Face au défi de l’employabilité, l’évaluation des soft skills compte tout autant que celle des hard skills
La rapide transformation des métiers et la nécessaire adaptation des compétences représentent un enjeu crucial, qui concerne aussi bien les employeurs que les collaborateurs. Mais si l’adaptation des hard skills reste primordiale, le développement des soft skills, véritable cap à suivre dans la tempête, s’impose de plus en plus pour garantir l’employabilité de chacun. Avant de développer ces compétences transverses par la formation, les évaluer au travers d’outils psychométriques apparaît comme un préalable indispensable.
À l’ère de la révolution numérique, le monde du travail est en pleine mutation. Nous assistons actuellement à des changements technologiques très rapides, dont l’ambition est d’automatiser des processus de plus en plus élaborés, et qui ne concernent plus uniquement des tâches basiques ou « manuelles ». La transformation en cours, accélérée par la crise sanitaire récente, touche tous les métiers : selon l’OCDE, 50 % des emplois en France sont menacés d’automatisation, tandis que dans le monde, un milliard de personnes devraient se reconvertir d’ici 2030. Or, 6 adultes sur 10 ne disposent pas encore des compétences requises pour occuper les nouveaux emplois créés par la digitalisation (1).
Dans un tel contexte, les entreprises doivent s’adapter très vite, et de plus en plus finement. Pour elles, l’enjeu est double : améliorer le recrutement (interne ou externe) dans une période de pénurie de compétences, mais aussi développer l’employabilité future de leurs talents.
Les organisations vont notamment devoir s’ajuster en investissant dans la formation continue, et en faisant évoluer le positionnement des tâches de leurs collaborateurs vers davantage de valeur ajoutée. Il s’agit pour elles d’aligner cette nouvelle donne dans leurs différentes dimensions (business, orientations stratégiques et politique de développement RH), et de créer une culture partagée de l’upskilling (2) et du reskilling (3). Une culture partagée qui embarquera l’ensemble de l’organisation, du top management (qui donne le cap) aux managers (qui mettent les décisions en musique), en passant par les collaborateurs (premiers acteurs de leur employabilité).
Placer l’employabilité au cœur de la stratégie d’entreprise est d’autant plus important qu’il s’agit de l’une des principales attentes des salariés aujourd’hui. D’après l’étude Great Insights 2022 de Great Place To Work, 50 % des collaborateurs estiment avoir besoin de monter en compétences et/ou de se réorienter dans les 5 années à venir, mais 30 % n’ont pas le sentiment d’avoir bénéficié d’un accompagnement spécifique pour le développement de sa carrière. L’étude révèle également que les programmes de formation et de développement sont désormais l’un des critères de choix lors de la sélection d’un potentiel employeur.
Sommaire
Les soft skills, aussi importantes que les compétences techniques pour l’employabilité
Pour maintenir l’employabilité des collaborateurs, se posent la question de l’adaptation des compétences techniques (hard skills), mais aussi celle de la montée en puissance des compétences comportementales. L’accélération des transformations organisationnelles et de l’évolution des métiers place ainsi les soft skills au premier plan, pour les entreprises comme pour leurs salariés.
D’après un rapport du World Economic Forum, 8 des 10 compétences indispensables en 2025 relèvent de ce champ. Il s’agit notamment de l’esprit d’analyse et d’innovation, de l’apprentissage actif, de la résolution de problèmes complexes, de la pensée critique, de la créativité, du leadership, de la résilience, de la tolérance au stress, du raisonnement et de l’idéation. Les entreprises ne s’y trompent d’ailleurs pas : selon le dernier baromètre de CSP Docendi, elles sont de plus en plus nombreuses à intégrer les soft skills dans leurs stratégies d’upskilling / reskilling, et 50 % d’entre elles y forment ou comptent y former leurs collaborateurs.
L’empathie, le jugement critique, l’écoute, l’intelligence émotionnelle, l’adaptation au changement sont autant de compétences qui nous différencient des machines. Elles sont devenues incontournables ces dernières années dans les démarches de développement des talents, et même l’automatisation des tâches la plus élaborée ne pourra s’y substituer. Ces « compétences humaines » constituent dès aujourd’hui un atout pour s’adapter aux transformations en cours, et devraient rester au centre des métiers de demain. Des soft skills telles que la flexibilité, l’adaptabilité et la capacité à prendre de bonnes décisions, feront partie de la valeur ajoutée apportée par ceux qui en seront dotés, en leur permettant d’être plus efficaces dans leur environnement de travail et de rester employables.
Si les compétences techniques évoluent régulièrement, les compétences comportementales, transverses, constituent un cap à suivre en pleine tempête, tant pour les collaborateurs que pour les RH. L’investissement en formation doit donc, dès aujourd’hui, tout autant privilégier les compétences métiers, qui demeurent essentielles, que les soft skills.
Les outils psychométriques au service de l’évaluation et du développement des soft skills
L’accélération des transformations affectant l’ensemble des métiers implique donc de changer de focale, et de développer également, en interne, les compétences comportementales. L’enjeu sera de mettre en place des actions concrètes, orientées sur la pratique, de mentorat, de coaching et de formation, qui seront notamment dédiées à certaines fonctions ou positions. Mais avant de se lancer dans un tel travail, il est important d’établir une cartographie des besoins à moyen et long terme, et de leurs conséquences en matière d’upskilling et de reskilling. Des technologies d’intelligence artificielle (IA) pourront être utiles pour identifier et évaluer les compétences critiques dont l’entreprise a besoin, ainsi que celles qui seront nécessaires pour les métiers de demain. Sur le plan individuel, des outils psychométriques permettront d’évaluer les soft skills de chaque individu, de comparer les performances de ce dernier à celles d’une population cible, et ainsi de connaître les besoins en formation.
En mêlant approches théoriques et pratiques, les outils psychométriques fournissent aux RH des mesures psychologiques et comportementales statistiquement fiables. Grâce à des algorithmes et à un apprentissage machine basé sur une collecte massive de données, ils sont capables d’évaluer les soft skills les plus abstraits et les plus difficiles à observer, comme la capacité de travailler sous pression, la gestion du stress, la coopération, la pensée critique ou le leadership. Ils reposent notamment sur des questionnaires (orientés sur la personnalité, la motivation, les centres d’intérêt, les tendances cognitivo-comportementales) et sur des données quantifiables et objectives ; des informations individuelles qui sont comparées à un panel de personnes évaluées dans un même contexte, afin d’identifier par exemple la personne (candidat ou collaborateur) la plus susceptible de s’adapter à un poste en particulier.
L’évaluation à travers des tests psychométriques permet ainsi au responsable RH de repérer et de comprendre finement les points forts et les axes d’amélioration des collaborateurs, tant dans une perspective d’évolution de carrière (formations) que de recrutement (interne comme externe). Dans un avenir plus ou moins proche, grâce à des méthodes d’IA hypersophistiquées, les outils psychométriques permettront de créer des situations toujours plus immersives, motivantes (notamment via le gaming et des interactions avec des agents virtuels), et en phase avec la réalité des compétences à objectiver et des activités métiers.
Couplées à une vision dynamique des compétences, les technologies numériques permettent aux entreprises de mieux se projeter dans l’avenir, en identifiant les hard skills et les soft skills dont elles auront besoin à court, moyen et long termes. En croisant des tests psychométriques avec des bases de données de compétences attendues, les RH sont susceptibles d’avoir la vision la plus juste de l’adéquation entre les compétences des collaborateurs et celles dont elle a, et aura, besoin. En interne ou avec le recours d’un partenaire, il est donc indispensable de mener un diagnostic organisationnel sur les forces en présence et les besoins en compétences de demain. Un préalable indispensable à l’élaboration d’un plan de développement des compétences pertinent, au milieu d’un environnement de plus en plus complexe, où l’employabilité fait figure de défi majeur pour les RH.
(1) 85 % des métiers de 2030 n’existent pas encore, selon une étude prospective réalisée par Dell et l’institut pour le Futur en 2017.
(2) L’upskilling désigne les actions de l’entreprise visant à une formation de perfectionnement d’une compétence qu’un salarié maîtrise déjà.
(3) Le reskilling concerne des formations destinées à aider les personnes à acquérir de nouvelles compétences pour changer de métier. En 2020, le Word Economic Forum estimait qu’un salarié sur deux dans le monde aurait besoin de reskilling dans les 5 années suivantes. 40 % des compétences métiers seraient amenées à changer d’ici 2025.
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