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Améliorer le présent sans hypothéquer l’avenir

le 06 février 2025
Améliorer le présent sans hypothéquer l’avenir
François Roger
François Roger

DRH de Renault Group

Le dialogue social est un puissant vecteur de transformation de l’organisation, explique François Roger, DRH de Renault Group. Il suppose des partenaires et des interlocuteurs de qualité et des échanges basés sur la transparence.

Quand il rejoint Renault Group en 2018 en tant que DRH Monde, François Roger revient de plusieurs années aux États-Unis. « Renault était ma première entreprise française en France », se souvient-il. Auparavant, il a évolué notamment dans les domaines des biens de consommation, de la santé, et ce, toujours dans des entreprises anglo-saxonnes. Le plus souvent dans des fonctions RH. « J’ai eu l’occasion d’explorer d’autres fonctions, mais je suis toujours revenu aux RH. C’est le métier que j’aime. »

Un métier, cependant, qui s’exerce dans des conditions très différentes outre-Atlantique. « La place du DRH y est plus centrale qu’en France. Il est consulté en amont de toutes les décisions importantes. En France, de manière globale, il arrive souvent un peu plus tard sur les projets. » Alors pourquoi avoir rejoint Renault Group ? « Parce que c’est une entreprise iconique, avec une histoire RH magnifique, en phase avec mes valeurs. »

LE DIALOGUE SOCIAL, COMPOSANTE CLÉ D’UNE POLITIQUE RH AMBITIEUSE

Pour François Roger, la fonction RH est avant tout « une fonction qui est là pour aider le business ». Il ne s’agit pas pour autant de « faire tout ce que le business nous demande de faire, mais plutôt de l’aider à prendre les meilleures décisions. Pour qu’une entreprise prospère durablement, il faut rechercher une formule gagnant-gagnant entre investisseurs, managers, salariés et clients ; et Renault Group a toujours fonctionné dans cet esprit ». Par ailleurs, « la fonction relation sociale est totalement intégrée à la fonction RH. Ce sont les deux faces de la même pièce ». Là encore, le contraste avec les pays anglo-saxons est saisissant : « dans la plupart des entreprises américaines, il n’y a pas de partenaires sociaux, et donc pas de dialogue social. Une entreprise américaine se transforme sans avoir besoin de discuter ; on explique le projet, mais on n’est pas tenu d’obtenir l’adhésion des salariés. Un DRH américain et son homologue français ou allemand ne font pas le même métier ».

En France, à l’inverse, le dialogue social est « l’un des composants majeurs de la politique RH ». Bien loin d’être un frein ou un facteur bloquant, il est, selon le DRH, ce qui a permis la transformation en profondeur de l’organisation du groupe au cours des dernières années.

DES PARTENAIRES DE HAUT NIVEAU

Tout repose, en définitive, sur une affaire d’hommes et de femmes, et d’attitude générale. « Nous avons la chance d’avoir des partenaires sociaux réformateurs, progressistes, de haut niveau, qui comprennent les besoins de la transformation et ne font pas de la politique dogmatique. Ce sont des gens intelligents, qui aiment l’entreprise, et avec qui nous pouvons trouver un chemin gagnant-gagnant pour préserver les emplois et la productivité. »

Le dialogue social est aussi l’un des principaux canaux par lesquels les préoccupations des salariés peuvent s’exprimer et trouver des réponses. Quelles sont ces attentes ? On retrouve, sans surprise, le pouvoir d’achat, la QVCT, la santé et sécurité au travail. L’enjeu est d’arriver, dans les réponses apportées, à « équilibrer les problématiques de court terme et de long terme, c’est-à-dire d’améliorer le présent sans hypothéquer l’avenir ».

UN VECTEUR DE TRANSFORMATION

Les accords d’entreprise permettent d’apporter des réponses à la fois pertinentes et évolutives. Sur le pouvoir d’achat, ce sont notamment les accords d’actionnariat salarié. Sur l’organisation du travail, c’est l’intégration de « la révolution du travail hybride. La crise sanitaire a d’ailleurs fait sauter un verrou psychologique sur la question ».

L’évolution rapide des métiers suscite aussi beaucoup d’inquiétudes, dont les partenaires sociaux se font l’écho. La formation est une réponse évidente, qui rencontre un succès considérable. « Nous avons créé ReKnow University pour cela, autour de 3 domaines : l’électrification, le software, le renouvelable. Nous attendions 15 000 salariés, il y en a eu plus de 20 000, et nous visons désormais plus de 30 000. L’objectif est de faire en sorte que personne ne soit laissé sur le bord de la route. Les formations ont été prises d’assaut ; nous n’avions pas anticipé un tel succès ! » Le dialogue avec les partenaires sociaux ne se limite pas au social : il s’étend aux questions économiques. Chez Renault Group, « il y a 4 représentants des salariés au board ; ils sont au courant de tous les grands enjeux du moment, comme la concurrence chinoise et les transformations du secteur. La réponse, c’est ensemble que nous la construisons ».

UN DIALOGUE GÉNÉRATEUR DE VALEUR AJOUTÉE

Bien sûr, il n’y a pas de modèle idéal. La complexité du cadre légal et réglementaire peut parfois freiner le dialogue social. « Nous avons besoin de règles, mais de règles claires, simples et précises. » Pour autant, « l’humain est très résilient, et avec un peu de bonne volonté, nous arrivons à nous entendre avec les partenaires sociaux, à gérer la complexité et à signer des accords ». Le cadre ralentit le travail mais ne le bloque pas.

En définitive, le dialogue social a-t-il un avenir ? « Des dogmes sont en train de tomber », estime François Roger. « Du côté des syndicats, il y a moins d’hostilité au monde de l’entreprise, et du côté des directions, il y a moins de craintes et plus de transparence. Plus nous irons dans cette direction, et plus nous produirons un dialogue social moderne, constructif et générateur de valeur ajoutée. » Pour cela, cependant, il faudra un minimum de stabilité dans les règles. « Nous prenons des décisions qui vont impacter l’entreprise pendant 5, 10 ou 15 ans. Et c’est là, toute la valeur ajoutée de la fonction RH et du dialogue social. »

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Crédit photo : Christophe Boulze



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