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La confiance sinon, rien

le 30 janvier 2025
La confiance sinon, rien
Mathilde Callède
Mathilde Callède

DRH de Shine

L’avenir du travail est déjà parmi nous : il nous reste à l’étendre par l’exemple. C’est ce qui ressort du témoignage de Mathilde Callède, DRH de Shine, pionnier de la HR Tech qui propose un compte professionnel en ligne pour les entrepreneurs. Avec un maître mot : la confiance.

Mathilde Callède ne vient pas du monde des ressources humaines : « Pour moi, le DRH, c’était le bras droit du patron qui nous veut du mal ! », plaisante-t-elle. Pourtant, quand elle abandonne il y a 7 ans le marketing et la communication pour se reconvertir dans les RH, elle aborde la fonction dans une optique résolument humaine. Quand Nicolas Reboud, cofondateur de Shine, l’appelle en expliquant que le projet était de « proposer un produit top, mais dans une entreprise saine, même si cela devait coûter un peu en performance », elle est d’emblée séduite. Au départ, elle s’occupe à la fois de la communauté des utilisateurs et de celle des salariés – dans une logique de symétrie des attentions. Rapidement, elle découvre que « les RH ne consistent pas seulement à accompagner les gens, mais aussi à aider le business ! J’adore ce métier parce qu’il consiste, précisément, à démontrer que ces deux dimensions s’articulent et se complètent ».

LE POIDS DU FACTEUR CONFIANCE

Que peuvent faire les entreprises pour se préparer à l’organisation du travail de demain ? Mathilde Callède prend sa propre entreprise en exemple. « Un aspect m’a particulièrement surprise chez Shine : c’est le fait que l’on nous fasse confiance par défaut. Je n’avais pas vécu cela auparavant. Et la confiance va de pair avec une grande flexibilité de l’organisation. Nous travaillons beaucoup, mais si j’ai besoin de partir à 16 h et que rien ne s’y oppose, je peux le faire. » La confiance garantit que chacun fasse les bons arbitrages entre vie personnelle et professionnelle, entre impératifs individuels et nécessités de la vie d’équipe. Deux autres composantes vont de soi dans l’organisation du futur – mais pas toujours dans celle d’aujourd’hui. La première, c’est la place particulière accordée à « la reconnaissance et au feed-back, qu’il soit positif ou négatif. La seconde, c’est la flexibilité offerte aux salariés ». « Le télétravail fait partie de notre ADN, poursuit la DRH de Shine. Nous n’avons pas attendu le Covid pour le mettre en place. Les gens ne veulent plus attendre leur retraite pour profiter de leur quotidien ou vivre où ils le souhaitent. » Comme la plupart des observateurs, Mathilde Callède a constaté un avant et un après Covid en matière d’organisation du travail. Le télétravail, quand il est possible, tend à devenir une norme. Plus généralement, le rapport à la flexibilité a réellement changé. « Le monde du travail cherche davantage à s’articuler autour des individus. Il y a davantage d’écoute des attentes individuelles. » En parallèle de ces trois piliers, la place des RH doit être centrale dans la gouvernance. « Je fais partie du Comex et je participe aux décisions les plus stratégiques. » Une caractéristique incontournable de l’entreprise de demain.

LE RÔLE DES PROCESS

Transformer les mentalités est important, mais cela ne suffit pas. Dans une entreprise comme Shine, où l’on est passé rapidement de 20 ou 30 collaborateurs à 300, « ce qui a le plus changé, ce sont les process. La flexibilité et le télétravail ne fonctionnent que si l’on met en place des règles, un cadre adapté ». De quel type de process parle-t-on ? « Les employés indiquent via des outils digitaux si et quand ils sont au bureau. Cela permet d’automatiser le suivi et de produire des indicateurs, comme le taux de fréquentation des bureaux. » Il est alors possible de faire évoluer les espaces de travail en fonction des besoins. Dans le respect, toujours, de l’équilibre entre individuel et collectif. D’autres facteurs influent sur le cadre du travail : c’est le cas de l’enjeu écologique. « Les top managers se déplacent moins, les séminaires d’entreprise ne se font plus à l’autre bout du globe. » Parfois, l’impact est plus indirect, à travers les choix en matière de restauration d’entreprise ou d’organisation d’événements dont l’empreinte environnementale est potentiellement importante. « Chez Shine, tous les repas sont végétariens », précise Mathilde Callède.

VERS UNE STANDARDISATION DES PRATIQUES

Les tendances de fond de l’organisation de demain sont déjà en place. Selon Mathilde Callède, les années à venir amèneront, davantage que de nouvelles pratiques, une uniformisation de celles qui existent dans les entreprises les plus en pointe. Ainsi, « la considération du bien-être des salariés ne sera plus une option, mais un nouveau standard ». Un aspect va cependant devoir changer : c’est la transparence des salaires. « Nous l’avons toujours pratiquée chez Shine. Les rémunérations sont consultables en ligne depuis 2018. Mais nous sommes très minoritaires. Or, une directive européenne va imposer la transparence des salaires aux entreprises de 250 salariés et plus, et je suis convaincue que l’obligation sera étendue aux entreprises de taille plus réduite. » Un changement culturel profond dans la plupart des entreprises, qui va modifier l’expérience de travail au bénéfice de la confiance.

CHANGER LES RÈGLES ET LES MENTALITÉS

Qu’est-ce qui empêche encore ce Future of Work d’advenir pleinement ? L’un des freins est le cadre réglementaire et légal. « Je suis pour qu’il y ait des règles, mais elles doivent être adaptées », estime la DRH. Aujourd’hui, même après les changements issus du Covid, le Code du travail ne prévoit pas vraiment tous les cas d’usage du télétravail. « Si par exemple un salarié travaille à Paris mais souhaite déménager dans une autre ville, pour la qualité et le coût de la vie, l’entreprise n’a le choix qu’entre 1) refuser et 2) accepter mais en prenant tous les déplacements à sa charge… » Un manque de souplesse qui contraint inutilement la mise en place de l’organisation hybride. Ensuite, il y a, encore, les mentalités. Vis-à-vis de la flexibilité et du télétravail, « beaucoup craignent que les salariés abusent de cette liberté. Je pense que ces comportements existeront, mais pas davantage qu’auparavant. Il y a toujours eu des gens qui passaient leur journée derrière la machine à café ! » En clair, il n’y a rien à perdre à faire confiance. Le futur du travail est en germe dans le présent de l’entreprise : il ne reste plus qu’à mettre en avant les réussites et les bonnes pratiques, dans leur diversité. Et toutes partagent un ingrédient secret : la confiance.

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Crédit photo : Christophe Boulze



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