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Gagner la course aux compétences

le 23 janvier 2025
Gagner la course aux compétences
Vincent Lecerf
Vincent Lecerf

Vice-président du groupe Orange chargé des RH

Le digital transforme à la fois les métiers, les compétences et la façon de les acquérir, explique Vincent Lecerf, vice-président du groupe Orange chargé des RH. En clair, tout bouge en même temps !

Si l’on excepte 3 années initiales de consulting, Vincent Lecerf affiche un parcours 100 % RH. Très vite « DRH de terrain », il aligne les grands noms : Valeo (automobile), Poclain Hydraulics (R&D), Rhodia (chimie), XPO (logistique), Tarkett (revêtements de sol), Imerys (minéraux industriels) – avant de rejoindre Orange à l’automne 2022. Le fil rouge, précise-t-il, est à chercher dans « l’accompagnement du changement dans des environnements internationaux, plutôt industriels ». En arrivant chez Orange comme vice-président exécutif chargé des RH pour le groupe, il n’est pas trop dépaysé : environ la moitié des effectifs du groupe est située à l’étranger.

Quelle continuité dans la fonction RH à travers toutes ces expériences ? « Toute la complexité du métier consiste à trouver la zone d’intersection « win win » entre d’un côté le business, les attentes des clients, les contraintes de production, et de l’autre les aspirations des salariés. Or ces deux univers bougent en même temps ; il s’agit donc d’atteindre l’espace commun à deux cibles mouvantes… Cela suppose à la fois de bien viser et de savoir bouger ! »

LA FORMATION SE TRANSFORME

Pour accompagner le changement, il faut apprendre, former et se former. Et la formation elle-même s’est transformée. « Orange est une entreprise de la Tech, qui dépense 5 % de sa masse salariale en formation », rappelle Vincent Lecerf. « La digitalisation a permis de donner un accès très large à la formation sur de nombreuses thématiques. »

Après la période Covid et l’accélération consécutive du distanciel, « nous sommes arrivés à une certaine maturité en matière d’hybridation du processus d’apprentissage. On se souvient des premiers temps, avec des sessions de 4 heures à distance qui épuisaient les participants avant d’épuiser le sujet… » Ces premières expériences ont cédé la place à des modules plus courts, parfois achetés sur catalogue, parfois développés en interne, dans des écoles « métier ».

Mais le digital en formation, ce n’est pas seulement le distanciel. Après des années de promesses, la réalité virtuelle et augmentée commence à se traduire concrètement en bénéfices pédagogiques sur le terrain. Chez Orange, Vincent Lecerf a ainsi été amené à expérimenter « une formation sur la sensibilisation à la discrimination et au harcèlement faisant appel à un casque de réalité virtuelle. Le procédé permet de s’immerger réellement dans ce que les personnes appartenant à diverses minorités vivent au quotidien. L’impact est surprenant ».

ANTICIPER LA MUTATION DES MÉTIERS

Si les retours des collaborateurs vis-à-vis du digital learning sont globalement positifs, un risque est à prendre en compte : la difficulté à s’orienter dans une offre devenue pléthorique. L’application Orange Learning permet déjà aux salariés d’accéder directement au catalogue et d’identifier les formations pertinentes avec des mots-clés. Des offres font l’objet de campagnes de push en direction des personnes potentiellement intéressées. Mais « notre enjeu, aujourd’hui, estime Vincent Lecerf, est de développer un accompagnement encore plus personnalisé. L’intelligence artificielle va nous y aider ».

Le principal défi reste de s’adapter à « un univers qui bouge de plus en plus vite. Le volume de données échangées augmente de 30 % par an ! Les usages de la vie quotidienne sont déjà très différents de ceux d’il y a 5 ans, parfois sans que nous ne nous en apercevions ». L’enjeu est donc de parvenir à « adapter les compétences à la vitesse à laquelle évoluent les métiers. Certains, autour de la data, de l’IA, de la cybersécurité, sont en forte croissance ; d’autres sont en décroissance ».

Le digital automatise certaines tâches, l’IA personnalise la réponse aux clients ; en cas de pannes sur le réseau, l’analyse des données du terrain permet de mieux cibler en amont les interventions des équipes. « La technologie transforme tous les métiers dans l’ensemble de l’entreprise, que l’on parle de commercial, de télécommunication, de finance, de RH ou autre. Ma mission est d’accompagner au mieux les équipes dans ces mutations », poursuit Vincent Lecerf.

L’ACCÉLÉRATEUR « IA » 

Ces constats ne datent pas d’hier, mais l’accélération est patente. « Nous avons énormément de cas d’usages liés à l’IA : nous investissons le sujet depuis une trentaine d’années, nous avons 600 brevets sur ce thème, et 2 000 personnes qui y travaillent. Nous avons déployé un programme de formation très large à l’utilisation des IA génératives, en direction de plusieurs milliers de collaborateurs. L’objectif est de développer une culture de l’IA, d’apprendre à bien prompter, à bien comprendre les possibilités des outils. » Il n’y a guère le choix : sur le sujet de l’IA, « le vivier de talents n’est pas à la hauteur des besoins du marché, qui évoluent plus vite que la capacité du système de formation initiale à produire les compétences correspondantes, depuis au moins 3 ou 4 ans ».

Du digital learning à la gestion des talents par l’IA, il n’y a qu’un pas. « Nous testons des outils IA destinés à l’analyse des talents des collaborateurs à partir de données variées. Cela devrait nous aider à mieux cibler les attentes des salariés et de mieux les accompagner dans leurs évolutions individuelles. Mais il ne faut pas oublier que ces applicatifs RH de l’IA sont encore relativement récents ! » Pas de précipitation, donc, mais une curiosité systématique, des expérimentations, et un souci constant de tenir compte « à la fois de la dimension technique et de la dimension humaine ». La technologie ne remplacera pas l’humain : l’idée, c’est plutôt que « l’humain augmenté par l’IA fera de meilleures recommandations aux collaborateurs. Comme un médecin utilise des analyses pour mieux soigner son patient ».

> Retrouvez aussi notre dossier complet, alimenté au fil des publications. Il regroupera à terme tous les articles du Cahier de tendances.

Crédit photo : Christophe Boulze



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