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Télétravail : comment équilibrer exigences individuelles et enjeux collectifs ?

le 25 février 2025
Télétravail : comment équilibrer exigences individuelles et enjeux collectifs ?

Tandis que certaines organisations rappellent leurs collaborateurs sur site, d’autres affinent leurs pratiques à distance. Flexibilité, performance, culture d’entreprise : comment concilier ces enjeux sans compromettre l’efficacité et la cohésion des équipes ? Chez OpenClassrooms, où le full remote est la norme, l’organisation repose sur un cadre rigoureux. Après avoir participé à la table ronde « Télétravail : comment trouver le bon équilibre entre exigences individuelles et enjeux collectifs ? », lors de l’événement HR Technologies France 2025, Stéphanie Fraise, CHRO du spécialiste de la formation en ligne, partage sa vision et les leviers à activer pour faire du télétravail un modèle pérenne et efficient.

Quels changements majeurs le télétravail a-t-il induits dans les modes de collaboration ?

Le télétravail a transformé la manière dont les équipes interagissent et mesurent leur performance. Il a d’abord recentré le pilotage de la performance sur les résultats plutôt que sur la présence physique. Nous ne pouvons plus nous fier au présentéisme, il faut des objectifs clairs et mesurables pour garantir une organisation efficace à distance. Cela implique de définir des KPIs pertinents et d’instaurer un suivi rigoureux. Cette approche demande un travail de structuration, mais elle favorise aussi plus de clarté et de transparence dans les attentes.

Ensuite, le télétravail a entraîné une multiplication des outils collaboratifs. Chez OpenClassrooms, nous utilisons Lattice pour structurer les OKR, documenter les réunions en one-to-one et suivre les actions à mener. Slack et Notion ancrent notre culture de l’écrit et permettent un accès équitable à l’information, ce qui facilite le travail asynchrone. Mais cette profusion d’outils a aussi son revers : trop de messages, trop de canaux… L’enjeu est de trouver un équilibre pour éviter l’infobésité. 

Enfin, le télétravail requiert un niveau d’organisation plus élevé, en particulier concernant la cohésion d’équipe. En présentiel, les liens se tissent naturellement. À distance, ils doivent être cultivés avec méthode pour maintenir le sentiment d’appartenance et la dynamique collective.

Quel rôle la fonction RH doit-elle jouer pour accompagner un télétravail équilibré et performant ?

À mon sens, la fonction RH doit avant tout définir un cadre clair. Le télétravail doit s’appuyer sur des règles adaptées aux besoins de l’entreprise et des collaborateurs. Chez OpenClassrooms, nous avons choisi le full remote pour attirer des talents partout en France et à l’étranger. D’autres entreprises optent pour des modèles hybrides ou entièrement en présentiel. L’important est d’opter pour une approche équilibrée tenant compte des réalités de chacun. 

Les professionnels des RH doivent également outiller et accompagner les managers. Manager à distance ne s’improvise pas. Il faut maintenir le lien, suivre la santé mentale des équipes, gérer la cohésion et piloter la performance. Nous formons donc nos managers aux bonnes pratiques et leur fournissons des outils adaptés. 

Troisièmement, il convient de faire vivre la culture d’entreprise. En full remote, les valeurs doivent être incarnées au quotidien à travers des rituels et des pratiques concrètes. Sans interactions physiques régulières, il faut redoubler d’efforts pour entretenir une culture forte et fédératrice.

Comment OpenClassrooms parvient-elle à faire vivre ses valeurs en environnement full remote ?

Tout commence par une culture d’entreprise clairement définie. Chez OpenClassrooms, nos valeurs sont « we dare, we persist, we care, we tell it as it is » (« nous osons, nous persévérons, nous prenons soin, nous disons les choses telles qu’elles sont »). Mais une valeur ne prend sens que si elle est incarnée au quotidien. Nous avons donc identifié des pratiques qui permettent de les faire vivre en full remote. 

Par exemple, pour incarner la valeur « we care » (nous prenons soin), nous avons mis en place plusieurs dispositifs, dont un programme dédié au bien-être physique et mental via l’outil moka.care.

Pour “we tell it as it is”, nous organisons des Ask Me Anything, des sessions interactives où les collaborateurs peuvent poser librement leurs questions aux dirigeants. 

Nous avons aussi instauré des rituels qui favorisent la reconnaissance et le feedback, comme le canal Slack SuperLike, où chacun peut valoriser le travail de ses pairs en lien avec nos valeurs. Adapter la culture d’entreprise aux réalités du télétravail demande proactivité et créativité, et c’est dans cet esprit que nous faisons évoluer nos pratiques en continu.

Comment les managers sont-ils accompagnés pour mieux gérer le travail hybride ?

Nous les formons d’abord à tous les enjeux managériaux qui deviennent exacerbés en distanciel. Pour cela, nous nous appuyons sur une gestion de la performance par les objectifs : ces derniers doivent être clairement définis, mesurés et commentés régulièrement, avec des rituels permettant de prendre en continu le pouls de leur atteinte et des moyens nécessaires.

Nous veillons également à gérer la cohésion d’équipe en donnant du sens aux objectifs de l’entreprise, en informant sur les décisions stratégiques et en embarquant / fédérant le collectif a travers des rituels d’équipe. Concrètement, cela peut prendre la forme de stand-ups, de cafés virtuels ou d’autres moments d’échange qui favorisent le lien et l’alignement.

Pour garantir le bien-être individuel de nos collaborateurs, nous sensibilisons les managers à capter les signaux faibles, à approfondir leur connaissance des enjeux de santé mentale, et à s’appuyer sur des enquêtes pulses régulières, dont les résultats permettent d’ajuster l’accompagnement.

Enfin, pour engager et fidéliser les collaborateurs, nous instaurons des rituels de reconnaissance et organisons des conversations encadrées sur leur développement et leurs projets de carrière.

Comment préserver la cohésion d’équipe et l’engagement des collaborateurs dans un environnement hybride ou full remote ?

En présentiel, les échanges informels jouent un rôle clé dans la dynamique collective. À distance, ces moments doivent être structurés pour éviter l’isolement et renforcer la cohésion. 

Pour structurer ces échanges à distance, nous avons instauré plusieurs rituels : un all-hands hebdomadaire, où des équipes partagent leurs avancées et priorités, un all-hands mensuel et un autre trimestriel qui incluent des bilans stratégiques et financiers présentés en toute transparence par le CEO, ainsi que des purple memos, des supports écrits détaillés qui harmonisent les éléments de langage lors des cascades de communication relatives à des annonces importantes. Nous avons également mis en place un random coffee, où chaque semaine, un collaborateur est “matché” avec un autre membre de l’entreprise pour échanger. Cela crée des opportunités d’échange informel.

Même en full remote, nous veillons à maintenir du lien physique. Chaque année, notre séminaire « Classe Verte », mêle sessions de travail et activités de cohésion, et nos rencontres trimestrielles dans les hubs régionaux renforcent les échanges en présentiel.

Certaines fonctions sont-elles moins adaptées au télétravail ? Comment garantir l’équité ?

Tous les métiers ne sont pas égaux face au full remote. Certaines fonctions, comme les équipes commerciales, apprécient de se retrouver en physique pour favoriser les échanges et la dynamique collective. D’autres, comme notre office manager, doivent être présents pour gérer notre espace parisien.

L’enjeu est de distinguer égalité et équité. Tous les collaborateurs n’ont pas les mêmes contraintes, mais il est possible d’ajuster les compensations en fonction des besoins de chacun, via des primes spécifiques, des avantages complémentaires ou un accès facilité à certaines formations. Il s’agit d’être créatif pour construire un modèle juste et adapté à chaque situation.

Le full remote est-il une opportunité ou un risque pour la performance collective ?

Lorsque je suis arrivée, l’organisation était déjà en full remote, mon rôle est donc d’optimiser ce modèle pour en tirer le meilleur parti. D’un côté, j’y vois un formidable levier pour diversifier les talents et proposer une expérience flexible. En présentiel, nous serions limités au bassin d’emploi parisien. Grâce au télétravail, nous recrutons partout en France et au-delà, sans nous priver de profils qualifiés.

De l’autre, cela requiert une plus grande rigueur. Le présentiel peut donner l’illusion de la productivité, mais à distance, seul compte le résultat. Cela nous pousse à clarifier les attentes, structurer le suivi des performances et professionnaliser nos modes de travail.

Le vrai défi du full remote reste l’engagement des collaborateurs. C’est pourquoi nous misons sur des moments de rassemblement en présentiel. Je crois en un modèle full remote qui maintient des rencontres régulières, structurées et porteuses de sens.

Pouvez-vous partager des exemples concrets de pratiques ou d’initiatives mises en place chez OpenClassrooms pour concilier attentes individuelles et enjeux collectifs ?

Nous suivons régulièrement notre eNPS (Employee Net Promoter Score) afin d’évaluer le ressenti des collaborateurs et d’identifier des axes d’amélioration.

Nous avons également déployé moka.care, une plateforme dédiée à la santé mentale qui offre des ressources pédagogiques, un accompagnement individuel et des sessions de sensibilisation sur des sujets clés. Parmi eux :

  • Qu’est-ce que le burn-out et comment le prévenir ?
  • Comment un manager peut-il détecter les signaux faibles d’un collaborateur en difficulté ?
  • Comment réagir en tant que collègue face à une situation délicate ?

Ces initiatives sont intégrées dans notre culture d’entreprise et animées au quotidien pour encourager un dialogue ouvert et donner aux collaborateurs les moyens de concilier bien-être individuel et exigences collectives.

Crédit photo : Callum Baker



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