Présentéisme : 25 % des Français pratiquent le désengagement invisible
Qualifié de « trait culturel » par certains observateurs étrangers stupéfaits d’un tel phénomène, le taux de présentéisme serait le double du taux d’absentéisme dans les organisations, selon une évaluation du cabinet Midori Consulting. Alors, pourquoi les collaborateurs sont-ils si nombreux à le pratiquer ? Est-ce simplement « pour faire bonne impression » ? Les racines du présentéisme sont-elles plus profondes ? La plateforme de recrutement Glassdoor a interrogé près de 800 salariés pour mieux comprendre cette pratique et tenter d’en mesurer l’évolution. Synthèse en une infographie.
Sommaire
1 – Le présentéisme est lié à l’image professionnelle que l’on renvoie
Si l’on en doutait encore, l’enquête de Glassdoor met définitivement les points sur les i : tous les arguments mis en avant par les répondants pour « justifier » leur présentéisme tournent autour de la façon dont leur entourage professionnel pourrait percevoir un temps de présence réduit dans l’entreprise. Ainsi :
- 1 personne interrogée sur 4 admet être déjà restée au bureau sans être efficace, juste pour être bien vue ;
- 30 % d’entre elles pensent qu’il est mal vu de quitter le bureau avant 18h ;
- 1 répondant sur 4 se sent gêné d’arriver au bureau en dernier.
Si de longues heures passées dans l’entreprise semblent témoigner, pour les salariés, d’un haut niveau de motivation et/ou d’engagement, ces derniers sont en réalité directement affectés par une présence qui n’a pas de sens. Il en résulte une baisse de l’efficacité professionnelle individuelle et collective, qui génère une baisse de la productivité. On note en parallèle des répercussions sur l’état de santé des « adeptes » – ou victimes ? – du présentéisme. Ce phénomène s’avère donc coûteux pour les organisations à tous égards.
À noter : le présentéisme envisagé dans cette enquête est de nature passive – les collaborateurs se contentent de faire acte de présence. D’ailleurs, 1 répondant sur 5 déclare avec honnêteté réaliser des tâches personnelles pour faire passer le temps au bureau. Mais il existe aussi un présentéisme lié à un sur-engagement (lequel conduit à multiplier les heures supplémentaires, notamment) ainsi qu’un sur-présentéisme, des collaborateurs malades renonçant à leur arrêt de travail.
2 – Le présentéisme plonge ses racines dans notre culture managériale
Constater un phénomène est une chose. Tenter d’en déterminer l’origine, en est une autre. De multiples facteurs semblent intervenir :
- Du côté des organisations => une culture d’entreprise fondée sur le contrôle et la compétition, le temps passé au bureau apparaissant comme le seul outil d’évaluation de l’engagement des salariés ;
La planification de réunions en fin de journée favorise également la pratique du présentéisme. Tout comme l’envoi de mails très tôt ou très tard dans la journée.
- Du côté des managers => un mode de management requérant « d’avoir ses collaborateurs sous la main », la qualité du travail réalisé étant mesurée au regard des heures de travail en poste ;
Une charge de travail inadaptée ou la valorisation des « bosseurs » entretiennent aussi ce phénomène.
- Du côté des collaborateurs => des remarques acerbes à l’égard de collègues de travail arrivant plus tard que la moyenne, le matin, ou partant plus tôt le soir, ainsi qu’un surinvestissement lié au perfectionnisme, à titre personnel.
Chaque acteur de l’entreprise a un rôle à jouer. Sachant que, selon Marie Mure-Ravaud, experte de la Communauté Glassdoor en France, la culture d’entreprise d’une majorité d’organisations françaises ainsi que leur culture managériale ont jusqu’à présent valorisé le présentéisme. En Allemagne ou au Danemark, c’est totalement différent.
3 – Télétravail ou semaine de 4 jours, et si les salariés français se libéraient du joug des horaires ?
Plébiscité par ceux qui en bénéficient, le télétravail tient le haut de l’affiche RH en cette période de grève des transports. Les répondants à l’enquête Glassdoor souhaitent visiblement le pratiquer davantage puisqu’ils sont 27 % à considérer qu’ils seraient plus efficaces s’ils adoptaient ce mode d’organisation. D’autres études mettent en évidence une hausse de la productivité des télétravailleurs. Deux éléments de réflexion néanmoins :
- 16 % des personnes interrogées par Glassdoor estiment qu’il est important d’être à son poste pour être vu par son manager ;
- L’amplitude horaire des collaborateurs travaillant à distance est généralement supérieure à celle de leurs collègues in situ.
L’enquête Glassdoor révèle une autre aspiration des collaborateurs français. 28 % des répondants considèrent en effet qu’ils seraient plus efficaces en ne travaillant que 4 jours par semaine ! Une surprise au « pays des 35 heures », très appréciées à titre individuel mais décriées pour la désorganisation qu’elles ont pu générer dans certains secteurs d’activités (l’hôpital, entre autres) ?
La semaine de 4 jours n’est pourtant pas une nouveauté. En juin 1996, la loi Robien sur l’aménagement du temps de travail, co-rédigée par l’économiste et homme politique Pierre Larrouturou, est votée. Ce dispositif de temps de travail partagé (et non de réduction du temps de travail) est défini au niveau de chaque organisation par le biais du dialogue social. Les organisations et la société dans son ensemble s’accorderont-elles pour l’expérimenter plus largement ? Mise en œuvre dans plus de 400 entreprises, la semaine de 4 jours permet une baisse de l’absentéisme, outre les emplois induits.