Recrutement volumique : un subtil équilibre entre efficacité et personnalisation
Dans un environnement professionnel en pleine mutation et dans un contexte de pénurie de talents, quels sont les enjeux du recrutement volumique ? Quel est l’impact de la digitalisation sur cette pratique ? Comment l’intelligence artificielle redéfinit-elle les interactions entre professionnels RH et candidats ? Explorez les enjeux, les stratégies et les perspectives du recrutement volumique à travers cette interview croisée de Marc-Canisius Koffi, Vice-Président Europe du Sud, et Ghislain Fouché, Principal Solutions Consultant, chez SmartRecruiters.
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Quels sont, selon vous, les contraintes et les enjeux du recrutement volumique ?
Ghislain : Le premier enjeu, c’est le sourcing, exacerbé par une pénurie de talents et une forte volatilité des candidats. Le sourcing implique un investissement en temps et en coûts de promotion. L’autre enjeu majeur, c’est l’expérience candidat. Elle est trop souvent négligée dans le recrutement volumique par manque de temps et d’outils adaptés.
Côté équipes de recrutement, les défis sont liés aux tâches administratives et à la réduction des délais d’embauche. L’efficacité dans l’identification rapide des candidats pertinents est cruciale pour gérer le volume et être compétitif.
Marc : Le recrutement volumique est crucial, particulièrement dans des secteurs comme le retail ou la restauration dans lesquels il répond à des besoins saisonniers ou à des pics d’activité (durant les périodes de fêtes par exemple). Ce sont des moments critiques pour l’entreprise, car ils ont un impact direct sur le chiffre d’affaires et la relation avec le client.
En termes d’enjeux, le défi est de trouver un équilibre entre l’efficacité pour traiter d’importants volumes de candidatures et l’individualisation de la relation candidat durant le processus de recrutement.
Pourquoi le recrutement volumique doit être une priorité en 2024 ?
Marc : En 2024, exceller dans le recrutement sera impératif pour toutes les entreprises, indépendamment de leur taille ou secteur parce qu’on est dans un double contexte de fuite et de pénurie de talents. Ce n’est plus seulement une question de saisonnalité ou de volume, mais aussi de savoir anticiper et alimenter rapidement le pipeline de candidats. Notamment en utilisant des mécaniques de recrutement volumique pour aller chercher des talents potentiels dans les écoles et les événements de type salons.
Que l’on soit dans un secteur à forte demande ou pas, maîtriser les mécanismes de recrutement volumique peut être très bénéfique pour tout type d’entreprise (traitement en masse, automatisation, utilisation de l’IA). Cela permet de renforcer l’efficacité globale des processus en tirant profit d’outils et de méthodes issus de l’analyse de grands volumes de candidatures et d’impliquer efficacement les équipes impliquées dans le processus de sélection.
Ghislain : Le recrutement volumique est très important pour de nombreux secteurs d’activité, comme le retail – déjà mentionné – ou l’hospitality. On y trouve des rôles souvent perçus comme moins qualifiés et pourtant indispensables à l’entreprise. Je pense par exemple aux employés de ménage dans les hôtels, maillon essentiel de la chaîne de productivité. Leur absence annule tous les efforts réalisés en amont. L’insatisfaction client qui en résulte illustre l’impact business immédiat de ces postes. Il est donc impératif de prioriser le recrutement volumique pour assurer la continuité et l’efficacité des opérations commerciales.
Comment la digitalisation répond-elle aux enjeux du recrutement volumique ?
Ghislain : La digitalisation transforme radicalement le processus de recrutement, permettant aux candidats de postuler rapidement et efficacement. Aujourd’hui, il n’est plus question de créer un compte pour postuler ! Et pour un certain nombre de postes, en particulier dans des secteurs comme la restauration ou la logistique, le CV détaillé n’est pas toujours utile. Ce qui compte vraiment, c’est la motivation du candidat et sa capacité à travailler à des horaires atypiques ou à accomplir des tâches spécifiques (porter des charges, faire des inventaires…).
Grâce à la digitalisation, les équipes de recrutement peuvent filtrer les candidatures sur des critères concrets et immédiats. Ce processus permet non seulement de gagner du temps dans la présélection, mais aussi de simplifier le travail des recruteurs. Toutes les informations collectées numériquement facilitent la réutilisation du vivier de candidats pour de futurs postes, optimisant ainsi la gestion du sourcing.
Marc : L’intelligence artificielle générative est également un des apports importants de la digitalisation. Elle révolutionne le recrutement volumique en conciliant deux aspects jusque-là contradictoires : le volume et la personnalisation. Auparavant, il était difficile d’atteindre un haut niveau de personnalisation dans les actions de masse.
Cette évolution offre le meilleur des deux mondes : une capacité à mener des actions de recrutement en masse tout en maintenant une communication et une relation personnalisée avec chaque candidat. Cette avancée représente un changement majeur par rapport aux méthodes traditionnelles, où une telle personnalisation nécessitait un effort manuel considérable et donc une baisse de productivité. Il y a bien entendu des questions qui se posent sur l’authenticité des contenus générés, mais globalement, l’IA générative est un outil puissant pour moderniser et améliorer l’efficacité du recrutement volumique.
Quel est l’impact de l’intelligence artificielle sur l’expérience des professionnels RH et des candidats ?
Ghislain : L’impact de l’IA sur le monde des RH est comparable à celui qu’a eu Internet. Il marque une transformation majeure, avec son lot d’excitation et d’appréhension. Pour les professionnels RH, l’IA est un outil précieux pour la présélection des candidats, en filtrant des milliers de CV pour ne retenir que ceux qui possèdent les compétences nécessaires par exemple. Le temps gagné permettra une évaluation plus humaine des candidats sélectionnés, en ayant par exemple, plus de temps dédié à rencontrer les candidats. En effet, il est essentiel de reconnaître que l’IA ne peut remplacer totalement l’élément humain.
Pour les candidats, l’IA améliore l’expérience en gérant les candidatures refusées pour de futures opportunités, renforçant ainsi la marque employeur. Au lieu d’un rejet standard, un retour personnalisé et ultérieur sur une nouvelle offre peut améliorer l’image de l’entreprise. Cette approche maintient un vivier de talents et crée une expérience plus positive pour les candidats, bénéfique à la réputation globale de l’entreprise et à la vélocité des futurs recrutements.
Marc : L’IA instaure ce que j’appelle un contexte de « doute raisonnable » dans le processus de recrutement. Tant pour les candidats que pour les recruteurs. D’un côté, les candidats se demandent si les communications d’entreprise, affinées par l’IA, sont authentiques. De l’autre, les recruteurs s’interrogent sur la véracité des CVs et lettres de motivation optimisés par l’IA. C’est en réalité une opportunité pour le métier de recruteur de revenir à ses fondamentaux en remettant de l’humain et en privilégiant les échanges.
Quel est, selon vous, l’avenir du recrutement volumique ?
Ghislain : Je pense qu’à l’avenir, le recrutement et notamment le le recrutement volumique, se focaliseront davantage sur les soft skills. Avec l’avènement de l’IA et de diverses plateformes éducatives, l’écart entre les candidats en termes de hard skills se réduit. Les talents peuvent facilement acquérir des compétences techniques. En revanche, les soft skills, comme la communication, la capacité à unifier une équipe ou apporter une attitude positive, sont à la fois innées et cruciales. Les recruteurs s’orienteront vers des candidats qui, non seulement ont la possibilité de s’adapter et de se former, mais qui peuvent aussi enrichir l’équipe de par leur personnalité et leur manière d’être. Allant au-delà de la simple adéquation entre le poste et les compétences techniques.
Marc : L’avenir du recrutement volumique est très prometteur. J’estime qu’il s’aligne sur les fortes attentes des entreprises en termes de productivité. Cette problématique de recrutement privilégie l’efficacité dans le traitement de grandes masses de données et favorise l’agilité car elle permet une réponse rapide aux besoins de l’entreprise. Au-delà des enjeux saisonniers, les pratiques issues du recrutement volumique peuvent devenir stratégiques. Je pense par exemple à la gestion des viviers de candidats, à la recherche de candidats passifs et à la mobilité interne, dans les contextes occidentaux où la pénurie de talents est un défi majeur. Les approches et technologies associées au recrutement volumique aident les entreprises à être plus productives, agiles et réactives dans leurs stratégies de recrutement.
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