Recruter en temps partagé : comment faire ?
Recruter en temps partagé est moins simple qu’il ne paraît et nécessite une étude des offres du marché. Tour d’horizon sur le plan légal, puis sur l’aspect stratégique, pour organiser sereinement la mise à disposition de compétences.
Sommaire
Un cadre légal bien défini
Dans le cadre du travail partagé, la relation peut être :
- tripartite : vous-même, contrat commercial avec une structure « porteuse » et contrat de travail avec un salarié,
- bipartite : vous-même, contrat commercial avec un consultant, un cabinet
C’est alors que les différents statuts ou montages juridiques posent parfois question.
Dans le cas d’un recrutement en temps partagé pour un besoin ponctuel ou partiel, deux cas de figure sont possibles :
- le recrutement « en direct », salarié inscrit à l’effectif : vous souhaitez exercer un lien de subordination, votre besoin est définitivement quantifié, vous avez le budget et l’autorisation de recruter. Le recrutement par la formalisation d’un contrat de travail à temps partiel est la meilleure solution. Il vous faudra alors gérer la conformité du cadre légal du temps partiel.
- le recrutement » indirect », par un tiers, présence non inscrite à l’effectif : vous n’avez pas l’autorisation de recruter, la marge de manœuvre budgétaire est très limitée et, surtout, le besoin en compétence est pour le moment aléatoire ou temporaire. Le recrutement par un tiers avec une mise à disposition des compétences recherchées peut constituer la solution. Vous serez alors lié par un contrat commercial, un contrat de prestation.
Les principaux acteurs du temps partagé
Il existe 4 acteurs majeurs sur le marché du travail en temps partagé.
1) L’intérim
Historiquement, les sociétés privées d’intérim avaient le monopole de la mise à disposition de salariés. L’objet de cette activité à but lucratif est légalement de vendre les compétences d’autrui. A partir de 2005, le positionnement des sociétés d’intérim s’est diversifié vers des activités de recrutement et, aujourd’hui, l’activité du temps partagé pour certaines.
Cette « diversification » a permis d’assouplir la règle de monopole de l’activité d’intérim et de légaliser celle de portage salarial. La mise à disposition de compétences expertes (les SII sont souvent citées, mais elles ne sont pas les seules) se trouvait sous l’épée de Damoclès du délit dit « de marchandage ».
2) Le portage salarial
L’ordonnance du 1er avril 2015 réglemente désormais cette activité, qui se caractérise principalement par le fait que le salarié « apporte » sa mission à la société de portage.
Celle-ci se rémunère sur la matérialisation du lien en contrat commercial pour le client et la société de portage, et sur celle d’un contrat de travail entre la personne salariée et la société de portage.
Le code du travail réglemente aujourd’hui le cadre de ce statut « salarié porté » en instituant un seuil de salaire minimum, la possibilité de conclure un CDD, une représentation…
3) Le groupement d’employeurs
Il s’agit d’un organisme sous le régime de la loi de 1901 sur l’association. Cette activité à but non lucratif a pour objectif :
- de recruter pour les membres de l’association (employeurs)
- de partager les compétences des salariés du groupement entre les membres adhé
4) Le consultant indépendant ou salarié d’un cabinet
Le consultant exerce et offre ses compétences sous le statut d’une société commerciale (EURL, SASU… ) ou d’une société individuelle. Un contrat commercial signé entre les 2 parties détaille le champ et les modalités d’intervention.
Recruter en temps partagé pour quelle stratégie RH ?
L’option ne se résume pas seulement en option juridique entre contrat de travail ou contrat commercial, mais inclut d’autres aspects tout aussi importants à considérer :
1) Stratégie budgétaire, de flexibilité
Au niveau budgétaire, certaines des formules évoquées ci-dessus vous inscrivent dans une externalisation d’embauche sous statut salarié (intérim, portage, groupement d’employeurs). Ce choix d’organisation conduit à régler le coût du statut salarié et les frais liés à la structure supportant et gérant cette mise à disposition. S’ajoute une marge au coût facturé pour les organismes à but lucratif
Par ailleurs, la mise à disposition d’un régime salarié implique de considérer les conséquences financières liées au statut salarié choisi (absences, CP, frais de déplacement et de repas, accords collectifs, indemnités de rupture…). Ces risques doivent être provisionnés dans la simulation du budget.
Pour l’approche commerciale de la prestation fournie, la négociation s’établit plutôt sur un prix jour, suivant le marché de l’offre et de la demande et en fonction de l’expertise recherchée. Il faut noter que les éléments de coût (rémunération, marge..) sont intégrés dans une réflexion commerciale d’un prix jour recouvrant 50% de charges et 10 à 20% de frais de structure.
Le choix de telle ou telle option dépend en fait de votre besoin de flexibilité, de réactivité et du niveau d’accompagnement souhaité. En effet, le remplacement d’un salarié absent, une transition sur 6 mois, s’inscrit logiquement dans le régime du droit du travail.
La réflexion intervient pour des dispositifs plus longs, plus souples que le droit du travail, et notamment dans 2 situations :
- un projet ponctuel, ciblé, avec un besoin d’expertise : dans ce cadre, l’option de la prestation commerciale apparaît plus souple et flexible.
- un projet d’accompagnement plus stratégique de réorganisation, de gestion de l’imprévisibilité : dans cette hypothèse, l’option de la prestation commerciale avec un consultant indépendant ou un organisme de temps partagé s’avère plus opportune.
Le choix s’établira, selon moi, en fonction des conditions d’engagement à court, moyen et long terme. Il me semble plus facile et plus rapide de prévoir la clause de dénonciation (« rupture ») dans un contrat commercial que d’appliquer le droit du travail dans ce domaine.
Tout l’art du DRH sera de sécuriser le risque juridique de requalification de la prestation en contrat de travail, d’optimiser financièrement le montage choisi en lien avec la direction financière, garante de la Masse Salariale et de la ligne budgétaire « frais de personnel ».
2) Stratégie de développement, d’accompagnement
Depuis les années 90, le cadre juridique existe et pourtant le temps partagé peine à se développer. Est-ce dû à la protection, à la sacralisation du CDI ?
Depuis les crises de 2006, les réflexions de réorganisation engendrées par le business, et les politiques d’emploi ramènent à cet outil de flexibilité qu’est le temps partagé. De fait, le cadre légal est en place avec ses différentes options, les compétences sont à disposition sur le marché de l’emploi et… les mentalités sont prêtes.
Pourtant, on observe actuellement que le discours sur le temps partagé est souvent présenté comme une opportunité de réinsertion pour certains salariés. La communication est à mon sens essentiellement orientée sur la politique de l’emploi. N’oublions pas qu’il s’agit aussi d’un outil de pilotage, d’un dispositif légal du code du travail et/ou du code du commerce qui devrait être intégré dans votre réflexion stratégique RH.
Qui n’a rêvé avoir la bonne compétence, au bon moment, au bon endroit, au juste coût du problème à résoudre ?
En guise de conclusion, permettez-moi de vous livrer un aperçu de mes propres pratiques. J’utilise tous les dispositifs de recrutement existant en adéquation avec le besoin exprimé. J’intègre également ces différentes possibilités juridiques comme dispositifs d’accompagnement du changement au sein des structures pour lesquelles je travaille. Il s’agit de trouver le bon équilibre entre les solutions existantes et de démontrer leur ROI.
Crédit photo : © Piotr Marcinski – Fotolia.com
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