Les millennials et la QVT : cent balles et un mars ?

Les jeunes, c’est connu, ont toujours été paresseux, scandaleusement exigeants, avides de succès facile et délivré tout cuit dans la bouche. Inutile d’aller puiser dans le réservoir des citations plus ou moins authentiques qui circulent sur le web pour vérifier l’ancienneté de cette certitude : elle est inhérente au processus de vieillissement (eh oui, toi, le jeune qui me lit, tu penseras tout pareil dans quelques années). Pour vérifier l’extravagance des attentes des jeunes d’aujourd’hui, le groupe CBRE, spécialiste de l’immobilier d’entreprise, a pris la question à bras-le-corps. En compagnie d’Ipsos, il est allé interroger 13 000 « millennials » de 12 pays sur leur conception du job parfait. Quelques chiffres marquants et une infographie.

 

Les « millennials », ça commence à faire du monde !

L’étude commence par une mise en perspective salutaire : les millennials, dans leur définition la plus large de personnes nées entre 1980 et 2000, représenteront tout simplement… la moitié de la population active mondiale en 2020 – c’est-à-dire après-demain. Dans la suite de l’enquête, un périmètre un peu plus restreint a été retenu : les 13 000 personnes interrogées ont entre 22 et 29 ans – ce qui les fait naître entre 1985 et 1994, en gros. C’est l’âge de la fin des études pour certains et de l’insertion dans la vie active pour la plupart.
 

 
On apprend que 64 % d’entre eux estiment avoir de la chance d’avoir un emploi : un chiffre qui varie certainement suivant les pays, et qu’on peut soupçonner d’augmenter avec l’âge. Ils sont à peu près autant (62 %) à préférer une carrière sage, chez un ou peu d’employeurs, à l’enchaînement frénétique d’expériences qui nous est souvent présenté comme l’inéluctable modèle de demain. Ce chiffre n’invalide pas d’ailleurs l’observation de ces nouveaux parcours « agiles » ; il souligne juste qu’il n’existe pas de modèle unique. Et tous les pays ne sont pas égaux face au phénomène : les jeunes allemands, les jeunes chinois se disent plus « fidèles » que la moyenne, les espagnols et les mexicains sensiblement moins.

Un peu dans le même ordre d’idées, les lieux de travail « collaboratifs », censés caractériser cette génération et son mode d’organisation, ne séduisent qu’un tiers des personnes interrogées. 42 % d’entre eux préfèrent encore avoir son propre bureau. A nouveau, tout le monde n’a pas la même idée du contexte de travail idéal : les jeunes d’Amérique du Nord (Etats-Unis, Canada, Mexique) valorisent le bureau individuel davantage que la moyenne, ceux d’autres pays comme le Royaume-Uni, l’Inde ou le Japon n’y tiennent pas plus que ça.

 

La QVT n’attend pas le nombre des années

La qualité de vie au travail compte beaucoup pour les millennials. Plus que pour leurs aînés ? Pour en juger, il aurait fallu poser exactement les mêmes questions à ceux-ci il y a vingt ans… Et ce qu’on sait des quadragénaires semble nous orienter au moins autant vers un phénomène d’époque que vers une spécificité générationnelle. Ce qui est sûr, c’est que les 22-29 ans interrogés valorisent beaucoup le cadre de travail. 78 % estiment que la QVT est importante, et 69 % (presque autant) sont prêts à faire des compromis, voire de vrais sacrifices, pour bénéficier d’un bon environnement professionnel.

Sur quels points sont-ils les plus disposés à transiger ? La notoriété et la taille de l’entreprise, garants de stabilité et de carrière, seraient volontiers sacrifiés par 23 % des répondants au profit d’un cadre de boulot plus attrayant. Un sur cinq est également prêt à aller plus loin de chez lui ou elle, voire dans une zone moins « sexy ».

 

Où fait-il bon travailler ?

Justement, qu’est-ce que c’est, « loin », pour un jeune ? Pour 45 % d’entre eux, 30 minutes de trajet, c’est vraiment le maximum. Et parmi ceux-ci, 15 % ne dépasseraient pas 20 minutes, voire 10 minutes pour 5 % d’entre eux.  Seuls 7 % envisagent de dépasser l’heure de trajet. On aimerait savoir ce qu’en pensent les plus âgés. Si ces attentes peuvent paraître exigeantes à certains franciliens, il ne faut pas oublier que le temps de trajet domicile-travail moyen se situe entre 25 et un peu plus de 30 minutes en France, qui n’est pas particulièrement bonne élève à ce point de vue.

Et qu’est-ce qu’une zone attractive pour aller travailler ? Les centres-villes réunissent le plus de suffrages (63 %), mais les banlieues (58 %) et les villes moyennes ou petites (55 %) ne suscitent pas le dégoût pour autant. Et la campagne attire quand même 28 % des jeunes interrogés.

 
En définitive, les attentes des jeunes ne paraissent pas déraisonnables, ni particulièrement en décalage par rapport à celles de leurs aînés – pour autant que l’on puisse en juger en l’absence de données directement comparables. Et les entreprises ont encore de la marge de progression : elles ne sont que 15 % à  proposer les services et équipements de bien-être que 36 % des jeunes appellent de leurs voeux ! Et comme le chantaient autrefois des jeunes nés dans les années 50 :

You don’t understand us
So don’t reprimand us
We’re taking the future
We don’t need no teacher
Born, born in the fifties.

(The Police, 1978)

Source : CBRE

 

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Bertrand écrit depuis 1999 pour les entreprises et les institutions, sur les grands enjeux socio-économiques, les RH et la protection sociale. Auprès d’un organisme interprofessionnel nordiste, en freelance après 2010, puis au sein de Parlons RH, il s’attache à rendre accessibles des problématiques complexes sous tout format, du livre d’histoire au billet de blog. Bertrand est diplômé de l’IEP Paris et titulaire d’un Master II en histoire économique contemporaine.

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