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La quête de sens au travail individualisée, véritable levier de la fidélisation ?

le 07 novembre 2023
La quête de sens au travail individualisée, véritable levier de la fidélisation ?

Les crises récentes ont catalysé une crise de sens au travail généralisée qui a profondément bouleversé le rapport des individus au travail. Démissions silencieuses, grande fatigue ou grande démission… Ces sujets ont incité les entreprises à investir le sujet du sens au travail. Malgré ces efforts, la fuite des talents continue. Et si la quête de sens n’attendait pas uniquement une approche collective, mais une réponse individuelle ?

Les entreprises surinvestissent à tort sur la finalité collective

Depuis la loi Pacte en 2019, le nombre d’entreprises à mission a explosé et les entreprises ont massivement investi dans la définition et la clarification de leur raison d’être pour apporter des réponses aux crises individuelles de sens. Ce travail bien qu’utile, n’a cependant pas toujours eu l’effet escompté. Une récente analyse faite par Thomas Coutrot et Coralie Perez (Redonner du sens au travail – une aspiration révolutionnaire) révèle même que les salariés sont moins nombreux à trouver leur travail utile dans les organisations dites “responsables” (56%) qu’ils ne le sont dans les autres entreprises (61%).

Servir une cause louable portée par son entreprise n’éclipse pas d’éventuelles dissonances entre ce qu’on vit et fait au quotidien, la réalité de l’environnement de travail et la mission que l’on s’est donnée. Ce n’est pas non plus une garantie infaillible contre la souffrance au travail. La finalité collective est certes nécessaire, mais elle semble insuffisante. En surinvestissant sur cette approche collective, les entreprises éludent la dimension profondément individuelle du sens et se coupent par la même occasion d’un vecteur majeur de rétention. Dans sa récente étude du phénomène mondial de grande démission, le cabinet Mc Kinsey a rappelé qu’il s’agissait pourtant du levier le plus puissant de fidélisation des talents, juste après la flexibilité au travail.

Déconstruire le biais des dirigeants et managers pour être en capacité de fidéliser

La chaîne de corrélation semble toutefois limpide : à l’échelle individuelle, le sens au travail est une condition nécessaire à l’engagement, lui-même indispensable à la performance, elle-même le sous-jacent d’une projection durable dans l’entreprise. 

Les dirigeants et managers ont su gravir les échelons en entreprise grâce à des performances remarquées et un alignement hors norme. Dès lors, pourquoi nos dirigeants et managers d’habitude plutôt sagaces, manquent-ils de clairvoyance sur l’importance du sens individuel ? Leur alignement sort de l’ordinaire et leur fait perdre de vue que le reste des collaborateurs ne vivent pas cette même réalité. Pire, ce biais d’alignement peut parfois les faire passer pour “décalés” ou “déconnectés” des réalités terrains et des aspirations des autres collaborateurs.

Face à un engagement total et la conviction que la cause défendue par le collectif est juste, y a-t-il encore de la place pour accueillir des aspirations et besoins individuels qui ne seraient pas 100% alignés ? 

Sortir de l’approche unidimensionnelle du sens au travail

Enfin, une idée assez répandue sur le sens au travail consiste à dire qu’il y a des métiers qui auraient du sens et d’autres non. 

Or, un travail est plus qu’un métier, c’est également un environnement, une finalité et des impératifs. Ces quatre dimensions constituent le socle de ce qui a du sens pour un individu dans sa vie professionnelle. Elles permettent un alignement plus ou moins important avec ce que l’entreprise peut lui offrir pour l’engager et le fidéliser. 

Chance a développé et éprouvé depuis plus de 8 ans ce modèle de sens individuel : 

– F pour « Finalité » : À quoi je contribue ou suis-utile par mon travail ? Quelle est ma motivation intrinsèque ? 

– E pour « Environnement » : Quel est le cadre dans lequel je peux m’épanouir et exprimer pleinement son potentiel ?

– M pour « Métier » : Les activités et les missions exercées au quotidien, à la croisée des compétences et des motivations profondes des individus

– I pour « Impératifs » : La prise en compte des impératifs géographiques, horaires, financiers etc. qui affectent les choix professionnels de chacun.

Nous avons pu constater au cours de nos 500 000 heures de conversations de carrière le manque de connaissance que les collaborateurs ont d’eux-mêmes. Toute la puissance de ce modèle permet de dépasser leurs frustrations, exprimer leurs besoins et in fine entrer dans une logique d’alliance et de co-construction de leur projet professionnel avec leur manager. 

Ce modèle aide chacun à mieux se connaître et définir ce qui a du sens pour soi afin de trouver le meilleur alignement possible entre quête de sens individuelle et réalité en entreprise.

Il constitue un outil de pilotage managérial très puissant, utilisable quotidiennement à chaque étape de la vie du collaborateur. Ce modèle est particulièrement utile lors de phases critiques d’engagement et de fidélisation pour mieux comprendre chacun et dessiner au quotidien un projet professionnel porteur de sens : onboarding, 2 ans en poste, après un événement de vie majeur de l’individu ou bien de l’entreprise etc.

Il crée un langage partagé autour du sens individuel pour permettre aux collaborateurs, aux équipes RH et aux managers de préparer et nourrir en profondeur des conversations de carrière pertinentes et amener encore plus de personnalisation dans la relation manager-collaborateur. Les entreprises qui ont permis l’expression et l’écoute de ces quêtes de sens individuelles et accompagné le dialogue avec les équipes RH et managériales, en ressortent largement récompensées. Elles réussissent à doubler l’engagement de leurs équipes et à augmenter de 50% leur intention de rester dans l’entreprise. 

Arrêtez la fuite en avant

Certes, le manque de vision collective peut accélérer l’attrition. Mais sa définition ne favorisera pas pour autant la fidélisation de vos collaborateurs si un travail de fond n’est pas fait pour comprendre et intégrer les quêtes de sens individuelles dans vos pratiques RH et managériales. Personnaliser l’expérience collaborateur et tenir compte de la quête de sens individuelle suppose cependant de casser la logique d’égalitarisme qui fonde les politiques RH depuis toujours. Seuls quelques DRH pionniers s’y aventurent, pourtant ces deux conditions sont nécessaires pour que la magie s’opère : faire entrer en résonance une finalité collective et un sens individuel conscientisés. La pénurie des talents est structurelle, si nos pratiques de fidélisation n’évoluent pas, les entreprises s’épuiseront à remplir des puits sans fond.



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