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DRH et déconfinement : comment éviter la déconfiture ?

le 29 avril 2020
[PARLONS RH] DRH et déconfinement : comment éviter la déconfiture

Le déconfinement approche. Comment va se dérouler ce retour au travail ? Pouvons-nous vraiment reprendre sereinement et efficacement ? Nos réflexions pour aider la fonction RH et le management à amorcer un redémarrage sans stress inutile.

 

Le dialogue comme premier outil de diagnostic…

Pas de précipitation face à la perspective d’un déconfinement. Nous pensons qu’un premier temps de dialogue préalable à tout message de mobilisation est nécessaire pour mesurer l’état de stress, de fatigue mentale voire de perte de repères des salariés. Ce premier dialogue en forme d’audit social doit permettre aux RH et managers d’adapter leur discours et plan d’action tant d’un point de vue collectif qu’individuel et même personnel.

Il est probable que chacun aura vécu différemment la crise sanitaire et la période de confinement. Certains en continuant à se rendre sur leur lieu de travail, d’autres en étant en télétravail ou bien encore au chômage partiel ou en garde d’enfants. Une certitude : les salariés seront majoritairement dans l’attente de retrouver leurs habitudes, les routines qui rassurent. Une partie se sentira vulnérable, fragile et fragilisée par le deuil, la maladie, les difficultés économiques. Tous auront besoin d’un temps de réadaptation pour pouvoir ensuite donner éventuellement le meilleur d’eux-mêmes.

 

… avec les équipes…

Dans le cadre de ce diagnostic préalable, on peut penser à des questionnaires anonymes qui feront l’objet d’un retour après analyse et d’un plan d’action concret à court terme. L’utilisation du réseau social est aussi possible mais plus délicate; elle demande en effet une forte modération pour ne pas provoquer un effet inverse que celui recherché.

A vrai dire, il nous semble préférable que les échanges se fassent le plus possible au niveau du terrain entre le manager et son équipe. Les professionnels RH pourront l’aider en l’accompagnant et en lui proposant un kit d’animation visant à dynamiser les échanges et à recueillir les informations utiles sur la façon dont les collaborateurs ont vécu ces derniers mois et envisagent l’avenir. Ce diagnostic par l’échange et le dialogue ne saurait être efficace sans une écoute active des managers. Le management devra donc être particulièrement attentif sur les nouvelles attentes des salariés en terme d’équilibre vie privée/vie pro et en particulier sur la possibilité du télétravail, des horaires adaptés tout en maintenant un collectif fort.

 

… et avec les partenaires sociaux

Les RH devront organiser des audiences avec les syndicats leur permettant d’avoir les chiffres utiles pour décrypter l’impact économique et social de cette crise sanitaire. Ce travail d’information devra être suivi d’un travail de présentation du plan d’action et des différentes mesures de redémarrage de l’activité avec éventuellement un surcroît d’activité à négocier quand la survie de l’entreprise est engagée. Il faut y ajouter la discussion des règles de sécurité et des gestes barrières, car le coronavirus rôde toujours.

 

L’aspect matériel comme l’évidence préalable à toutes actions RH

Une première évidence s’impose de façon inévitable pour anticiper ce déconfinement. Il va falloir proposer aux collaborateurs le matériel de protection et d’hygiène ad hoc : masques, gel hydroalcoolique, savons, mouchoirs à usage unique, et éventuellement un thermomètre de prise de température. Les solutions pour se faire approvisionner ne sont pas simples et restent rares. Et pourtant, il faudra bien proposer ces éléments matériels aux salariés…

Il faudra aussi préparer des sessions d’information, de sensibilisation ou de formation pour rappeler les consignes sur les gestes barrières et l’indispensable distanciation physique. L’intranet pourra aider à diffuser les nouvelles règles de vie et de travail dans l’entreprise par des vidéos, animations, interviews, témoignages et sessions interactives de questions/réponses.

 

Les évolutions organisationnelles en question

Les réflexions devront aussi porter sur les modes et les espaces de travail :

  • Comment réorganiser les espaces de travail pour respecter les distanciations sociales sans paraître trop éloigné les uns des autres ? Un collectif de travail requiert un minimum de proximité sinon autant rester en télétravail.
  • Comment reconfigurer les open spaces, les espaces de flex-office, les salles de sieste ou la cafétéria ? Comment gérer l’espace de restauration collective, l’accueil de l’entreprises, ses salles de réunion ?
  • Quelle signalétique mettre en place, pendant combien de temps ?

Les réponses à ces questions sont propres à chaque organisation. Charge à chaque DRH avec son équipe, d’y apporter une réponse qu’il faudra peut-être ajuster sur les premières semaines. Le mot agilité pourra -enfin !- s’exprimer sur le terrain. Les responsables formations devront être fortement associés à ces réflexions pour accompagner managers et salariés vers une organisation du travail plus souple, un développement individuel et collectif des compétences permettant le recours régulier au télétravail ainsi qu’une autonomie accrue des différents acteurs.

 

L’envie comme moteur à moyen terme

La DRH et plus largement le CODIR doivent être clairs sur l’état de l’entreprise et transparente sur les risques et moyens d’y faire face. La mobilisation des énergies ne pourra se faire que dans la transparence et la responsabilisation, et non les incantations communicationnelles. C’est une opportunité pour les entreprises qui avaient encore du mal à faire preuve de sincérité et d’authenticité dans leur communication managériale.

Il va falloir rebooster les équipes, leur donner une vision, une ambition humaine liée au projet business. Mais quel sens donner au travail dans le contexte actuel ? Après deux mois à travailler comme ils pouvaient, ou à chômer partiellement, à s’interroger sur sa famille, ses proches, ou plus largement l’avenir. Comment dans un monde incertain redonner au corps social l’enthousiasme d’avancer ensemble ? Nous croyons que leur demander de repartir comme avant, comme si rien ne s’était passé est une stratégie vaine. Et en même temps, quelle autre alternative pour les managers que de dire on relève les manches et on avance ? On reparlera certainement de l’importance de définir ensemble l’objet social de l’entreprise dans une stratégie de politique RSE bien comprise.

La période qui s’est écoulée a conduit chacun à travailler souvent de manière plus indépendante et isolée, et ce malgré les possibilités de conférences téléphoniques et les outils d’échanges digitaux. Le manager devra trouver les clefs pour reconstruire du collectif sans éteindre cette flamme d’un intrapreunariat naissant. Il ne sera plus supportable pour les équipes, par exemple, de participer à des réunions pléthoriques et peu efficaces. Chacune devra être travaillée en amont pour permettre de dégager le maximum de plus value et de participation. On va peut-être retrouver le B.A-BA oublié du management : bon sens, autonomie, responsabilité, confiance.

 

Réfléchir à long terme pour éviter le risque de schizophrénie généralisée

Les DRH ont toujours été des gestionnaires de paradoxes, maintenant l’entreprise en équilibre instable entre l’humain et l’économique, entre le collectif et l’individuel, le corps social et la direction, entre les injonctions du court terme et les besoins du long terme. Il est fort probable que d’ici à la fin de l’année 2020, et sans doute même après, ils soient soumis à de nouvelles tensions contradictoires ou accroissement de celles existantes.
Légitimement, la majorité d’entre nous souhaitent à titre personnel retrouver le monde d’avant.

Dans un contexte caractérisé par la maladie, la peur de la mort, l’incertitude et l’imprévisibilité, nous avons besoin d’un ordre intérieur stable, de routines, pour retrouver une forme de sérénité, de normalité. On souhaite retrouver une période connue pour diminuer le caractère anxiogène de la période passée. En parallèle, nous avons l’espoir d’un monde meilleur, d’une entreprise plus citoyenne, plus écologique, plus humaniste. On souhaite que tout change, en bien.

Comment le DRH va-t-il pouvoir mener ces deux orientations parallèles tout en faisant en sorte de contribuer sur le court terme à l’effort budgétaire impactant la formation comme la communication ? L’entreprise va faire appel à lui pour ses missions régaliennes : le juridico-légal. Il n’y aura que peu de place pour l’accompagnement de la transformation de l’entreprise, la dynamique d’évolution managériale, l’acculturation au digital et l’innovation RH. Ne risque-t-on pas le repli identitaire ? C’est évidemment un écueil qu’il convient d’éviter.

 



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