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L’organisation hybride, transformation systémique

Dans le « monde d’après », l’organisation du travail ne sera pas autant « pas comme avant » qu’on ne l’a pensé un temps. Mais elle n’a pas fini de se transformer et de transformer l’entreprise avec elle.

Les crises ont la faculté de faire évoluer les perceptions sans que personne ne s’en rende vraiment compte. Il y a une phase d’effroi, puis une phase d’euphorie, tout va changer, et puis finalement non, pas tant que ça, et puis tout semble rentrer dans l’ordre. Mais en réalité, nous avons fait trois pas en avant et deux pas en arrière. Et ce pas de différence a changé la donne. Les lignes ont bougé. Vis-à-vis du travail à distance, le peloton s’est étiré. Les conservateurs veulent ressusciter 2019. Certains ne sont pas trop concernés. D’autres le pratiquaient « before it was cool ». Et enfin beaucoup s’y sont mis, en partant de peu ou non. Notons également le snobisme suprême d’Elon Musk, apôtre d’une humanité transformée, qui s’offre le luxe de s’inscrire en rupture avec la nouvelle doxa pro-télétravail.

Globalement, le rapport au lieu de travail a irrémédiablement changé, les modalités de travail alternatives au CDI s’ancrent dans le quotidien, la souplesse s’est insinuée partout où c’était possible – ou presque. Le slogan longtemps creux de l’organisation hybride s’est rempli d’expériences vécues et de mutations managériales concrètes. L’heure n’est plus à ce constat mais à la gestion des conséquences : maintenir l’unité dans la diversité des statuts et l’éparpillement des présences, mesurer et gérer la performance dans le nouvel environnement, guetter l’avènement des effets secondaires imprévisibles qui accompagnent toute transformation. Les DRH seront fortement sollicités pour trouver et faire évoluer ces nouveaux équilibres.

1. Dompter l’organisation hybride

Le fauve télétravail est lâché, et il n’est pas près de rentrer au bercail. Rappelons une évidence : le travail à distance ne s’applique pas à tout le monde, mais il concerne toutes les entreprises. Trouver la juste règle, qui garantisse tout à la fois le maintien de la performance, une dose de liberté et d’autonomie, l’efficience du collectif et l’égalité de traitement : telle est la tâche à laquelle la fonction RH s’est attelée depuis la sortie du premier confinement, et qui sans nul doute requerra encore bien des essais et erreurs pour arriver à complétion.

Le vertige de l’organisation hybride naît de la multiplicité des variables en jeu. C’est une transformation systémique, qui combine une dimension humaine, des enjeux de performance, un volet légal et conventionnel, des conséquences immobilières, de l’équipement informatique et mobilier, de la formation, de la prévention des risques, de la marque employeur… Il faut adapter l’onboarding, mettre en place des relations humaines qui autrefois se formaient spontanément, être à l’affût des bruits bizarres que peut émettre une organisation nouvelle. La multidisciplinarité de la fonction RH est mobilisée tout entière.

2. Le lieu de travail déstructuré

En 2020, l’espace de quelques semaines, l’entreprise a vécu une expérience de décorporation. Elle est sortie de son corps physique pour se contempler de l’extérieur, et a pu constater qu’elle avait une existence en dehors de sa réalité physique. Cette dernière a ensuite repris ses droits, mais quelque chose avait changé.

Depuis, nombre d’entreprises ont fait évoluer leurs locaux, parfois de façon presque imperceptible, parfois de façon radicale. Des morceaux de bureau se sont introduits au domicile des collaborateurs, jusqu’alors inviolable sanctuaire de la vie privée.

Des particules d’entreprise se sont éparpillées plus loin, dans des lieux parfois dédiés au travail, parfois non. Avec, en parallèle, une nécessaire évolution vers l’autonomisation et le management par projet, qui à terme ne peut manquer d’affecter également les collaborateurs présentiels. Les effets de cette transformation n’ont pas fini de se déployer.

3. Les nouvelles formes de travail : une non-tendance ?

Selon l’Insee, les indépendants représentent 12,6 % des actifs aujourd’hui. C’est deux points de plus qu’en 2008, et 6 de moins qu’en 1982. Deux points de pourcentage : voilà l’impact de la gig economy. Ce n’est pas rien. Mais les CDI continuent à représenter trois actifs sur quatre, sans tendance baissière. Et le modèle Uber rencontre bien des déboires.

Alors, où se situe le changement ? D’abord dans la banalisation et l’acceptabilité croissante des statuts alternatifs (microentreprise et portage surtout). Mais aussi dans la convergence des modes d’être au travail : le salarié en distanciel qui vient deux fois par semaine au bureau vit un quotidien de plus en plus proche de celui de l’indépendant.

4. La semaine de 4 jours

À l’heure où l’on parle de travailler davantage pour financer le modèle social, la transition écologique et la reprise économique, la semaine de quatre jours peut faire figure de provocation. Indépendamment de ce débat macroéconomique qui nous dépasse, la tendance est pourtant bien là. Sera-t-elle pour tout le monde ? Sans doute pas. Risque-t-elle de souffrir en cas d’inversion de la conjoncture ? Probablement. Porte-t-elle en germe de nouvelles inégalités dans l’organisation du travail ? Il y a des chances. Pour autant, la proposition est dans l’air, des entreprises la mettent en place, les Britanniques l’étudient, et elle sera sur la table et dans les esprits dans les années à venir.

5. Le retour en force du dialogue social

La crise a entraîné une vague d’accords collectifs autour de l’organisation du travail et du distanciel. Or, en matière de télétravail, le législateur a veillé à ce que ni l’employeur ni le salarié ne puissent imposer leur choix – sauf circonstances exceptionnelles. En somme, les accords de télétravail, c’est un peu comme l’élection du pape : on est obligés de s’entendre. La plupart du temps, la fumée blanche est venue annoncer des avancées significatives par rapport à la situation d’avant-crise. Mais en matière de dialogue social, aucun thème n’est jamais isolé. La question du télétravail aura débordé sur tous les autres aspects de l’organisation de l’entreprise. Et cette dynamique va se poursuivre dans les mois et années à venir, à mesure que les accords existants seront évalués et modifiés.

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Avant de rejoindre Parlons RH en tant que Chef de projet média, Fabien était journaliste et community manager pour Courrier Cadres. Il a également écrit, en tant que freelance, pour plusieurs sites et magazines économiques et high-tech. Au fil de ses expériences, Fabien a développé une solide expertise éditoriale en matière de management et de RH. Il est diplômé de l’École de journalisme de Toulouse, titulaire d’une Licence d’Histoire et d’un Master 1 de chargé de communication obtenu à l’EFAP.

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