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Expérience collaborateur : « La DRH doit absolument s’en emparer pour attirer, recruter et fidéliser »

le 21 avril 2022
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Sabine Hagege

Ingénieure diplômée de l’ENSTA ParisTech, Sabine Hagege est Directrice Stratégie Produit, Gestion du Capital Humain, chez Workday France. Elle est experte du SIRH depuis plus de 20 ans.

Selon le 5e baromètre national de l’expérience collaborateur réalisé par Parlons RH (en partenariat avec LumApps, Arago Consulting, Groupe Up, Wittyfit, Workday, Groupe Crédit Agricole, SD Worx, Uber for Business et Le Lab RH), l’EX se démocratise. Mais nombre de DRH restent réticents à s’en emparer, ou à l’aborder au travers d’une stratégie globale et transverse. Pour Sabine Hagege, directrice Stratégie Produit, Gestion du Capital Humain, chez Workday France, il s’agit pourtant d’un élément clé pour attirer, recruter et fidéliser, dans un contexte de guerre des talents et de pénurie de compétences.

Quelle information vous interpelle le plus dans cette étude sur l’expérience collaborateur ?

Il est surprenant que les professionnels RH soient encore hésitants à s’emparer de l’expérience collaborateur (EX), et ainsi qu’un tiers d’entre eux ne se considère pas comme responsable de cette démarche. Il est vrai que les RH n’ont pas la main sur tout, puisque l’expérience collaborateur inclut aussi l’activité au quotidien, je pense néanmoins qu’ils doivent être moteurs sur ce sujet. Ils ont besoin de l’appui de la direction générale, et de travailler avec la DSI et les directions opérationnelles, mais c’est à eux de porter l’EX.

Selon le baromètre, l’EX se démocratise : 50 % d’entreprises la pratiquent, soit deux fois plus qu’il y a 3 ans. Le nombre d’entreprises ayant mis en place une démarche autour de l’EX depuis plus de 3 ans augmente : leur proportion est passée de 13 à 21 % depuis 2020 au sein des sociétés « pratiquantes », et de 5 à 10 % dans l’ensemble des organisations. Malgré cela, le sujet reste assez neuf, avec des initiatives nombreuses, mais encore peu coordonnées. Le fait est que dans nombre d’entreprises, il n’existe pas encore de politique globale autour de l’expérience collaborateur, avec une stratégie qui en traiterait tous les aspects.

Lorsque j’échange avec les DRH, je constate que pendant la crise sanitaire l’expérience collaborateur est devenue une priorité pour un nombre croissant d’entre eux, et qu’elle se décline sous des formes multiples. Les enquêtes auprès des salariés sont par exemple de plus en plus fréquentes : même si beaucoup d’entreprises tâtonnent encore sur la façon de les mettre en place, cet outil s’est considérablement développé pendant la pandémie. L’expérience collaborateur est également favorisée par le déploiement (également en hausse depuis le Covid) d’outils numériques destinés à favoriser la vie au quotidien et la communication. On note aussi des initiatives croissantes autour du bien-être, de l’inclusion, de la diversité et du sentiment d’appartenance.

Beaucoup d’initiatives positives ont donc été menées ces dernières années, mais il manque encore une certaine cohérence. Les DRH gagneraient à rassembler toutes ces pratiques sous ce même chapeau de l’expérience collaborateur, et à les décliner d’une façon plus structurée, avec un programme transversal dans l’entreprise. De tels projets globaux et stratégiques sont encore minoritaires.

Le baromètre nous apprend aussi que les entreprises sont insuffisamment outillées en la matière…

L’expérience collaborateur englobe la vie au quotidien du collaborateur, dans son entreprise. Il s’agit des moyens mis à sa disposition pour travailler au mieux, de ceux lui permettant de progresser et d’acquérir de nouvelles compétences, et de tout ce qui entoure son bien-être. Ces moyens peuvent, notamment, prendre la forme d’outils digitaux. Des outils pour mieux l’écouter (enquêtes régulières et personnalisées), pour lui permettre de rester connecté à ses collègues et à l’entreprise (malgré la distance), mais aussi pour lui donner accès à des formations ou des opportunités de développement.

D’après le baromètre, 62 % des entreprises pratiquantes et 70 % des réfractaires n’ont pas de solution pour recueillir systématiquement le ressenti des collaborateurs. Or de telles solutions me semblent indispensables pour comprendre leurs attentes et être ainsi capable de mettre en place une approche stratégique qui offrira une expérience adaptée. Le moment est propice pour mener de telles réflexions, la pandémie ayant démontré que ce sujet devenait incontournable.

De plus en plus d’organisations ont pris conscience qu’elles devaient s’en occuper. Elles l’ont fait plus ou moins dans l’urgence, afin de répondre aux besoins immédiats imposés par les effets du confinement et du télétravail sur la santé des salariés. Elles sont désormais convaincues de l’importance de l’EX. Certes, il reste encore des entreprises réfractaires. Mais pour celles qui s’en sont saisies ces deux dernières années, il me semble désormais important de tout remettre à plat, avec une approche globale, transversale et pilotée par la RH.

Pensez-vous que les entreprises effectueront cette remise à plat de leurs pratiques en matière d’expérience collaborateur ?

Je pense que beaucoup le feront, car les enjeux sont importants. Elles sont une majorité à faire face à des difficultés de recrutement, dans un contexte de pénurie de compétences. Avec la reprise de l’activité, les entreprises ont besoin de renforcer leurs équipes et de pourvoir des postes clés; l’expérience collaborateur joue un rôle essentiel dans leur capacité à attirer et retenir des talents. 

Si certains professionnels RH continuent de penser que l’EX n’est pas leur priorité, ils seront en revanche d’accord pour considérer qu’attirer, retenir et fidéliser les collaborateurs en est une. Or, les deux sont étroitement liés : la DRH doit absolument s’emparer de cet élément clé pour recruter dans un marché du travail sous tension.

À l’ère du travail hybride, les candidats attendent les mêmes choses que les salariés en poste : la possibilité d’évoluer et de développer leurs compétences, une organisation du travail plus flexible et favorable à un meilleur équilibre des temps de vie, un management à l’écoute de leurs besoins et de leurs propositions, ou encore des prises de positions de leur employeur en matière de RSE. Tous ces points font partie de l’EX, et sont des enjeux que les RH ne peuvent laisser de côté. Ils se doivent d’en être partie prenante, puisque leur objectif reste bel et bien d’attirer, de recruter et de retenir les bonnes personnes.

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Crédit photo : Shutterstock / Prostock-studio



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