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Discriminations invisibles au travail : et si on arrêtait de fermer les yeux ?

le 21 mars 2025
Discriminations invisibles au travail : et si on arrêtait de fermer les yeux ?

Le marché du travail de 2025 se veut plus inclusif… du moins en théorie. En réalité, derrière les discours et les politiques de diversité, les discriminations persistent, souvent masquées par des biais inconscients bien ancrés. Et si certaines formes de discrimination sont bien identifiées et combattues (sexe, âge, handicap, origine, etc.), d’autres, plus discrètes, quasiment invisibles, continuent leur chemin. Du « pretty privilege », à la discrimination capillaire, en passant par la grossophobie, la glottophobie ou le handicap invisible… Autant de critères qui, bien qu’illégitimes, influencent encore l’embauche et l’évolution professionnelle. Comment la fonction RH peut-elle enfin dire stop à ces discriminations « invisibles » ? Décryptage et solutions concrètes.

Encore des discriminations au travail en 2025… vraiment ? 

Sans trop de suspens : oui. En début de semaine, d’ailleurs, Thomas Chardin, dirigeant fondateur de Parlons RH mettait en garde contre la vague de recul sur les questions de diversité et d’inclusion outre-Atlantique, dans un édito engagé.

Tandis que depuis quelques années les initiatives et les discours en faveur de l’inclusion et de la diversité fleurissent sur le marché du travail français, les chiffres, eux, restent assez ternes. En 2021, déjà, une étude de l’Ifop nous apprenait que les discriminations à l’embauche avaient doublé en l’espace de 10 ans, passant de 12 à 21 %. Depuis, pas de changements majeurs : les discriminations vont bon train sur le marché de l’emploi. 48 % des actifs français craignent d’ailleurs d’être discriminés au travail, et notamment à l’embauche. Parmi les profils les plus exposés, on retrouve : les femmes, les personnes issues de l’immigration, les minorités sexuelles ou de genre, les personnes en situation de handicap ou porteuses d’une maladie chronique, mais aussi les seniors – comme nous l’apprend le dernier baromètre sur la perception des discriminations dans l’emploi, réalisé chaque année par le Défenseur des droits. 

Toutefois, d’autres types de discriminations – plus discrètes, presque « invisibles » – déferlent sur le marché du travail et dans les processus de recrutement, au point d’entacher la carrière et le bien-être des salariés qui en sont victimes. 

Discriminés au premier regard : le poids de l’apparence physique dans l’évolution professionnelle

Le « beauty privilege », ça vous dit quelque chose ? Loin des critères objectifs de recrutement tels que les compétences ou l’expérience du candidat, l’apparence physique reste un facteur de discrimination majeur dans le monde du travail. Le « lookisme », terme assez méconnu du grand public, désigne cette tendance à juger (et à discriminer) un individu en fonction de son apparence. Un phénomène insidieux, car souvent banalisé, qui peut pourtant impacter profondément la carrière de ceux qui ne correspondent pas aux « standards de beauté » dominants. En effet, le lookisme favorise la réussite professionnelle des personnes perçues comme étant « attractives ». Selon le Défenseur des droits, ces dernières percevraient même un salaire 12 % plus élevé que les autres. C’est donc ça, le « pretty privilege ». Le problème, c’est que plusieurs formes de discriminations en découlent : 

  • la « grossophobie » : les discriminations envers les personnes en surpoids ou obèses sont parmi les plus courantes et les plus taboues. Dans le monde professionnel, elles se traduisent par des stéréotypes négatifs associés au poids : manque de discipline, paresse, mauvaise santé ou manque de dynamisme. Ces préjugés peuvent freiner l’accès à l’emploi, mais aussi nuire à l’évolution de carrière, avec des promotions ou opportunités professionnelles moins nombreuses pour les personnes concernées. En effet, une femme obèse a huit fois moins de chance d’être recrutée, toujours selon le Défenseur des droits.
  • la discrimination capillaire : bien que les cheveux fassent partie intégrante de l’identité d’une personne, leur apparence peut encore être un facteur de discrimination en entreprise. Certaines coiffures, notamment celles associées à des cultures ou des styles spécifiques (cheveux texturés, dreadlocks, etc), mais pas que – les hommes portants les cheveux longs ou présentant une calvitie peuvent aussi être concernés – sont parfois perçus comme des freins dans l’accès à l’embauche ou dans l’évolution professionnelle. Aux États-Unis, des lois anti-discrimination capillaire (CROWN Act) émergent dans plusieurs états pour lutter contre ces pratiques. En France, bien que le sujet soit moins médiatisé, il reste une réalité pour de nombreux travailleurs.
  • les tatouages, piercings et le style vestimentaire : autrefois considérés comme des signes de marginalité, les tatouages et piercings se sont largement démocratisés. Pourtant, dans certains secteurs (banque, hôtellerie, commerce, fonction publique), ils restent mal perçus. Certains employeurs imposent encore des restrictions sur l’apparence des salariés, exigeant que les tatouages soient cachés ou que les piercings soient retirés. De même pour le style vestimentaire, également source de discriminations « invisibles ». Les femmes sont particulièrement concernées, avec des injonctions contradictoires : être “professionnelle” sans être “trop stricte”, féminine sans être “trop sexy”. Dans certains cas, des remarques sur la tenue vestimentaire peuvent dégénérer en micro-agressions sexistes. 

Accent, handicap invisible et âgisme : d’autres discriminations tout aussi présentes

Au-delà de l’apparence physique, d’autres types de discriminations viennent entacher la carrière des salariés. Ces dernières sont bien souvent liées à des stéréotypes et des biais inconscients, ancrés depuis longtemps dans notre société. En voici quelques-uns : 

  • la « glottophobie » : peut-être le saviez-vous, il s’agit des discriminations liées à la manière de parler et aux accents, régionaux ou étrangers. En 2020, une étude de l’Ifop révélait que 11 millions de personnes dans le monde déclaraient avoir déjà été victimes de discriminations parce qu’elles parlaient avec un accent. Pourtant, la loi française reste encore très timide sur le sujet.
  • les handicaps invisibles : troubles dys, maladies chroniques, troubles anxieux, endométriose… Tous ces handicaps qui ne se voient pas sont encore trop souvent ignorés en entreprise. De peur d’être perçus comme “moins performants” ou de voir leur carrière freinée, beaucoup de salariés choisissent de ne pas se déclarer. Résultat ? un quotidien parfois éreintant, sans aménagement ni adaptation de poste.
  • l’âgisme : il s’agit de toutes les formes de discriminations et de stéréotypes existants liés à l’âge d’un individu. Trop jeune, on est jugé “pas assez expérimenté”. Trop vieux, on devient soudainement “moins adaptable”. La discrimination liée à l’âge pénalise autant les jeunes actifs, freinés par un manque de crédibilité, que les seniors, souvent mis de côté dès 50 ans sous prétexte qu’ils coûteraient plus cher ou seraient moins flexibles.

Professionnels des RH : à vous de jouer pour en finir avec ces discriminations « invisibles »

La fonction RH, parce qu’elle porte la politique d’inclusion et de diversité, a effectivement une (voire plusieurs !) carte à jouer pour limiter les discriminations lors des processus de recrutement, mais également au-delà. Objectif : garantir l’égalité des chances à tous les collaborateurs de l’entreprise. La rédaction de Parlons RH vous livre plusieurs pistes d’actions concrètes à mettre en place dès à présent. 

  1. Former à la détection des biais inconscients

Soyons honnêtes : on a beau prôner l’objectivité, personne n’est immunisé contre les biais inconscients. Le problème ? Ces biais peuvent prendre le pas sur l’impartialité et influencent fortement le recrutement, l’évaluation des performances ou encore les décisions de promotion. Pour s’en débarrasser, encore faut-il avoir conscience qu’ils existent. Plusieurs solutions permettent de les détecter et de les limiter : 

  • déployer, dès l’onboarding, une formation sur les biais inconscients spécifique aux managers et professionnels des RH ; 
  • mais aussi former et sensibiliser l’ensemble des collaborateurs pour leur permettre de reconnaître et de déjouer facilement leurs biais inconscients ; 
  • repenser les processus de recrutement en optant pour des méthodes plus modernes et moins discriminantes (CV anonymes, grilles d’évaluation standardisées, recrutement axé sur les compétences, etc.). 

De plus, certains tests – dont le test d’Harvard sur les associations implicites – sont accessibles par tous en ligne et permettent en quelques minutes d’identifier ses propres biais. En tant que professionnels des ressources humaines, vous pouvez les proposer aux collaborateurs afin de lutter contre les biais à l’échelle de l’entreprise.

  1. Sensibiliser et encourager la diversité sous toutes ses formes

L’inclusion et la diversité ne doivent pas simplement être mentionnées dans les valeurs de l’entreprise pour attirer de nouveaux talents. Elles doivent s’incarner, et se ressentir, au quotidien. Exit donc la « poudre aux yeux », place aux initiatives concrètes ! Par exemple, vous pouvez mettre en place des indicateurs de diversité et suivre leur évolution : répartition hommes/femmes dans les postes à responsabilités, proportion de profils issus de différentes minorités, etc. Autre solution pour sensibiliser à la diversité au sein de l’organisation : valoriser les différences grâce notamment à des rôles modèles. Ces derniers permettent d’incarner la réussite au-delà des stéréotypes et de démontrer, par l’exemple, que le talent n’a pas de genre, d’origine, d’âge ni de physique type. Comment ? En mettant en lumière certains collaborateurs à travers des témoignages partagés dans la newsletter interne ; en intégrant des profils variés aux figures de leadership ; etc. 

À noter, également, que le plus grand atout de la diversité, c’est sa richesse. Il est important que les collaborateurs comprennent qu’ils ont tant à apprendre les uns des autres. Pour les y aider, vous pouvez organiser des ateliers de sensibilisation ou encore lancer des programmes de mentorat inter-équipes.

  1. Libérer la parole autour des discriminations invisibles

Un sujet dont on ne parle pas est-il vraiment un sujet qui n’existe pas ? Spoiler alerte : non. Les discriminations invisibles, par leur nature discrète et insidieuse, sont rarement signalées par les victimes. Il est donc essentiel de créer un cadre où chacun peut s’exprimer sans crainte. Comment ? En instaurant des cellules d’écoute et de médiation accessibles à tous ; en mettant en place des ateliers ou groupes de travail durant lesquels les salariés, collectivement, pourraient travailler sur les discriminations moins visibles ; mais aussi en permettant aux collaborateurs de signaler – de manière anonyme s’ils le souhaitent – les discriminations dont ils sont victimes. 

Et si, en 2025, on en finissait pour de bon avec les discriminations au travail ? Est-ce vraiment si utopique d’imaginer un monde où les salariés seraient recrutés pour leurs talents, leurs compétences, leurs valeurs, ou leur personnalité, plutôt que pour leur apparence physique, leur couleur de peau ou leur orientation sexuelle ? On vous laisse en juger. 


Crédit photo : @Roman Samborsky



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