Bureaustalgie, passé et futur du poste de travail
Quelle est la place du bureau, du poste de travail dans la symbolique, la réalité et l’imaginaire des entreprises ? Sur le plan symbolique, le bureau était un marqueur de statut : avoir un bureau individuel, vous classait dans les cadres plus ou moins supérieurs selon sa surface. S’il comportait une table de réunion, vous étiez un cadre important…
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La disparition progressive du poste de travail traditionnel
Au marqueur de statut s’ajoutait l’appropriation de l’espace par des éléments personnels, photos de famille, livres, qui permettaient d’humaniser l’espace et de passer des messages aux visiteurs.
Le passage au bureau partagé s’inscrit dans une volonté symbolique inverse de mettre fin à ces privilèges. Il affirme une volonté d’égalitarisme, de décloisonnement, de travail en équipe, mais plus discrètement de surveillance, on repère plus facilement le rêveur dans ce type de disposition.
Avec le Flex-office on passe à une étape symbolique supplémentaire. Après la promiscuité du bureau partagé, on arrive à une dépossession plus complète puisque personne n’a d’espace réservé, ni d’ailleurs de voisins stables de bureau.
Symboliquement toujours le télétravail, amplifié par la Covid, est venu apporter une dernière pelletée de terre sur la tombe du poste de travail traditionnel. Désormais le bureau, c’est chez soi, dans une pièce dédiée, retour au bon vieux temps, si on a cette chance, dans le salon avec les enfants si on en a moins.
À quelles réalités correspondent ces fonctions symboliques ?
Le poste de travail a un coût non négligeable. Selon une étude de l’ARSEG (association des responsables des services généraux), en 2019, le coût moyen annuel par poste est de 13 566€. Le développement du Télétravail lié à la Covid a créé le prétexte et accéléré son processus de réduction.
Si le télétravail est apparu au départ comme une agréable parenthèse pour beaucoup, permettant pour les plus chanceux de s’installer à la campagne ou de réduire le temps passé dans les transports, l’enthousiasme a décru par la suite. Après la fin du premier confinement de 2020, le taux global de télétravail était presque revenu à ce qu’il était avant.
S’il n’y a pas donc d’enthousiasme, il faut aussi s’interroger sur le coût indirect du télétravail qui se mesure en termes d’absentéisme, d’arrêt de travail de longue durée pour des raisons de fragilité psychologique, de baisse de motivation, de perte de dynamique d’équipe. Le télétravail semble une bonne solution quand il est partiel ou provisoire, mais rien ne démontre qu’il peut être une solution pertinente sur le long terme.
Imaginaire : de quel bureau idéal rêvent les salariés ?
Avec la fin de la pandémie, verra-t-on une aspiration incompressible à un retour au présentiel qui balaierait les intentions de certaines entreprises de maintenir le télétravail ? Les salariés qui auront pu goûter aux charmes du bureau individuel chez eux, reviendront-ils de bonne grâce dans des bureaux partagés, des Flex-office ? Comment recréer une nouvelle dynamique avec un retour au présentiel partiel ou complet ? Ces questions vont faire partie du quotidien à venir des DRH.
Beaucoup d’hôtels ont profité de la fermeture pour refaire leur décoration. Peut-être cela pourrait-il inspirer les entreprises pour que le retour espéré au présentiel soit une occasion de changements positifs, une source de plaisir et de motivation.
Le télétravail pour les entreprises qui continueront sa pratique ne prendra-t-il pas aussi une nouvelle signification qui fera du bureau pour l’essentiel un lieu de réunion et de convivialité, qu’il conviendra aussi de réaménager à cet effet ?
Entre le bureau de l’entreprise et celui au domicile du salarié ne faudra-t-il pas envisager des tiers-lieux pour combattre l’isolement en maintenant le confort d’une proximité avec le domicile ?
Le poste de travail, le bureau, concrétise une grande partie de la relation du salarié avec son entreprise qui va bien au-delà du contrat de travail. Après des mois d’une vie contrainte par la pandémie, en constatant la lassitude de beaucoup, les entreprises auront à anticiper et à répondre à l’aspiration à un « monde d’après » sans masques. Entre la nostalgie du bureau d’avant et l’imaginaire, il appartiendra aux DRH d’installer une réalité motivante.