Cahier de tendances 2023

RSE : « Les DRH sont en première ligne de ces enjeux » (Olivier Graffin, AFNOR)

72 % des décideurs RH estiment que la RSE est traitée majoritairement par la fonction RH. Comment négocier ce tournant majeur ? Entretien avec Olivier Graffin, coordinateur de l’offre Santé et sécurité au travail et développement durable, au sein de l’AFNOR.

Comment définiriez-vous la RSE ?

Je citerais la définition contenue dans la norme volontaire ISO 26000 qui y fait référence : il s’agit de la « responsabilité d’une organisation vis-à-vis des impacts de ses décisions et de ses activités sur la société et sur l’environnement, se traduisant par un comportement transparent et éthique qui contribue au développement durable y compris à la santé et au bien-être de la société ».
Le développement durable renvoie lui-même aux 17 grands objectifs définis par l’ONU pour 2030, et dont beaucoup concernent directement ou indirectement les DRH et les entreprises. Par leurs bonnes pratiques, leurs messages, leur influence, leur maîtrise des impacts de leur action, les acteurs économiques ont une responsabilité vis-à-vis du développement durable et de l’avenir de la planète. Le rapport Brundtland de 1987, texte fondateur du développement durable, le définissait comme : « un mode de développement qui répond aux besoins des générations présentes sans compromettre la capacité des générations futures de répondre aux leurs. »

Quelles sont pour vous les implications RH de la RSE dans les entreprises ?

Les décideurs RH se retrouvent aux commandes pour tout ce qui concerne le pilier « social » de la RSE. Par le passé, on a beaucoup restreint les démarches RSE à leur seul axe environnemental. Pourtant, la thématique englobe des sujets qui touchent de près à la RH : la qualité de vie au travail, la santé et la sécurité, la rémunération, la formation, la diversité, l’égalité professionnelle, l’intégration des personnes en situation de handicap, la lutte contre les discriminations.
Le développement des compétences est également un thème majeur de la RSE qui implique les ressources humaines. Accompagner la formation des collaborateurs sur la gestion des déchets, les éco-gestes etc., tout cela participe de la mission des DRH pour garantir la qualité d’une production mais aussi inculquer à chaque collaborateur une culture de la responsabilité. En résumé, RSE et ressources humaines sont indéniablement liées.

Comment les équipes AFNOR soutiennent-elles la transition de la fonction RH vers ces nouveaux engagements ?

Le groupe AFNOR dans toutes ses dimensions est là pour apporter de la confiance et faire émerger des solutions partagées.
Les normes volontaires, qui sont des guides de références, apportent des conseils quant à la manière d’agir dans son organisation pour répondre aux nombreux enjeux de la RSE. La norme internationale ISO analyse le comportement d’une organisation dans le but de déterminer dans quelle mesure ses décisions et ses activités contribuent à la RSE, de manière transparente et éthique. Il existe par ailleurs d’autres normes volontaires dédiées plus spécifiquement à des domaines RH, comme par exemple la mesure du capital humain.

Les entreprises ont aussi besoin d’accompagnement du changement. Nous avons notamment développé l’offre Impulse, qui va de l’écoute des collaborateurs à la mise en place d’actions. Nous formons également à la gestion de projet QVT et à la construction/mise en œuvre de la responsabilité sociétale.
Enfin, nous labellisons les démarches RSE des entreprises sur toutes les grandes thématiques de la RSE, gouvernance, ancrage territorial, formation, diversité, égalité… Aujourd’hui, près du quart des organisations disposent d’unRSE ou d’un signe de reconnaissance en lien avec le sujet, et 45 % prévoient d’en obtenir un, selon notre étude Afnor-OpinionWay de l’été 2022. Les retours d’expérience sont très positifs : une enquête révèle que les entreprises labellisées ont pu faire baisser considérablement le turnover – entre 5 % et 68 % de diminution – et les accidents du travail et maladies professionnelles dans des proportions comparables.

Les événements des 2 dernières années affectent-ils selon vous l’approche RSE des entreprises et les attentes des salariés ?

La crise a suscité beaucoup de questionnements dans les entreprises. Les salariés se sont souvent interrogés sur la signification de leur travail et de leur engagement. La loi Pacte de 2019 avait préparé le terrain en créant la notion de « raison d’être » à l’intention des entreprises. Mais une raison d’être ne se sort pas du chapeau, et le fait de l’afficher ne signifie pas qu’on la vit et qu’on la partage avec l’ensemble des collaborateurs.
La démarche RSE permet de passer en revue les enjeux, de questionner l’entreprise sur les impacts concrets de ses pratiques, d’embarquer les collaborateurs dans l’élaboration d’une vision partagée de la responsabilité, et ce faisant, de renforcer l’engagement et l’implication des salariés. Les démarches RSE enclenchées à la faveur de la crise ont été salutaires pour beaucoup d’entreprises, et ont renforcé la place des DRH. Nous observons que les entreprises viennent nous voir de plus en plus souvent pour des sujets RSE de plus en plus sociaux.

Dans votre expérience, quel est le rôle des RH en matière de RSE ?

Historiquement, nos interlocuteurs étaient les responsables qualité, environnement, hygiène et sécurité. Puis, à mesure que les thématiques RSE se sont diversifiées, nous avons vu arriver d’autres profils, des directeurs généraux, des DRH, parfois des directeurs de la communication. Quand nous rencontrons des PME, l’interlocuteur est en général le dirigeant lui-même : il cumule et la fonction RH et la fonction RSE. On voit bien dans cette typologie que les deux sont indissociables. Dès le niveau ETI/ Grands groupes, les DRH sont associés à la démarche. Parfois en tant que membres de l’équipe projet ; parfois aussi en tant que pilotes, voire directeurs RSE eux-mêmes.
Dans une entreprise à fort impact environnemental, comme dans l’industrie lourde, les enjeux RSE sont d’abord liés à l’empreinte écologique, mais aussi aux notions de pénibilité et d’attractivité. Il n’est donc pas rare que les DRH de ces entreprises viennent nous voir. Dans les services et les métiers à forte composante humaine, la RSE est beaucoup plus orientée « social ». Dans les majors du secteur de la propreté, par exemple, la RSE est fréquemment rattachée aux RH. Les directeurs de la RSE ou du développement viennent souvent de la fonction RH. Aujourd’hui, globalement, sept professionnels RH sur dix estiment que la RSE est traitée par la fonction RH au moins à 50 % !

Comment voyez-vous évoluer la problématique dans les années qui viennent ?

Le mouvement va s’accélérer : la transition écologique et énergétique va entraîner une transformation de la société et des modes de production, qui elle-même va nécessiter un bouleversement des métiers. Les RH seront en première ligne, pour lutter contre les réticences au changement et accompagner la formation aux compétences et aux métiers de demain, qui pour beaucoup n’existent pas encore. Il n’y aura pas de stratégie RSE sans fonction RH fortement impliquée. Pour aller plus loin, maintenant que les directions RH maîtrisent de mieux en mieux la dimension humaine de la RSE, je recommande qu’elles se forment plus sur l’ancrage territorial, l’environnement et la gouvernance. C’est leur challenge pour les cinq prochaines années.

Retrouvez cet article et bien plus encore dans notre Cahier de tendances RH ! À travers des portraits de DRH, des interviews d’experts ou encore des chiffres-clés, nous décryptons pour vous les 10 tendances RH qui rythmeront l’année 2023. Un grand merci à nos partenaires Lucca, Cornerstone, GoodHabitz, Afnor, Golden Bees, United Heroes, Universum, Actinuum, Swile, LinkedIn Talent Solutions sans qui ce cahier n’aurait pu voir le jour.

> Retrouvez aussi notre dossier complet, alimenté régulièrement. Il regroupera à terme tous les articles du Cahier de tendances.

Bertrand écrit depuis 1999 pour les entreprises et les institutions, sur les grands enjeux socio-économiques, les RH et la protection sociale. Auprès d’un organisme interprofessionnel nordiste, en freelance après 2010, puis au sein de Parlons RH, il s’attache à rendre accessibles des problématiques complexes sous tout format, du livre d’histoire au billet de blog. Bertrand est diplômé de l’IEP Paris et titulaire d’un Master II en histoire économique contemporaine.

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