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Compétences et leadership : la révolution RH 4.0

le 08 février 2018
Compétences et leadership : la révolution 4.0

Le WEF de Davos s’est déroulé du 22 au 26 janvier dernier. Le renouvellement des compétences et l’évolution du leadership figurent parmi les sujets phares explorés par les 3 000 leaders politiques et économiques y ayant participé. Comment permettre aux organisations de mener une politique de GPEC réellement anticipatrice ? Aider les collaborateurs à enrichir leurs compétences en continu ? Les enjeux de l’industrie 4.0 impliquent-ils un nouveau type de leadership ? Autre exploration utile : les solutions mises en œuvre par de grandes firmes du secteur RH – comme ManpowerGroup – pour accompagner les organisations dans cette aventure passionnante mais à haut risque !

Des millions d’emplois impactés par les nouvelles technologies d’ici 2026

Une étude réalisée par le WEF en amont du sommet de Davos, évalue le nombre d’emplois affectés à 1,4 M uniquement aux États-Unis. Une reconfiguration profonde des organisations et des emplois s’amorce. Ainsi, en 2020, 30 % des revenus industriels seront issus de nouveaux business model [1]. À la même date, plus d’un tiers des compétences recherchées dans de nombreux métiers ne correspondront plus à celles que l’on considère actuellement comme cruciales, et certaines n’existent pas encore !

Or ce que l’on peut qualifier de « fracture » des laissés-pour-compte de la mondialisation a déjà alimenté le Brexit, l’élection de Donald Trump et la montée du populisme en Europe.

Pour Alain Roumilhac, PDG de ManpowerGroup France, les nouvelles vagues du numérique – en particulier l’intelligence artificielle – pourraient accentuer le fossé entre les individus « disposant des compétences, et les autres. Les premiers navigueront dans ce nouveau monde et s’adapteront quand les seconds risquent de s’éloigner de plus en plus de l’emploi ».

Dès lors, comment construire un futur partagé [2] ?

La définition du leadership comme étant « créateur de performance en utilisant les leviers du vivant » (Laurence Baranski, coach de dirigeants, auteure de l’ouvrage Le manager éclairé aux éditions Eyrolles), offre des pistes de réflexion.

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La révolution des compétences : une transformation permanente [3]

L’étude du WEF précédemment évoquée pointe une perspective encourageante : moyennant une formation adéquate, 95 % des salariés directement impactés par la disparition ou la transformation de leurs métiers, exerceront de nouveau un emploi qui leur convient.

Positif également, le fait que les directions RH et les dirigeants envisagent une augmentation globale du capital humain dans leurs organisations – à court terme. Les différentes fonctions de l’entreprise étant plus ou moins impactées, d’après l’étude Robot need not apply : Human Solutions for the Skills Revolution de ManpowerGroup : les RH devraient rester stables alors que la fabrication et la production (+ 5 %), les services aux consommateurs (+ 6%), l’IT (+ 9 %), verraient leur main-d’œuvre augmenter.

Un autre élément doit être pris en compte : environ 30 % des compétences des collaborateurs deviennent obsolètes tous les 4 ans.

Alors, comment répondre à cette transformation permanente ?

La complémentarité des compétences et le rôle décisif des soft skills

Alain Roumilhac insiste sur les investissements massifs que devront faire les entreprises en matière de formation et sur l’évolution de son propre groupe, passé d’une logique de « contrat ponctuel avec ses clients et ses intérimaires » à une logique de développement des compétences des seconds.

« En 2017, ManpowerGroup France a formé 50 000 personnes tout en signant 8 000 CDI intérimaires depuis deux ans. Or, lorsque ces intérimaires ne sont pas en mission, ils sont rémunérés par le groupe, qui leur permet également d’enrichir leurs compétences durant ces périodes ».

Autres évolutions à prévoir en matière de formations :

  • leur déploiement – en blended learning (un mix entre formation présentielle et formation digitale à distance) ;
  • l’ingénierie pédagogique – avec le recours à différents supports dont la vidéo et à la gamification (entre autres) ;
  • leur objectif, plus opérationnel et incluant largement l’expérience.

Ces actions de formation concerneront les managers et les collaborateurs tout au long de leur parcours professionnel. Elles contribueront à affiner la cartographie régulière des compétences, désormais indispensable pour les entreprises.

Outre ces aspects, l’industrie 4.0 induit une division novatrice du travail, « cognitive » et fondée sur la complémentarité des compétences. Les leaders et les salariés travaillent de plus en plus en collaboration ou en réseau. Alain Roumilhac met l’accent sur les dimensions d’innovation et de service, indispensables pour les organisations à l’ère digitale.

Dans un tel contexte, les soft skills (compétences humaines, émotionnelles et cognitives, ou compétences transverses) deviennent stratégiques en tant que vecteurs de sociabilité, d’adaptation à des environnements variés ou de coopération positive. Les neurosciences révèlent d’ailleurs le rôle décisif de l’intelligence émotionnelle dans la prise de décisions [4].

Les enjeux du leadership digital

Pour mener cette révolution des compétences, le rôle des leaders sera décisif. Pourtant, selon Moisés Naím, membre émérite de la Fondation Carnegie pour la paix internationale, la mondialisation et les transformations technologiques affaiblissent le pouvoir des décideurs.

À la croisée des enjeux technologiques, stratégiques et humains, la position du leader est effectivement délicate. Entre des collaborateurs qui n’acceptent plus de « subir » un leadership mal dimensionné et des équipes autonomes (équipes projet mais aussi instantanées, pour répondre à des problématiques spécifiques), il exerce davantage un pouvoir d’influence qu’un pouvoir de contrôle. Et s’interroge : à Hong Kong, la société de Private Equity Deep Knowledge Ventures a nommé une machine algorithmique apprenante comme 6e membre de son conseil d’administration. Simple effet buzz ou lame de fond ?

Pour les leaders 4.0 se pose la question des compétences à développer et/ou conserver.

Alain Roumilhac estime qu’ils doivent avant tout « s’acculturer du point de vue digital, pour comprendre les opportunités offertes par la technologie – notamment l’IA – et la stratégie mise en œuvre à cet égard par leurs concurrents ». Ils doivent également identifier « les moteurs qui permettent de développer un environnement digital porteur ». Cela nécessite :

  • de donner du sens ;
  • d’apprendre à travailler de façon transversale ;
  • de favoriser une parole plus libérée et l’émergence d’un maximum d’idées pour nourrir l’intelligence collective ;
  • d’accompagner le développement des potentiels ;
  • d’inclure toutes les générations.

Tout cela dans un environnement complexe où les leaders ne disposent pas du droit à l’erreur !

D’où la nécessité d’accompagner les organisations dans l’identification de ce nouveau leadership digital. Présentée en avant-première à Davos, la nouvelle version de la Digital Room d’Experis (la marque de ManpowerGroup dédiée au recrutement des cadres dirigeants) poursuit cet objectif. Via l’avatar Zara (doté d’intelligence artificielle) ou le test du DigiQuotient, elle permet d’évaluer la compréhension des concepts digitaux du candidat, son autonomie, sa capacité de prise de décisions, son self-control et son ouverture au changement.

Un leadership digital avec l’humain au coeur

Une autre urgence se fait jour. Dominique Boullier, sociologue, chercheur senior au Digital Humanities Institute à l’École Polytechnique Fédérale de Lausanne, estime en effet que « la plupart des décisions prises actuellement sont dictées par l’anxiété et une forme de techno-putsch ».

Or l’une des dimensions du leadership implique « d’être capable de se projeter, [en tournant le dos] au suivisme ». Les leaders, notamment européens, doivent retrouver la confiance. Être fiers de leur humanité. À l’ère technologique, ce sont les facultés spécifiquement humaines qui apportent la plus grande valeur ajoutée. Paradoxalement ?

À l’instar de la transformation digitale, dynamique par nature, le leadership évolue en fonction de son environnement, des attentes des équipes et de la conjoncture. Si « apprendre à apprendre » a de fortes chances d’être la compétence décisive des années 2020, cela s’applique tout autant aux leaders – directions RH incluses – qu’à l’ensemble des collaborateurs.

[1] Disruptive Trends That Will Transform the Auto Industry, McKinsey & Company (2016).

[2] Le thème de Davos en 2018 était : Creating a shared future in a fractured world.

[3] La formule est de Jean-François Pilliard, membre du CESE (Conseil économique, social et environnemental) et ancien vice-président du MEDEF.

[4] Les personnes ayant des lésions voire des microlésions entre le cortex préfrontal et le système limbique (le centre des émotions), ne peuvent plus prendre de décisions.

Crédit photo : Shutterstock/stockpics 



cabinet de recrutement cadre dirigeant2018-02-09 10:36:56
Merci pour cet article très intéressant, qui met en lumière les différents enjeux RH relatifs à l'évolution des technologies. J'ai trouvé particulièrement pertinente la partie concernant les leaders - qui devront être capables de gérer les changements dus au digital et les inquiétudes des équipes.
Lydie LACROIX2018-02-09 10:46:46
Bonjour, Merci également pour ce commentaire. Au plaisir de vous retrouver prochainement sur notre blog ☺

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