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Faisons de la santé mentale au travail une priorité !

le 15 décembre 2021
Faisons de la santé mentale au travail une priorité !

La crise sanitaire est en train de briser le tabou de la santé mentale au travail. Mais, après cette prise de conscience salutaire, il est plus que jamais nécessaire d’agir préventivement et collectivement.

En mai dernier, la joueuse de tennis japonaise Naomi Osaka, alors classée n°2 mondiale, quittait soudainement Roland Garros. Elle a pris cette décision radicale pour se préserver. Plus précisément pour préserver sa santé mentale. Quelques semaines plus tard, la gymnaste américaine Simone Biles, se retirait des jeux olympiques de Tokyo, avec cette explication rapportée par le Parisien : « Le facteur stress s’est accumulé au fil du temps. Mon corps et mon esprit ont simplement dit non. Je m’attendais évidemment à ressentir un gros contrecoup et beaucoup d’embarras. Mais c’est tout le contraire. C’est la première fois que je me suis sentie humaine. Plus que Biles, j’étais Simone, et les gens ont respecté cela. Je sais que j’ai aidé beaucoup de gens et d’athlètes à s’exprimer sur la santé mentale. »

De la libération de la parole aux actions concrètes

La parole se libère, c’est tant mieux. Avant elles, d’autres personnalités, d’Arianna Huffington aux nageurs Michael Phelps et Ian Thorpe en passant par le cycliste Mark Cavendish et le footballeur Andrés Iniesta, avaient déjà brisé les tabous du burn out et de la dépression. Mais aujourd’hui, ces jeunes sportives de haut niveau, toutes les deux nées en 1997, en parlent alors qu’elles sont au sommet de leur carrière et osent dire non. Elles cassent l’image de super héros qui collent à la peau des champions : oui, tout le monde peut être concerné et personne ne doit en avoir honte.

À l’image du mouvement #metoo, la santé mentale, et notamment la santé mentale au travail, est devenue un sujet sur les réseaux sociaux. Mais pas seulement. La prise de conscience dans la société a été accélérée par la crise sanitaire : sur-engagement, anxiété et stress face aux incertitudes, dépression, crise de sens, etc. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : 2,5 millions de personnes seraient en burn out en France, selon le Baromètre Empreinte Humaine, publié en septembre 2021.

La crise a ainsi mis les entreprises face à l’urgence d’agir. Si l’expression de qualité de vie au travail est progressivement entrée dans les mœurs depuis l’Accord national interprofessionnel (ANI) de 2013, la crise du Covid-19 marque un changement de vocabulaire. La santé mentale ne s’arrête pas plus aux portes de l’entreprise, mais commence à y avoir une vraie place.

En témoigne la multiplication des initiatives en la matière : le développement de réseaux de bienveilleurs et de sentinelles en entreprise pour détecter les signaux faibles, le boom des formations aux premiers secours en santé mentale, la sortie du premier test dédié au bore out en français, la généralisation des lignes d’écoute psychologique, l’engouement pour les applis permettant aux salariés de se former et d’être accompagnés… Mais la France semble toujours en retard. En Islande, deux projets pilotes concernant 2500 fonctionnaires municipaux et fédéraux, entre 2014 et 2021, ont démontré les effets positifs de la « semaine de quatre jours » sur la productivité, l’équilibre des temps de vie et le bien-être des travailleurs. Elle est aujourd’hui considérée comme une solution efficace pour combattre les problèmes de santé mentale, de stress et d’épuisement professionnel.

Une attente croissante des salariés

Au Canada, la commission de la santé mentale existe depuis… 2007 ! Les Canadiens ont également une norme nationale sur la santé et la sécurité psychologiques en milieu de travail. Sans surprise, la majorité des employés canadiens (71 %) considèrent que les employeurs se préoccupent sincèrement de leur santé mentale et encore plus (78 %) estiment pouvoir informer une personne de leur entreprise s’ils ne se sentent pas bien physiquement ou mentalement, selon l’enquête Telus International. En France, les entreprises ne semblent pas encore suffisamment préoccupées par cette situation : 43% des salariés estiment en effet que leur entreprise ne prend pas assez en compte les situations de souffrance psychologique relève une étude de Malakoff-Humanis.

Pire : seulement 1/3 des organisations ont mis en œuvre des mesures de fond, notamment avec l’implication du top management. Or, ces actions ont un vrai impact positif : elles améliorent considérablement la santé psychologique des salariés et leur fidélité envers leur organisation ! Elles sont aussi sources de performance.

Autre point clé : la sortie de crise semble avoir encore renforcé les attentes des salariés envers leur entreprise : 82 % veulent que les politiques de qualité de vie au travail de leur entreprise évoluent. Alors, concrètement, comment s’y prendre pour aller au-delà de la simple prise de conscience ? Comme pour les troubles musculo-squelettiques, je pense qu’il est urgent que les entreprises agissent en prévention. N’attendez pas que vos salariés aillent mal pour mettre des actions en place, surtout vis-à-vis des populations les plus à risques, notamment les managers ou encore les aidants.

Un enjeu collectif

Il me semble également essentiel de considérer la santé mentale comme l’affaire de tous ! Comment vont vos collègues ? Prenez-vous suffisamment de temps pour échanger avec eux ? Avez-vous conscience que votre comportement peut avoir un impact positif ou négatif sur leur santé et leur sécurité psychologiques ? Participez-vous aux initiatives mises en place dans votre entreprise ? Si vous êtes manager, quels sont les besoins de vos collaborateurs pour bien travailler et se sentir bien au travail ?

Au-delà de la sensibilisation, les dirigeants et les managers doivent incarner, autant que possible, leur engagement par des actes quotidiens : être vigilants quant à la charge de travail de chacun, écouter les équipes, veiller aux horaires et à la durée des réunions, permettre à chacun de se déconnecter et d’avoir des temps de repos et de pause… Tout cela pour créer un climat de travail propice au bien-être mental de tous. Mais attention, essayer d’être exemplaire en la matière ne veut pas dire pour autant être parfait. Surtout que les managers sont, eux-mêmes, plus à risque de burn out.

S’intéresser à la santé mentale, c’est enfin prendre conscience que cet enjeu doit être abordé dans les entreprises avec une approche holistique tant il est imbriqué dans d’autres sujets comme le bien-être physique, la reconnaissance, l’environnement de travail, les nouvelles manières de travailler dont le télétravail ou encore les pratiques managériales.


Comme le rappelle Adrien Chignard dans un article paru dans Psychologies, « le burn-out est le signal d’un dysfonctionnement collectif ». Arrêtons de croire que la santé mentale est une question individuelle. Jouons-la plutôt en équipe dans le monde du sport comme en entreprise ! Et quand on sait qu’un Millenial sur deux a déjà quitté un emploi pour préserver sa santé psychologique a révélé en 2019 Harvard Business Review, on se dit que les ambassadeurs de cette cause sont tous trouvés, non ?



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