durable dans son ensemble, en recrutant une directrice RSE. Une gouvernance stratégique se met en place, avec des représentants dans toutes les fonctions, en faisant la part belle aux initiatives de terrain. Claire Carteron consolide alors son intérêt pour le sujet, avec un Executive Master DDO qu’elle obtiendra à Dauphine en 2023 et rejoint le nouveau comité opérationnel RSE dès sa création, en tant que représentante de la partie RH.

Les actions entreprises comprennent alors la formation aux fondamentaux de la RSE et la sensibilisation aux enjeux environnementaux (la « fresque du climat », notamment), mais aussi les audits relatifs aux émissions de carbone et à l’impact de l’activité sur la biodiversité.

L’ACCOMPAGNEMENT HUMAIN DE LA TRANSFORMATION

Pour Claire Carteron, « le développement durable, c’est remettre l’humain au coeur du système ». Les 3 piliers traditionnels de la notion – écologique, économique, social – sont indissolublement liés. « L’entreprise est un collectif, et le développement durable implique de préserver l’avenir des femmes et des hommes qui la composent », ce qui passe par une vision globale et solidaire du développement.

Et la fonction RH est là pour accompagner cette transformation. « La formation et la sensibilisation au développement durable font partie des métiers de la fonction RH », rappelle-t-elle, de même que l’acquisition des compétences nécessaires pour affronter le changement ou l’adaptation de l’activité. Sans oublier que la DRH doit aussi « rester vigilante sur la question de l’éco-anxiété subie par les collaborateurs ».

Le développement durable impacte également la supply chain. Sur ce point, la crise sanitaire a fait bouger les lignes. « Pendant le Covid, quelqu’un a proposé de remplacer l’avion par le bateau sur certains trajets. Cela a été le moyen de faire passer l’idée ! » Le télétravail se pérennise sur les emplois du siège, à raison de deux jours par semaine.

Au-delà de la directive CSRD et des réflexions qu’elle entraîne en matière de conformité et de suivi d’indicateurs, c’est le métier même de nos entreprises qui est impacté par le développement durable. Des réflexions également sont lancées sur les savoir-faire et les expertises du groupe, notamment les ateliers, la cordonnerie et le travail artisanal du cuir. « Analyse du cycle de vie de nos produits, formation à l‘écoconception : il s’agit de faire en sorte que nos souliers soient les plus durables possible. »

LE DÉVELOPPEMENT DURABLE, UN DÉFI GLOBAL

Pour autant, l’entreprise et sa DRH ont clairement conscience des enjeux et de l’urgence. « Nous ne pouvons pas nous contenter de montrer du doigt les consommateurs ou la réglementation. En réalité, État, entreprises, clients forment un triptyque, dont chaque membre doit faire sa part. Nous ne pouvons pas nous permettre de fabriquer des produits qui mettraient la planète en danger. Nous devons avancer sans attendre les réglementations. Il y a aussi le risque d’approvisionnement en matières premières à prendre en compte. Le développement durable est l’opportunité de transformer des contraintes en opportunités en les anticipant et en faisant bouger le business model des entreprises pour assurer leur pérennité. »

Qu’est-ce qui bloque encore globalement ? « La compréhension des enjeux n’est pas homogène. Et les managers n’ont pas toujours le temps de se consacrer au sujet. » Parfois, aussi, « on peut avoir le sentiment qu’il y a des injonctions paradoxales entre vision et pratique ; les moyens alloués ne permettent pas d’aller aussi vite qu’on le voudrait ». Pourtant, « la maison a déjà fait beaucoup de choses en 2 ans, grâce notamment à l’implication de la direction générale ». Reste à poursuivre les chantiers en cours. « Nous devons aller plus loin, notamment en améliorant la traçabilité des matières utilisées. Heureusement, nous fabriquons en Europe et travaillons avec des fournisseurs européens – essentiellement autour de Milan – ce qui permet une meilleure maîtrise de notre supply chain ! »

Demain, « l’ensemble de nos décisions devra être guidé par le développement durable ». La fonction RH est là pour « accompagner le business model et décliner la stratégie afin qu’elle aille dans le bon sens ». En tant que spécialiste du facteur humain, que coordinatrice du développement des compétences, que partenaire indispensable du changement dans l’entreprise, la fonction RH est donc éminemment légitime à parler et agir sur cette thématique fondamentale qui engage notre avenir commun.

> Retrouvez aussi notre dossier complet, alimenté au fil des publications. Il regroupera à terme tous les articles du Cahier de tendances.

Crédit photo : Christophe Boulze



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