Salarié suspecté de vol au travail : que peut faire l’employeur ?
En cas de vols constatés dans l’entreprise, l’employeur a le droit de procéder à une enquête. Établir les responsabilités, entendre les salariés concernés : d’accord. Mais il y a des limites ! Que ce soit suite à un vol ou à tout autre fait susceptible d’être sanctionné.
L’employeur, s’il est informé de faits répréhensibles susceptibles d’être sanctionnés, peut mener une enquête interne et recueillir les explications des salariés concernés. Quelle est l’étendue de ses pouvoirs durant cette phase d’enquête ? Peut-il retenir le salarié suspecté dans ses locaux le temps de procéder à l’enquête ? La réponse est oui… mais cette phase doit être menée avec circonspection. En effet, l’employeur n’est pas un officier de police judiciaire et ne dispose pas des prérogatives attachées à ce statut ! Il ne peut notamment pas exercer une contrainte sur le salarié et le priver de sa liberté d’aller et venir.
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Vol au travail : Enquêter oui, séquestrer non !
La chambre criminelle de la Cour de cassation a eu l’occasion de statuer récemment sur ce type de situation : un salarié, suspecté d’avoir volé des marchandises, avait été retenu trois heures durant dans un bureau, le temps pour le directeur de l’entreprise et le DRH d’enquêter sur les faits reprochés. Durant ce laps de temps, qui se situait durant son temps de travail, le salarié avait été invité à ne pas bouger jusqu’à nouvel ordre, sans pour autant être enfermé à clé ni privé de moyens de communication avec l’extérieur.
Au final, cette enquête ne débouche sur rien de probant : le salarié est « relâché »… et s’en va directement porter plainte contre les deux dirigeants pour séquestration et violences volontaires. Ceux-ci sont condamnés sur ce fondement, avec une circonstance atténuante : la libération volontaire du salarié avant le septième jour de « séquestration » (C.pén., art. 224-1).
Selon les juges du fond, en plaçant le salarié dans un bureau et en lui demandant d’y rester, le directeur de l’entreprise avait exercé « une contrainte morale irrésistible » en faisant planer la menace d’un licenciement si le salarié cherchait à en sortir. Il avait également usurpé la qualité d’officier de police judiciaire en prenant à son égard une mesure comparable à de la garde à vue et en procédant à une enquête alors que les faits de vol reprochés ne pouvaient la justifier en l’absence de menace pour les droits des personnes et leur santé physique ou mentale et de danger grave et imminent.
L’employeur a parfaitement le droit de procéder à une enquête interne
Mais les dirigeants se pourvoient en cassation et obtiennent gain de cause : sans préciser en quoi et comment le salarié avait été privé de sa liberté d’aller et venir, alors que l’employeur informé de faits répréhensibles susceptibles de donner lieu à sanction disciplinaire, peut procéder à une enquête interne et recueillir les explications de ses salariés, les juges du fond n’ont pas justifié leur décision.
L’affaire est renvoyée devant une autre cour d’appel pour être réexaminée sur le fond. À suivre !