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« Le talent management de demain passera par une réflexion sur le travail lui-même »

Face à une pénurie de compétences toujours plus importante, il est essentiel pour les entreprises d’attirer et de fidéliser les talents. Mais tandis que nous entrons dans l’ère (post-Covid) du travail hybride, il semble nécessaire d’aller plus loin que les simples augmentations de salaire, ou que le package de rémunération globale. Pour Loïc Le Morlec, spécialiste en organisation et en RH, le talent management de demain passera par la « ré-humanisation » des entreprises, et par le questionnement de ces dernières sur la nature même du travail.

Les entreprises font face à une guerre des talents intense, que la crise du Covid semble avoir renforcé. Quel est son impact réel, selon vous ?

On voit de nombreuses entreprises qui ne parviennent pas à recruter ou à conserver leurs talents, malgré de nombreux avantages sociaux (RTT, 13e mois…), parce que les salariés sont désormais à la recherche d’autre chose : des tâches qui aient du sens et un vrai impact, des perspectives de carrière, un management différent et un meilleur équilibre des temps de vie.

Le télétravail confiné, en 2020-2021, a montré que l’on pouvait concilier sa vie professionnelle et sa vie personnelle, tout en restant performant. Aujourd’hui, alors que le travail hybride tend à s’imposer, il reste encore difficile de faire revenir certains salariés au bureau pour cette raison : en quoi le travail au bureau sera-t-il différent de celui mené à domicile ? Le choc de la crise sanitaire a entraîné une réflexion globale sur le travail même, sur sa nature, et pas simplement ce qu’il y a autour du travail. Pour attirer et garder leurs talents, les entreprises ont tout intérêt, aujourd’hui, à sortir de toutes ces années d’errements à base de baby foot et de corbeilles de fruits : le bien-être au travail passe après le bien-être dans le travail.

Selon vous, en matière de talent management, il faudrait avant tout « ré-humaniser » l’entreprise…

Le problème de la guerre des talents existait déjà avant la crise, mais celle-ci nous aura montré qu’avant tout, pour attirer et fidéliser les salariés, l’enjeu est de ré-humaniser l’entreprise. D’abord, en donnant plus de poids au collectif, afin de mieux traiter les problématiques de la charge de travail et des tensions dans les équipes. Ensuite, en renforçant la coopération, plutôt que la coordination et le suivi des process ; partager des choses ensemble étant notamment ce qui pourrait redonner de l’intérêt au travail en présentiel. Enfin, en mettant plus que jamais en place les meilleures conditions possibles d’acquisition de la connaissance. Pourquoi pas en développant une véritable organisation apprenante, où l’on dédierait des temps de travail à la formation et à l’apprentissage sous toutes ses formes.

Trop d’entreprises, en particulier des grands groupes, ont une vision centrée sur l’efficacité et les résultats de court terme. Cela les pousse à demander toujours plus aux salariés, notamment au détriment de leurs vies personnelles, tout en attendant d’eux qu’ils restent engagés. Mais aujourd’hui, le fait de s’investir au travail est un choix personnel, tout comme celui de privilégier son équilibre personnel. Cette importance qu’a pris l’équilibre vie pro-vie perso devra donc conduire demain les organisations à se questionner sur le travail, ainsi que sur la constitution de la performance. Par exemple, plutôt que de rechercher une performance à court terme, elles pourraient se diriger vers une performance de long terme, durable, avec pourquoi pas un impact social et sociétal.

Ce n’est pas en augmentant les salaires et en améliorant le package de rémunération globale que la plupart des salariés resteront. Ils réclament une autre stratégie organisationnelle, ainsi qu’une autre culture d’entreprise.

Certains avantages sociaux innovants, comme la semaine de 4 jours, les vacances illimitées et les congés flexibles, sont-ils malgré tout intéressants pour attirer et fidéliser les talents ?

Selon moi, ces avantages sociaux ne sont intéressants que s’ils s’incrivent dans une réflexion globale. Si votre travail a plus d’impacts négatifs que positifs sur votre vie personnelle, il ne servira à rien de vous donner plus de RTT.

Même si la semaine de 4 jours est une véritable avancée, il n’est plus possible de se contenter de distribuer, par-ci par-là, de petits avantages. Il y a, encore une fois, une véritable réflexion de fonds à mener, qui conduira sans doute certaines entreprises à réaliser de grandes transformations.

Demain, les entreprises devront écouter leurs collaborateurs et faire attention à leurs attentes s’ils souhaitent les retenir.  Aujourd’hui, à l’ère post Covid, les salariés (quel que soit leur âge) veulent avant tout une bonne qualité de vie au travail, un climat interne sain, une vie personnelle valorisée et réellement prise en compte, un travail différent selon le lieu où il s’exerce (présentiel / distanciel), ainsi qu’un management différent (bienveillant et basé sur la confiance). En plus de la possibilité d’évoluer et d’apprendre. Ces attentes à ne pas négliger devraient rester incontournables pendant un bon bout de temps.

Crédit photo : Shutterstock / GaudiLab

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Avant de rejoindre Parlons RH en tant que Chef de projet média, Fabien était journaliste et community manager pour Courrier Cadres. Il a également écrit, en tant que freelance, pour plusieurs sites et magazines économiques et high-tech. Au fil de ses expériences, Fabien a développé une solide expertise éditoriale en matière de management et de RH. Il est diplômé de l’École de journalisme de Toulouse, titulaire d’une Licence d’Histoire et d’un Master 1 de chargé de communication obtenu à l’EFAP.

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