Le service client est un bon point de départ pour l’IA dans la paie

Marc Heurtaut est le Directeur technique de Silae.
Pour Marc Heurtaut, Directeur technique de Silae, l’IA peut nettement renforcer l’efficacité des professionnels des RH, notamment en paie. Cependant, trois défis majeurs se dressent sur sa route : l’instabilité des données, l’exigence d’une fiabilité absolue et la sensibilité des informations traitées. Pour avancer sans risque, il plaide pour une approche progressive, centrée sur des cas d’usage concrets et à forte valeur, avec une priorité donnée à l’humain. Le service client, selon lui, constitue un bon point de départ. Retrouvez cette interview et bien plus encore dans le 1er Baromètre national de l’IA appliquée aux RH.
Sommaire
L’IA est-elle risquée pour la confidentialité des données RH ?
La question de la confidentialité des données ne date pas de l’arrivée de l’IA. Les acteurs du secteur y sont déjà sensibilisés depuis longtemps. Nous n’avons pas attendu l’irruption de l’intelligence artificielle pour assumer nos responsabilités en matière de gouvernance des données, de sécurité et d’anonymisation.
Ce qui est nouveau, c’est que l’IA permet désormais de centraliser l’ensemble des workflows RH et des flux de données provenant d’outils et de formats très hétérogènes. La collecte, la qualification, la vérification et le reformatage des données constituent des tâches particulièrement chronophages, pouvant mobiliser entre cinq et sept jours par mois. L’IA peut, sous cet angle, améliorer considérablement l’efficacité des professionnels des ressources humaines. C’est un axe de travail sur lequel nous sommes d’ores et déjà mobilisés.
Pour réussir, l’IA doit cependant affronter trois défis. Le premier est l’instabilité de la donnée dans le domaine de la paie. Depuis 2016, près de 35 000 évolutions légales et réglementaires ont impacté la production de paie… Or l’IA n’est pas encore totalement adaptée à un environnement en évolution permanente.
Le deuxième défi est précisément le fait que dans la paie, nous n’avons pas le droit à l’erreur ! Les inexactitudes peuvent avoir des conséquences RH ou légales considérables !
Le troisième défi, enfin : la sensibilité des données traitées en paie – même si, en Europe, nous sommes davantage acculturés à cette question.
Que faut-il faire selon vous pour maîtriser ces risques ?
Il faut privilégier une approche ciblée, progressive, fonctionnelle, qui se focalise sur des cas d’usage à fort impact et place l’humain au cœur du processus. Le service client est une bonne entrée dans la démarche : c’est l’une des premières applications que nous avons développées. Cela a été l’occasion de construire des bases de données très qualifiées à partir des données clients anonymisées, et d’y entraîner l’IA. Aujourd’hui, celle-ci traite de bout en bout 10 % des questions des clients, trois mois après son déploiement.
Au-delà de cet usage, l’IA peut intégrer l’ensemble des produits de gestion RH via un modèle conversationnel qui répond aux questions techniques des utilisateurs. Elle peut aussi permettre d’interroger beaucoup plus facilement la donnée de paie. Avec, à terme, la possibilité d’anticiper les besoins en RH et de faire de l’analyse prédictive.
En revanche, pour ce qui est du contrôle qualité de la paie, les perspectives sont un peu plus lointaines. La paie est un domaine complexe et changeant : nous intégrons 900 conventions collectives, avec des règles multiples qui ne sont pas toujours faciles à appliquer. L’IA telle qu’elle existe aujourd’hui n’est pas encore assez fiable sur ces sujets. Il manque encore des briques techniques à mettre au point pour développer cet aspect.
Le jeu en vaut-il la chandelle ?
Oui, nous sommes convaincus que l’IA constitue un vecteur de valeur ajoutée pour la chaîne RH et paie, y compris pour les TPE-PME et les experts-comptables, qui sont nos clients historiques. Pour autant, son intégration doit se faire de manière ciblée et réfléchie, en s’appuyant sur l’analyse des usages réels des utilisateurs, dans une recherche d’efficience.