Cahier de tendances 2023

« Le SIRH doit être l’écrin qui accueille les nouvelles normes de travail » (Charles de Fréminville, Lucca)

L’organisation du travail n’a pas fini sa transformation : les nouveaux processus et usages sont en rodage. Ancien consultant, entrepreneur, tout récent DRH de Lucca, Charles de Fréminville nous explique en quoi le SIRH peut y aider.

L’organisation du travail a-t-elle fini d’intégrer les transformations de la crise sanitaire ?

L’entreprise aujourd’hui fait penser à un boa qui aurait avalé un éléphant… La crise a représenté un changement radical et rapide, et il faut du temps pour digérer. Les outils digitaux du travail à distance ont été bien intégrés par la plupart des entreprises. Les usages commencent également à entrer dans les mœurs : il est de mieux en mieux admis que des collaborateurs télétravaillent plusieurs jours par semaine. Le point le plus incertain reste celui des processus, qui sont encore en cours de stabilisation dans beaucoup d’organisations.

Pour prendre un exemple, chez Lucca, nous avions commencé par dupliquer notre processus d’onboarding en distanciel. Les candidats enchaînaient les rencontres en visioconférence,
parfois avec une vingtaine de personnes différentes. Nous avons analysé le problème, et nous avons basculé sur un parcours hybride dans lequel les interactions avec des interlocuteurs internes alternent désormais avec des quiz et des vidéos depuis une plateforme de LMS.

Un aspect intéressant est le rapport au territoire que l’hybride permet. Avant la crise, nous étions implantés à Nantes et à Paris. Nous avons depuis longtemps quelques cas isolés de collaborateurs en full remote (dont un en Allemagne), mais en règle générale nous préférons ouvrir des bureaux en province lorsque plusieurs personnes manifestent l’envie de quitter Paris. Nous l’avons fait à Marseille, et nous l’envisageons aujourd’hui à Toulouse. Quand plusieurs collaborateurs s’installent dans une même ville, de nouvelles questions se posent : faut-il louer un espace de coworking, ou des locaux dédiés ? Ou chacun reste-t-il chez lui et s’organise de façon informelle ?

La question de la flexibilité du lieu de travail se posait déjà avant la pandémie, et tous les outils existaient déjà. La crise sanitaire est un peu le coup du destin qui a forcé les organisations à se mettre en marche sur ce point. En revanche, c’est le rapport au temps de travail qui aujourd’hui questionne beaucoup les salariés et donc les entreprises. Horaires à la carte, semaine de quatre jours sont des phénomènes nouveaux dont nous n’avons pas fini d’entendre parler.

Quels sont les principaux défis que doit affronter aujourd’hui l’organisation hybride du travail ?

Certaines questions légales ne sont pas encore entièrement tranchées. Par exemple, sous prétexte que mon collaborateur se sent plus productif entre 22 h et 4 h du matin, dois-je le laisser faire ? L’impact sur la santé, mais aussi sur le travail d’équipe, est à prendre en compte – doit-on éviter les réunions du matin pour s’adapter aux horaires atypiques d’un collaborateur ?

Il s’agit d’un enjeu de liberté, d’efficacité collective, de droit à la déconnexion et de conciliation vie personnelle/vie professionnelle ; mais aussi d’un enjeu sanitaire. L’entreprise est responsable de la santé physique et mentale de ses collaborateurs. Le principal filet de sécurité que l’on peut mettre en place, c’est le contrôle de la charge, du temps de travail effectué. D’où le retour inattendu des outils de suivi des temps.

Même si l’entreprise a toujours eu l’obligation de vérifier la durée de travail effectif de ses salariés, dans les faits, elle ne le pratiquait que rarement. Aujourd’hui, les entreprises réfléchissent à réinstaurer du contrôle, même par voie autodéclarative.

Quel est le rôle du SIRH dans la transformation, et en quoi est-il impacté ?

Du point de vue de Lucca, je dirais que notre SIRH nous a permis de gagner en productivité sur les processus administratifs et ainsi de consacrer plus de temps à nos collaborateurs, en particulier sur les questions de management à distance, d’organisation et d’équilibre vie professionnelle-vie personnelle.
La gestion des jours de télétravail est aujourd’hui une brique essentielle du SIRH. Il est important pour tous de pouvoir savoir qui est au bureau à quel moment. Cela nous permet également de suivre des indicateurs plus macro comme le nombre de personnes réellement présentes chaque jour. Chez Lucca, par exemple, nous avons planifié les activités proposées aux collaborateurs les jours où ils sont majoritairement présents.

Autre point : quand on ne croise plus les collaborateurs tous les jours, il est encore plus essentiel de fixer des objectifs bien cadrés, explicites, avec des niveaux de progression clairement définis. La partie « talent » du SIRH contribue largement à l’efficacité de ce suivi, qui ne peut plus se limiter aux entretiens annuels. Mais la centralisation des données RH sert aussi aux managers et aux RH à identifier plus facilement les belles performances et à créer des parcours de carrière pour les leaders de demain.

Un SIRH complet doit aussi comporter un module de sondage pour suivre le ressenti et l’engagement des collaborateurs. À distance, les difficultés et les besoins des salariés sont moins évidents à percevoir. Enfin, les collaborateurs doivent pouvoir faire leurs demandes de formation directement dans le SIRH.
Globalement, le SIRH doit être l’écrin qui permet à l’entreprise d’accueillir toutes ces nouvelles normes de travail. C’est grâce à lui que l’on peut cadrer les nouveaux processus et les nouveaux usages.

Quels sont les risques à prendre en compte dans le déploiement/l’évolution d’un SIRH ?

Le principal danger est celui de l’usine à gaz. Nous déployons des SIRH depuis 20 ans, et nous n’avons pas changé de point de vue : les outils doivent être conçus pour ceux qui les utilisent, pas pour ceux qui les achètent. Le collaborateur est un maillon essentiel de la chaîne de valeur du SIRH : il en est l’utilisateur. Il faut bannir les outils dont les collaborateurs ne se servent pas.

Faut-il répondre aux attentes des utilisateurs, ou les amener à changer leur façon de travailler ?

Il faut faire les deux. Les besoins des collaborateurs et des RH doivent être pris en compte, bien sûr. Mais avec 1,3 million de salariés couverts par nos solutions, nous commençons à avoir une idée des meilleures pratiques en matière d’organisation. Les utilisateurs entrent souvent dans l’outil avec des idées préconçues, puis ils s’aperçoivent que ça fonctionne, ce qui les amène à utiliser les autres briques.
Un exemple : les demandes de congés. Il y a quelque temps, les DRH étaient encore très réticents à mettre l’outil entre les mains du collaborateur. Ceux qui ont franchi le pas ont constaté que cela fonctionnait très bien, et que cela libérait beaucoup de temps et de charge mentale au service RH. La perception de l’outil a changé, et a permis l’adoption d’autres outils fonctionnant suivant le même principe. J’ajoute que le paramétrage des workflows dans le SIRH – la séquence des événements – permet véritablement d’influer sur la façon de travailler ensemble.


Retrouvez cet article et bien plus encore dans notre Cahier de tendances RH ! À travers des portraits de DRH, des interviews d’experts, ou encore des chiffres clés, on décrypte les 10 tendances RH qui rythmeront l’année 2023.

Un grand merci à nos partenaires LuccaCornerstoneGoodHabitzAfnorGolden BeesUnited HeroesUniversumActinuumSwileLinkedIn Talent Solutions sans qui ce cahier n’aurait pas pu voir le jour.

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Avant de rejoindre Parlons RH en tant que Content Manager, Thomas a exploré l’univers de la création de contenus lors de ses diverses expériences dans les secteurs de l’assurance, de la formation et de la tech. Aujourd’hui, il souhaite se recentrer sur ce qui l’anime le plus : le plaisir d’écrire et le goût des relations humaines. Après une Licence Économie Gestion, il a effectué un Master Marketing Digital à l’Université de Cergy-Pontoise.

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