Marque employeur : Face à la guerre des talents, le soft power employeur
La marque employeur, c’est l’odeur que l’entreprise laisse derrière elle par ses pratiques en tant qu’employeur. Une seule façon de l’améliorer : agir sur lesdites pratiques, et le faire savoir. En contexte de tensions de recrutement, il y a urgence à développer son soft power employeur.
La guerre des talents est d’abord une guerre de l’information. Dans la jungle des réseaux, les réputations se font et se défont en quelques messages viraux. Derrière, cependant, le roc de l’entreprise réelle finit toujours par émerger de la mer agitée des rumeurs. À mesure que les entreprises apprennent à formuler leur marque employeur, le public apprend à la décrypter. Il apprend également à séparer le bon grain de l’ivraie dans le qu’en-dira-t-on. Vingt-deux ans après la naissance de TripAdvisor, on distingue rapidement le mécontent aigri du commentateur substantiel.
Depuis le temps qu’on le répète, le message a dû finir par passer : la marque employeur n’est pas un roman écrit par le service RH pour faire rêver les candidats et susciter les espoirs des salariés. Elle existe indépendamment de la volonté de l’entreprise. La fonction RH ne peut que la révéler, sous la forme d’une promesse RH qu’il conviendra de tenir. L’objectif n’est pas non plus d’attirer et retenir sans discrimination « les meilleurs », mesurés sur une hypothétique échelle graduée de la compétence. Mais plutôt d’envoyer le bon message aux bonnes personnes à travers les espaces infinis du marché de l’emploi. Même au XXIe siècle, les réseaux ne sont pas 100 % numériques. Mais il est rare que la réputation digitale s’écarte significativement de la réputation analogique. Dans un monde ultraconnecté, l’entreprise ne peut pas se désintéresser de son soft power.
1 / La marque employeur élargie
Dès lors que l’entreprise se pense comme élargie à tous les contributeurs de son action, il faut s’attendre à ce que sa marque employeur s’aventure, elle aussi, hors du logis. La façon dont l’entreprise interagit avec ses prestataires, ses freelances, ses partenaires, la manière dont elle « emploie » les compétences et les ressources de ces derniers au service d’un objectif commun, se rattache sans solution de continuité à la marque employeur. L’entreprise élargie dépasse les limites spatiales et juridiques de l’entreprise, mais elle déborde également des frontières de l’espace-temps. Les anciens salariés font partie de l’histoire de l’entreprise, ils en portent l’image, pour le meilleur et pour le pire. Il en va de même des candidats non retenus, qui pourront croiser le chemin de l’entreprise plus tard. Les uns comme les autres sont à la fois des cibles et des ambassadeurs de la marque employeur.
Traditionnellement, la marque employeur s’adressait surtout à l’aristocratie des « high potentials ». À cet égard, l’élargissement se conçoit aussi en interne : employés diplômés ou non, intérimaires, stagiaires, salariés en situation de handicap, à temps partiel… La marque employeur reflète la culture employeur telle qu’elle est vécue par tous ces publics. Annoncer la couleur et attirer des candidats « raccord » avec cette culture, c’est renforcer la cohésion et l’efficacité de toute l’organisation. Et par la même occasion, la marque employeur. La boucle vertueuse est bouclée.
2 / La marque responsable
En matière de RH, tout est dans tout et inversement. Et la marque employeur concentre l’ensemble des particularités qu’offre l’entreprise en tant qu’employeur. Le volet RSE est un élément important de la marque employeur. Les candidats s’intéressent aux engagements de l’entreprise en matière sociale et environnementale, s’efforcent d’en mesurer la sincérité, échangent avec l’interne ou les anciens salariés pour évaluer le degré éventuel de « RSE washing ».
Ce rapport aux engagements, plus encore que les engagements eux-mêmes, en dit long sur l’identité de l’entreprise comme employeur. L’effet de sélection est tout aussi important. Une entreprise qui peut faire valoir un engagement RSE convaincant, avec des valeurs véritablement vécues, attire les candidats animés par ces mêmes valeurs. C’est un bon prédicteur de l’engagement futur comme de la cohésion des équipes. Une culture d’entreprise forte s’auto-entretient. Parions que la marque responsable s’imposera comme un sous-dossier influent de la marque employeur.
3 / La marque manager
Autre grand thème RH incrusté dans la marque employeur : le management. On dit que les salariés quittent leur manager et non leur entreprise. Sur la question, les avis comme les chiffres divergent. C’est de toute façon difficile à mesurer : quelle décision prend-on pour une seule raison ? Ce qui est certain, c’est qu’à côté de la rémunération et des avantages, à côté du contenu et du sens de la mission, les candidats comme les collaborateurs se posent des questions sur le management de l’entreprise.
Est-on reconnu ? Est-on autonome ? Y a-t-il de la souplesse dans l’application des règles ? Les managers sont-ils justes ? Pour un nouvel arrivant, le style de management est sans doute l’un des meilleurs prédicteurs de ce que sera le quotidien de travail dans l’entreprise. À l’heure de l’organisation hybride et des arbitrages en matière de temps et de lieu de travail, la composante « management » de la marque employeur est vouée à prendre de l’importance.
4 / Un marketing global
Dans un contexte de consommation responsable, la marque employeur, ne l’oublions pas, entretient des relations étroites avec la marque corporate et avec la marque commerciale. Il existe des contre-exemples, bien sûr. De grands noms parviennent à s’imposer malgré une marque employeur discutable, en compensant par l’excellence du service, la compétitivité des prix ou une position monopolistique. « Dans la vie, tout est question de proportions. Si l’on était des fourmis, le caniveau nous semblerait l’embouchure de l’Amazone. » (Quino, Mafalda).
Mais survivre à une marque employeur dégradée n’est pas à la portée du premier venu. Et rien ne dit que la stratégie soit viable à long terme. En tout cas, elle ne peut guère se concevoir que dans des secteurs où un turnover élevé n’est pas un problème. Pour la plupart des entreprises, marketer son image en tant qu’employeur – avec tact et discernement – ne peut que renforcer la marque tout court. Suffisamment, en tout cas, pour que DRH, direction de la communication et direction commerciale se mettent autour de la table pour en discuter. Et fassent un petit bout de chemin ensemble.
Crédit photo : Pexels / Ivan Samkov
Retrouvez cet article et bien plus encore dans notre Cahier de tendances RH ! À travers des portraits de DRH, des interviews d’experts ou encore des chiffres-clés, nous décryptons pour vous les 10 tendances RH qui rythmeront l’année 2023. Un grand merci à nos partenaires Lucca, Cornerstone, GoodHabitz, Afnor, Golden Bees, United Heroes, Universum, Actinuum, Swile, LinkedIn Talent Solutions sans qui ce cahier n’aurait pu voir le jour.
> Retrouvez aussi notre dossier complet, alimenté régulièrement. Il regroupera à terme tous les articles du Cahier de tendances.