Campagne de recrutement Uber : un clip audacieux mais risqué
Jeudi 11 juin, le service de transport Uber met en ligne une vidéo sur YouTube titrée « Uber recrute : cette Vidéo est 100% légale ! ». Un pied de nez aux procédures engagées contre les chauffeurs utilisant l’application UberPop poursuivis pour pratique illégale du métier de taxi. Le contenu est sur le même ton : un peu de provocation et beaucoup de promesses. Sûre de son fait, l’entreprise américaine présente un discours et une image parfaitement maîtrisés. À moins qu’il ne s’agisse d’une fuite en avant dans la communication RH de l’entreprise dont le nom est devenu synonyme de « ringardisation des concurrents » ? Décryptage.
Conduire des clients d’un point A à un point B sans licence de taxi ou sans être une société de tourisme (VTC) est-il une activité illégale ? Ce qui est certain, c’est que la grogne monte chez ces professionnels du volant à l’encontre d’Uber et de son application UberPop. L’entreprise californienne qui met en relation conducteurs à la recherche de clients et citadins en quête d’un service de transport rapide, efficace et agréable joue sur un vide juridique pour développer son activité en France, avec succès.
Et elle le fait savoir dans cette vidéo très second degré qui – mis à part son titre – ne s’attarde pas sur les procédures en cours liées aux activités de l’entreprise. Comme au Judo, Uber utilise le poids de ses adversaires pour décrocher la victoire. En l’occurrence, hormis les taxis, les adversaires qui qualifient son activité d’illégale sont des préfets et même le gouvernement.
Une bonne campagne de « Newsjacking », offensive et intelligemment menée par Uber puisqu’elle surfe sur l’actualité. En effet, elle a été mise en ligne le jour de la relaxe d’un chauffeur utilisant l’application UberPop.
Sommaire
Une campagne de recrutement qui fait rêver
Ringardiser et ridiculiser l’entreprise du XXe siècle, c’est ce que fait ce spot dès la première scène. Un homme au physique de jeune premier en costume cravate qui se présente sous le nom de Jean-Christian Gagnant propose de rejoindre Uber pour « faire partie d’un monde meilleur ». Une douce mélodie jouée au piano donne de la solennité au propos. Puis, le malheureux est brutalement jeté hors du cadre par une jeune femme souriante et dynamique en tenue décontractée qui vient décrire l’activité de la société et ses enjeux de recrutement.
L’argumentaire et la promesse d’Uber ne sont pas dans le discours de la charmante recruteuse, mais dans le décor qui est présenté. Cette dernière invite le spectateur dans ses locaux pour une visite des bureaux et une rencontre avec le personnel, le tout dans une joyeuse ambiance d’emménagement en cours. Le message est clair : « Uber s’installe, il se consolide et il va prendre de plus en plus de parts de marché dans les transports. Vous n’avez encore rien vu ».
Mais pour ça :
- « il nous faut du monde, des gens motivés, des gens dédiés » nous annonce la recruteuse, en faisant tourner l’hélice qui surplombe la casquette d’un employé affalé sur un hamac à l’entrée de l’open space ;
- « du monde il en manque et il en manque beaucoup » répète-t-elle en dévisageant une salariée qui joue seule au ping-pong ;
- « On a besoin de petits génies comme eux » en pointant du doigt deux jeunes recrues en pleine partie de PES sur PlayStation ;
- « N’hésitez pas à rejoindre notre équipe marketing, il reste de la place » nous assure-t-elle en se mettant à jouer au baby-foot.
Puis l’hôtesse nous parle de l’avenir d’Uber France et de la vitesse à laquelle ils avancent pour nous asséner une dernière fois… qu’il leur « faut du monde ». La vidéo se termine sur une séquence festive : lancer de confettis, cris de joie, déhanchés et collier de fleurs, sur des notes de guitare pop, à contre-pied du piano qui ouvrait le spot.
Uber promet monts et merveilles aux candidats
Uber France réalise un joli coup pour sa marque employeur. L’entreprise propose une QVT à l’image de ce qui se fait dans la Silicon Valley : espace détente, console de jeux, massages, tenue décontractée…
En s’adressant aux générations Y et Z, la société californienne reprend à son compte le terme « uberiser » inventé pour qualifier l’efficacité et la rapidité avec laquelle elle s’est imposée comme une alternative à la corporation des taxis qui souffre d’une image parfois peu reluisante. Cette vidéo enfonce le clou, faisant souffler un vent de révolte et d’insouciance contre un immobilisme bien ancré dans certains secteurs d’activités hexagonaux.
Il reste qu’Uber doit maintenant honorer sa promesse faite aux candidats.
La start-up qui va à l’encontre des codes propose du fun, du « Happy At Work » et une « Very Great Place To Work », mais comme pour toute entreprise, des impératifs de performance, d’organisation des services (donc de hiérarchie), de rythmes soutenus d’activités existent et sont absents dans ce petit film.
Un candidat se rendant en entretien chez Uber en short coiffé d’une casquette aurait-il vraiment ses chances ? Des postulants s’imaginant organiser un tournoi de foot hebdomadaire entre collègues sur PlayStation dans l’open space ne s’exposent-ils pas à de grosses déceptions ?
En présentant Uber France comme un campus universitaire tout droit sorti d’un « teen movie » cette campagne néglige des aspects parfois contraignants du monde de l’entreprise : la concurrence entre collaborateurs, le respect des horaires, les objectifs à atteindre…
Il ne faudrait pas que ses futurs collaborateurs ubérisent leur travail et oublient les codes du monde professionnel en se focalisant uniquement sur le bien-être, ce que cette campagne les invite à faire. Si la marque employeur est une promesse, elle est également le reflet d’un vécu RH et avec cette vidéo, il est difficile de se projeter dans le quotidien réel des équipes d’Uber.
Crédit photo : Youtube – capture d’écran Uber
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