Le bonheur et plaisir au travail : tendance utopique ou réaliste ?
Les entreprises ne cessent de rechercher des solutions novatrices afin de maintenir un taux de motivation élevé, une mobilisation de tous et une augmentation notoire du niveau de productivité. Cependant, nous sommes confrontés actuellement à une modification de la conception du monde du travail, car la sphère professionnelle prend de plus en plus d’espace dans nos vies. Nous pouvons même pousser l’exagération en soulignant que travail et identité s’entrecroisent et se jumellent. Notre boulot devient notre identité. À certains égards, le surinvestissement est même valorisé reflétant l’overbooking, la charge de travail et l’importance qui nous est dévolue. Parallèlement à cette conception, il est devenu difficile de donner un sens et une utilité à son travail. Résultat : un désengagement, une baisse de motivation et de mobilisation, phénomène qui n’est pas étranger à nos organisations. Ce paradoxe laisse croire à une ambivalence et propose de revoir nos pratiques managériales.
Sommaire
Qu’est-ce que le bonheur au travail ?
Il n’existe de recette miracle et il est inutile de se creuser les méninges indéfiniment. Inutiles encore les tentatives d’imiter Google avec ses glissoires (tobogans ?), ses tables de billard et espaces colorés. Selon les experts, ce qui rend heureux au travail c’est d’être apprécié à sa juste valeur.C’est un endroit où vos compétences, vos connaissances, votre talent, votre expertise et votre personnalité seront des atouts qui seront considérés et valorisés régulièrement. La notion de sens au travail est un incontournable. Si ce que nous réalisons nous donne le sentiment d’être inutiles, de n’avoir aucune valeur et sert à « je ne sais quoi », c’est l’évidence même que nous serons malheureux.
Enquête et révélations…
Le questionnaire servant aux rencontres des candidats peut devenir une source d’informations intéressantes pour les managers qui souhaitent mettre en place des stratégies orientées vers le bonheur et le plaisir au boulot. Dans les interviews, il suffit d’orienter les questions sur ce que signifie un milieu de travail heureux chez le candidat, ou bien que veut dire pour lui le bonheur au travail et comment peut-on mettre du « PEP » dans une équipe de travail ? Voici brièvement des pistes qui donnent des indications de la perception des candidats sur leur conception du plaisir au boulot :
- Faire partie d’une équipe de travail où il existe un mélange de support et soutien mutuels et bien sûr le fait de rire ensemble ;
- Un environnement de travail convivial ;
- Des défis à la hauteur de mes capacités ;
- Sentir que je suis utile à mon équipe ;
- Qu’on reconnaisse mon travail ;
- De bonnes relations avec mon supérieur ;
- Utiliser ma créativité ;
- Réaliser un projet avec peu de ressources ;
- Tester des solutions mises en place ;
- Être écouté, être entendu;
- Parfois on aborde l’autonomie, les responsabilités et les apprentissages.
Profitez de l’exercice d’évaluation annuelle des managers et des collaborateurs pour faire un tour d’horizon concernant les activités qui ont certes obtenu des résultats escomptés, mais également celles qui ont été réalisées avec plaisir et succès. Puisqu’il est rare d’exceller dans tous les domaines, les pratiques faisant partie des stratégies du management par le plaisir mettent en évidence les points forts de la personne.
Un leadership qui crée le plaisir au travail
Selon les principes de la neuroscience, nous pouvons déduire la réaction d’un être humain face à une situation. Simple comme pronostic : évitement de la douleur et la recherche de plaisir. Plaisir et travail sont des mots qui semblent, à première vue, incompatibles.
En effet, dans la logique actuelle, le travail est associé au professionnalisme, à la rigueur, aux exigences, à l’application de normes et à la performance. Le travail, vu sous cet angle, peut même être douloureux et c’est un concept très bien accepté dans la sphère professionnelle.
Le plaisir, quant à lui, fait davantage référence aux loisirs, à s’accorder du bon temps, aux vacances et à la relaxation. Dans cette optique, la philosophie derrière le travail est tout, sauf du plaisir ! Les tâches peuvent être évaluées en deux critères forts simples « je sais très bien comment réaliser telle activité » et « j’aime me plonger dans telle autre activité ». En ce sens, il est possible d’exécuter une tâche avec une grande facilité sans pour autant éprouver de plaisir.
Le style de leadership s’inspire fortement de la personnalité du manager. Nous gérons à l’image de ce que nous sommes. Comme mentionnés ci-dessus, le cœur du changement, le cœur d’une démarche d’amélioration continue, le cœur des nouvelles pratiques doit être d’abord et avant tout intrinsèquement vécus par le manager. Ainsi, ce qui devient une valeur ultra importante pour la haute direction se propagera inévitablement vers les autres niveaux hiérarchiques pour s’étendre enfin à toute l’organisation. Je fais référence encore ici à la juxtaposition des valeurs personnelles et organisationnelles abordée précédemment.
Les traits de caractère qui servent le plus un leadership de bienveillance et plaisir au travail sont l’estime personnelle, l’intelligence émotionnelle, une bonne dose d’humilité, le désir de renoncer au pouvoir[1], le courage managérial, l’honnêteté et finalement l’amour et la passion envers les gens, les valeurs et la mission de l’organisation.[2] Le plaisir, l’humour et la bienveillance au travail sont une démarche sérieuse visant l’amélioration des conditions et du climat organisationnel. On ne rit pas avec le plaisir au boulot !
Le management par le plaisir est une responsabilité partagée entre manager et collaborateurs. C’est un travail d’équipe qui sous-tend cette capacité à exprimer des ressentis, des émotions face à des activités enrichissantes et valorisantes. Et c’est au manager de créer cet espace d’échanges et de discussion.
Sans négliger le professionnalisme, il est possible de planifier et favoriser le plaisir et l’humour dans nos milieux. L’humour au quotidien se traduit par ce souci d’exécuter son travail avec sérieux sans pour autant se prendre au sérieux. Qu’en est-il de ma crédibilité en tant que manager me direz-vous ? La crédibilité prend sa force dans la manière dont vous manager au quotidien. Le plaisir au travail quant à lui fait référence dans la manière dont vous vous sentez au boulot, ce qui est très différent. Donc, votre crédibilité ne sera pas entachée par ce « vent de fraîcheur » organisationnel. Créez ce mouvement dans votre organisation pour voir des résultats probants. Tout passe mieux avec une touche d’humour, même si vous avez un message difficile à transmettre.
Engagement vs fidélité
Auparavant perçu comme une forme de réussite sociale, le travail est devenu aujourd’hui un lieu d’épanouissement personnel. Ainsi, le bien-être et le bonheur au travail sont devenus des facteurs de motivation suffisamment importants pour les collaborateurs, qu’ils n’hésiteront pas à quitter une organisation dans laquelle leurs besoins seront ignorés. Cette problématique force la mise en place de solutions RH afin de rendre ces organisations heureuses.
Des collaborateurs peuvent être fidèles à l’organisation dont ils font partie sans toutefois y être engagés. L’engagement souligne le dynamisme, la proactivité, l’implication dans l’action, à la capacité de s’adapter dans un contexte en constante évolution.
Comme le souligne Laurence Vanhée[3], « un employé désengagé voir activement désengagé au travail – donc malheureux- a 3 fois plus de risque de subir une dépression, 6 fois plus de risque d’être mis en arrêt de travail pour maladie qu’un employé heureux. À l’opposé, un employé heureux possède 2 fois plus de chance d’être heureux également dans les autres aspects de sa vie. 70% des employés désengagés coûtent 300 milliards de dollars aux seules entreprises américaines, rien qu’en perte de productivité. »
Des collaborateurs heureux sont plus productifs
Le bonheur au travail fait-il partie de votre planification stratégique ? Ça pourrait être l’idée du siècle ! Des collaborateurs heureux sont nécessairement plus engagés, selon une enquête menée par le cabinet d’audit et conseil Deloitte et Cadremploi. Pour une majorité des Français, le bonheur au travail se traduit par la reconnaissance chez 76% des 1791 personnes interrogées. Le contenu du travail soit la variété des tâches, l’autonomie et les responsabilités comptent pour 47%. Tandis que 47% considèrent le mode de management comme facteur qui influence le bonheur au travail. Pas de doute, le bonheur au travail rime avec reconnaissance.
De l’autre côté de l’Atlantique, selon une récente étude de l’ordre des Conseillers en Ressources Humaines Agréés (CRHA), 50% des Québécois disent manquer de reconnaissance en regard de leur travail. Oublions les toboggans, la table de billard et les viennoiseries à l’heure de la pause. Ce qui rend heureux au boulot, c’est de bosser pour une organisation où vous vous sentez apprécié à juste titre pour vos compétences, votre expertise et votre personnalité. Lorsqu’on vous signifie que votre travail a de la valeur, que votre contribution fait une différence, qu’on remarque ce que vous faites de bien, vous serez enclin à en faire plus pour votre organisation ? La théorie du renforcement nous pousse à reproduire ce qui est reconnu et à l’intégrer dans nos pratiques quotidiennes. Ainsi, en tant que managers, célébrons les bons coups, félicitons les succès, soulignons les comportements positifs et récompensons les actions dynamiques. Des succès célébrés sont des investissements à haut rendement.
Comment insuffler chez vos employés le sentiment d’appartenance, l’engagement et la fidélité ? Développez une culture de reconnaissance certes, mais déployez une philosophie de plaisir au boulot. Maintenant, comment trouver les éléments qui favorisent le plaisir au travail outre la reconnaissance ? Simple, allez chercher les informations via des sondages, des entretiens individuels ou encore lors de journées dédiées à la réflexion, à des séminaires ou à du teambuilding.
Avoir une vision de marketing RH : le bonheur au travail
La fonction RH a subi de multiples transformations ses dix dernières années. Ce n’est plus seulement un rôle-conseil où l’on doit bâtir des procédures, des outils, des politiques encadrant une gestion saine de nos collaborateurs.
Le phénomène démographique, les retraites massives engendrent une compétition dans un marché de chercheurs d’emplois. Les organisations doivent se différencier, offrir ce petit plus que le concurrent n’offrira pas afin d’attirer une main-d’œuvre qualifiée et surtout la conserver. Pour ce faire, un courant de pensée est apparu où l’on jumelle les concepts de marketing et de ressources humaines. Serait-ce une nouvelle mission de la fonction RH ? Peut-être bien ! Bref, il faut créer un monde du travail auquel les gens veulent appartenir ! Il pourrait prendre la forme d’une opération séduction qui convie les entreprises à créer des offres d’emploi relookées, attrayantes comme le serait une pub, et ce, dans le but d’attirer les offres de service externes. Le concept s’élargit parallèlement à l’interne en retravaillant sa relation avec ses « cliemployés » par des pratiques RH novatrices et pétillantes afin de fidéliser ses collaborateurs.
L’humour en contexte professionnel
L’humour dans les milieux de travail permet aux employés d’accomplir leurs tâches dans un climat positif et détendu où existe cet espace de créativité qui facilite la résolution de problèmes. Il favorise les communications et fait naître le plaisir de travailler ensemble diminuant ainsi les conflits. Ce ne sont ici que quelques bienfaits de joindre l’utile à l’agréable. Il est généralement reconnu que les patrons qui utilisent l’humour sont davantage appréciés. Visitons de temps à autre ce côté plus loufoque en soi. Le but est de rire « avec l’autre » et non pas « de l’autre. »
Pourquoi pas, lorsque la situation s’y prête, changer le ton cassant d’un email. Voici un message que je me suis permis de faire parvenir alors qu’une collaboratrice avait perdu ses lunettes. Notons que nous œuvrons dans le domaine de la santé mentale. « Je suis présentement en intervention avec une paire de lunettes qui semble dans tous ses états parce que laissée « toute seule » dans le salon de pause pendant toute la nuit. J’utilise diverses stratégies pour venir à bout de son découragement mais en vain, souhaitant retrouver à tout prix son propriétaire. Alors si vous n’arrivez pas à lire ce message la solution se trouve probablement dans mon bureau. » La situation est devenue cocasse et a bien fait rire !
Dans le livre de David Autissier et Élodie Arnéguy intitulé, « Petit traité de l’humour au travail » nous aide à comprendre qu’il est possible de s’amuser au travail. Nul besoin d’attendre le vendredi soir pour s’éclater. Cependant, notons qu’il est préférable de doser notre humour au travail et d’user de bon jugement. Ce qui est perçu par une personne comme étant drôle peut être vécu tout autrement par une autre.
Trouvez des moyens d’illuminer la vie de vos collaborateurs
Profitez d’événements comme des journées thématiques (journée de la gentillesse, journée sans tabac, journée de la lenteur, la fête de l’Halloween, la St-Valentin, etc.) pour créer des occasions d’échanges ou encore des activités afin de promouvoir la reconnaissance, les liens interpersonnels, l’entraide et la solidarité. Profitez de l’automne pour créer une activité « colorée », ne serait-ce que de distribuer des pommes d’une manière originale. Utilisez une publicité qui moussera votre projet et faites-en un happening dans votre milieu. Il est possible de transformer une activité anodine en un spectacle. Il suffit souvent d’une dose de bon vouloir et d’imagination afin d’injecter un peu de « Woomff » pour rendre le milieu de travail agréable et convivial.
Soyez à l’affût des moindres signes de gentillesse ou de soutien dans notre milieu. Ainsi, relevons le moindre sourire, geste ou parole bienveillante, courriel de félicitations ou encore un petit mot d’encouragement. Ce sont des présents qui nous sont offerts et dont parfois nous ne considérons pas l’impact. Pourtant ils sont source de bonheur au quotidien dans nos milieux. Collectionnez-les dans un petit carnet à cet effet !
Et les casse-pieds qui grugent notre énergie, sapent notre moral et détériorent le climat… Les personnes les plus détestables sont en fait celles qui ont peut-être le plus besoin de rétroaction positive. Décelez un défaut et revoyez-le avec un filtre plus positif. Par exemple, une personne trop perfectionniste peut-elle être rigoureuse dans son travail ? Ou le collaborateur lent peut-il être réfléchi ? Vous comprenez le principe. Le bonheur au travail fait-il partie de votre plan de carrière ? Il incombe à chacun d’entre-nous de prendre la responsabilité et de faire le choix personnel d’être heureux au travail. Quand je quitte la maison pour le travail, il m’arrive fréquemment de me mettre dans un état d’esprit propice à débuter ma journée en étant top niveau. Vous pensez peut-être que je jette un coup d’œil à mon agenda, que je réponds à quelques courriels et que je passe en revue les tâches que j’aurai à accomplir. Afin de me mettre dans l’état d’esprit du travail, je libère mon cerveau en mettant sur papier ce qui me tracasse, je médite un peu. Pour la route, dans ma voiture je choisis des trames musicales plutôt jazzy qui me donnent envie de danser ! Inévitablement, en mettant le pied dans mon bureau, je déborde d’énergie, j’ai les neurones en folie et les idées explosent dans ma tête. Et vous, comment vous préparez-vous à votre journée de travail ?
Si le rire ne fait pas partie de votre description de tâches, eh bien ajoutez-le ! Albert Einstein disait : « La folie, c’est de faire toujours la même chose et de s’attendre à un résultat différent. » Osez faire les choses différemment, développer votre créativité, faites des choses inattendues, devenez un ambassadeur de plaisir au boulot et devenez un leader inspirant.
Conclusion
Osez donner une personnalité, une couleur à votre organisation. Osez une culture de « folie contrôlée » qui créerait cette effervescence tant recherchée dans les milieux de travail. Mettez du PEP dans votre environnement : activez le plaisir, suscitez l’enthousiasme et libérer les passions chez vos collaborateurs.
Écoutez-les, humanisez vos organisations, gérer avec votre cœur et user d’empathie. Voilà la nouvelle voie du management. N’oubliez pas ceci : les gens vont oublier ce que vous avez dit, ils vont oublier ce que vous avez fait, mais n’oublieront jamais comment ils se sont sentis en votre présence… Le cerveau émotionnel enregistre tout sous forme d’expérience.
Je vous laisse sur une parole de Bob Marley qui dit : « Ne vis pas pour que ta présence se remarque, mais pour que ton absence se ressente ! » Osez la différence pour viser l’excellence !
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