tribunes

Pour une politique RH plus LGBT-friendly !

le 08 octobre 2014

Une entreprise qui ne compte aucun salarié gay, lesbienne, bisexuel ou trans, cela n’existe pas.  C’est un fait statistique. On estime qu’ils représentent 6 à 10% de la masse en salariale en France. Déployer une politique RH qui appréhende la non-discrimination des salariés LGBT est un enjeu de management qui ne peut plus être remis à demain. Voici 5 raisons de passer à l’action dès maintenant.

1. Cloisonner vie privée / vie professionnelle, c’est se mettre le doigt dans l’œil

Dire que l’orientation sexuelle doit rester dans le domaine de la sphère privée, c’est faire une terrible confusion entre sexe et sexualité. La vie personnelle d’une personne n’est jamais absente du lieu de travail : on raconte son week-end à la machine à café, on affiche la photo de sa moitié sur son bureau, on évoque la scolarité de ses enfants, on amène son partenaire aux diners d’entreprise… Ces moments précieux pour la sociabilité professionnelle, les personnes LGBT ne s’autorisent pas toujours à les vivre. Près d’un salarié sur deux estime que l’annonce de son homosexualité à un collègue contribuerait à mettre mal à l’aise le reste du personnel. Pour celles et ceux qui ont franchi le pas, plus d’une personne sur quatre avoue avoir constaté une détérioration de ses relations professionnelles après s’être dévoilée. Que l’on soit hétéro, gay, lesbienne, bi ou trans, c’est à chacun de trouver le bon équilibre entre vie privée et vie professionnelle. Chaque personne devrait se sentir libre de dévoiler les informations qu’elle souhaite sans craindre des conséquences pour son bien-être au travail, voire son développement de carrière. Les LGBT ne devraient pas avoir à cacher leur nature par peur du regard des autres mais seulement parce qu’elles estiment que cela ne regarde personne au travail. Comme un homme hétéro qui n’évoquerait pas son conjoint auprès de ses collègues de l’autre sexe… par choix.

2. Se taire, c’est accepter et être complice d’une souffrance au travail

67% des personnes homosexuelles interrogées souhaitent ne pas être visibles sur leur lieu de travail par crainte de conséquences négatives d’après l’étude La vie des LGBT au travail en 2011. En 2006, elles étaient davantage puisque 74% manifestaient ce sentiment.
Cette dissimulation de sa vie personnelle entraîne une certaine souffrance au travail puisqu’elle implique également le renoncement à certains droits comme les congés pour PACS/mariage, adoption, parentalité, etc.

Pour se rendre compte du poids du silence et de l’invisibilité subie, Marlies Demeulandre et Claire Beffa ont réalisé en mai 2014 une mini-série documentaire, intitulée Coming IN (la Clairière Production). L’objectif : donner la parole aux salarié-e-s LGBT en entreprise sur leur quotidien au bureau.

Dans une interview qu’elles ont accordée au site Yagg, Marlies Demeulandre et Claire Beffa évoquent la situation des lesbiennes et des gays dans le monde du travail :

« La question est une question de bien-être entreprise […] Quand on laisse une bonne partie de son identité à la porte de l’entreprise, finalement ça s’avère très complexe. C’est une gestion au quotidien de stratégie d’évitements, de masques et finalement tout cela nuit au travail. Renvoyer le sujet de l’orientation sexuelle à la sphère personnelle, c’est un faux et un mauvais débat en entreprise. Seulement la norme, qui est une norme hétérosexuelle, fait que l’on ne perçoit pas quand on est dans le fait majoritaire ».

3. Laisser faire, c’est exposer les LGBT au « plafond de roses »

Les LGBT qui assument leur identité font face pour leur part au « plafond de roses », c’est-à-dire le  fameux plafond de verre version LGBT, qui freine le développement de carrière pour des raisons autres que professionnelles.

20% des salariés LGBT français déclarent avoir été victimes de discrimination à l’embauche ou dans leur emploi au cours des 12 derniers mois, selon une une étude publiée en 2013 par l’Agence pour les droits fondamentaux de l’Union européenne. Les salariés LGBT disent avoir été questionnés sur leur orientation sexuelle lors d’un entretien ou d’un test d’embauche au motif que recruteurs estiment que cet élément est un frein à l’intégration au sein de l’entreprise.

Un écart de salaire de 6 % à 7 % dans le secteur privé et de 5 % à 6 % dans le secteur public est observé pour les personnes déclarant vivre en couple avec une personne de même sexe, ce qui est le seul indice statistique disponible de l’orientation sexuelle, dévoilait l’INSEE en avril 2014. Ces écarts de salaire s’accroissent avec la qualification et l’âge des personnes.

 

4. Attendre, c’est être en retard sur les questions de société et nuire à sa marque employeur

Certaines entreprises n’ont pas attendu que les politiques légifèrent pour prendre des positions fortes en faveur des salariés LGBT. En 2007, Eau de Paris est la première entreprise française à accorder les mêmes congés de parentalité aux couples hétérosexuels et homosexuels. D’autres entreprises ont suivi quelques années plus tard comme SFR, Renault, GDF Suez, etc.
En 2010, IBM France a proposé une adaptation de poste pour une personne en transition sexuelle. Occupant une fonction en contact régulier avec la clientèle, le salarié s’est vu proposer de façon temporaire, un emploi où les échanges se font essentiellement par téléphone.
En 2013, l’association l’Autre Cercle initie avec Accenture, la première charte d’engagement LGBT, qui vise à créer un environnement inclusif pour les collaboratrices et les collaborateurs LGBT (égalité de droit et de traitement, soutien aux victimes en cas d’actes discriminatoires, etc.), à mesurer les avancées réalisées et à faire partager les bonnes pratiques pour faire évoluer l’environnement professionnel général. Parmi les signataires : Alcatel-Lucent, le Groupe Casino, DELL, Eau de Paris, IBM, Orange, Randstad, Veolia, Areva, Michael Page, Monoprix, la Lyonnaise des eaux, Barclays, BP, Groupe Volvo, la Société Générale, Vinci Autoroutes, FACE Hérault…

Des avancées symboliques puisque seuls 7% des entreprises ayant formalisé une politique de diversité, mentionnent explicitement leurs positions sur les questions LGBT selon IMS Entreprendre pour la Cité.

 5. Agir, c’est assurer l’égalité et la sécurité de tous

La prise de conscience que chaque employeur et tout responsable RH est concerné, représente le premier pas. Mais ensuite ? Comment passer du constat à l’action ?

Tout d’abord, par un diagnostic, piloté par le service RH, sur l’ensemble des salariés : subissent-ils sur le lieu de travail, des moqueries ou des insultes à propos de leur identité ou de leur orientation sexuelle ? A propos de leurs droits, sont-ils traités comme n’importe quels salariés ?

A partir de ces résultats, le service RH peut affirmer son souci de non-discrimination envers les salariés LGBT en analysant ses pratiques et en formalisant un code de conduite ou en négociant la signature d’un accord-cadre avec les partenaires sociaux.

Ces annonces, décisives en termes de message envoyé, doivent préparer le terrain aux mesures concrètes pour favoriser le recrutement et l’intégration de l’ensemble des salariés quelle que soit leur orientation ou leur identité sexuelle. Par exemple, le changement de la mention du sexe sur les fiches d’état civil est une procédure qui peut durer 7 ans en moyenne. Durant cette période, le salarié se heurte à l’ensemble des processus inadéquats entre ses papiers d’identité et son apparence physique si les processus RH et la gestion administrative ne sont pas adaptés.

Des actions de sensibilisation à la diversité permettent par ailleurs d’instaurer le dialogue entre les différentes parties prenantes de l’entreprise. Les syndicats et les managers peuvent participer à des sessions de formation pour, par exemple, comprendre l’impact du langage utilisé : parler de « partenaire » et non de « conjoint » est moins excluant. Un autre volet de la formation, toujours pour les managers et les représentants du personnel, peut aborder l’accompagnement de personnes victimes de discrimination du fait de leur orientation ou de leur identité sexuelle.

Toutes les actions qui préviennent la LGBTphobie et favorisent l’épanouissement au travail facilitent le coming-out des salariés et diminue le risque de discrimination dans l’entreprise.

Maintenant n’attendons plus.

Faisons le premier pas.

Réseaux,  outils et fiches pratiques pour aller plus loin et passer à l’action :

Des associations comme l’Autre Cercle, Homoboulot, l’Inter-LGBT, etc. (liste non exhaustive) proposent également un accompagnement adapté à chaque entreprise.

 Crédit photo : Fotolia – © Karen Roach

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