L’IA générative en RH : réalités timides et promesses lointaines
L’intelligence artificielle générative est louée, notamment pour ses incroyables capacités à transformer certaines activités en permettant la création rapide de contenu innovant et la personnalisation de certains processus à une échelle inégalée. Cependant, dans le domaine des ressources humaines, son application demeure à un stade embryonnaire. J’observe un écart considérable entre le discours ambiant et les actes effectifs, entre le potentiel évoqué et son utilisation pratique. Pourquoi l’adoption de l’IA générative en RH est-elle si balbutiante ? La réponse réside à mon sens dans une combinaison de défis technologiques, culturels, et organisationnels.
Non, l’incorporation de l’IA générative dans les processus RH n’est pas mature. La situation est d’ailleurs similaire dans d’autres fonctions supports. Les cas d’usage sont nombreux : automatisation de la sélection dans le processus de recrutement, génération automatique d’accords d’entreprise ou de courriers disciplinaires, personnalisation des parcours de formation, ou encore prévision des besoins en personnel… S’ils sont conceptualisés, sont-ils mis en œuvre ? La réponse est non. La très grande majorité des entreprises sont sans doute croyantes, mais pas encore pratiquantes.
Pourquoi cette technologie peine-t-elle à s’implanter opérationnellement ? La question se pose.
Sommaire
IA Gen : le spectre de l’erreur et les défis de l’intégration
L’une des principales réticences à l’adoption de l’IA générative réside dans son appétence et donc sa propension à l’erreur. La nature même de l’apprentissage automatique, basé sur des algorithmes qui apprennent de vastes quantités de données, inclut inévitablement des erreurs initiales comme partie intégrante du processus d’apprentissage. Or, dans un domaine aussi sensible que les RH, où chaque erreur peut avoir des répercussions significatives sur la vie professionnelle des individus, cette perspective est souvent inacceptable par les professionnels des RH qui exercent la fonction.
Selon une étude de Gartner de 2023, bien que 60% des organisations technologiques soient prêtes à expérimenter l’IA, moins de 20% acceptent les erreurs comme partie du processus. Cette aversion au risque limite largement l’adoption et l’innovation dans les RH.
Par son histoire et son ADN, la fonction RH est plus risquophobe qu’innovatophile.
D’autre part, l’intégration de l’IA générative nécessite des modifications substantielles des systèmes d’information RH existants. Le changement est important. Cela va prendre du temps. Les éditeurs de SIRH promettent souvent des intégrations fluides, presque en « plug & play ». Qu’en est-il en réalité ? Ces intégrations sont généralement plus complexes, impliquant des coûts cachés et des défis techniques non anticipés.
L’IA chez les éditeurs, c’est un peu comme le sexe dans les discussions d’adolescents. Ce qui compte avant tout, c’est d’en parler, même si les plus bavards sur le sujet ne sont pas ceux qui pratiquent le plus.
L’IA, tout le monde en parle, mais dans les faits, combien sommes-nous à l’avoir véritablement expérimentée ? Et comme nombre d’offreurs de solutions HR Tech affirment s’adonner pleinement à l’IA, mieux vaut également revendiquer en faire de même.
Un chemin escarpé en perspective
Que manque-t-il aujourd’hui aux éditeurs SIRH ? Plus de transparence sur les capacités réelles de leurs technologies et les défis d’intégration. En parallèle, les professionnels des RH sont dans l’obligation de se rééquiper. Tant au niveau des solutions digitales que des compétences et qu’en termes de culture organisationnelle. L’objectif ? Adopter ces technologies de manière plus ouverte et expérimentale.
La résistance au changement est une réalité humaine bien ancrée dans les entreprises. Elle est, en outre, renforcée par une méconnaissance générale des capacités, des opportunités et des limites de l’IA Gen. Aussi, chers DRH, pour ne pas être asservis par l’IA, mieux vaut s’en servir !
Imaginez-vous au pied d’une montagne imposante – c’est l’image simple de notre situation actuelle avec l’IA générative en RH. Chaque tentative d’ascension représente un projet d’intégration de l’IA pour chaque pratique RH (recrutement, formation, entretien, indicateurs RH, paie, etc.), avec ses obstacles et ses défis inattendus.
Pour que cette technologie atteigne son plein potentiel, un changement de perspective est essentiel : il faut accepter l’erreur non comme un échec, mais comme un élément fondamental du processus d’apprentissage et d’innovation. Seule une collaboration étroite entre les éditeurs SIRH (dans lesquels j’inclus évidemment les start-up) et les professionnels des RH, couplée à une volonté d’expérimentation et d’adaptation, permettra de surmonter les défis actuels et de faire de l’IA générative une réalité pleinement opérationnelle dans le domaine des ressources humaines. Ne l’oublions pas : cette perspective n’est pas une finalité, mais un moyen. Car, dans le contexte actuel, nous pouvons souhaiter pour la fonction RH que la destination qu’elle propose soit autrement plus désirable qu’un simple passage à l’acte en termes d’IA.
Crédit photo : Miha Creative