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La confiance en entreprise ne peut pas être aveugle

Avoir confiance en ses compétences, en l’autre, en l’avenir et en la réussite d’un projet commun, est primordial pour réussir dans un contexte professionnel qui évolue à toute vitesse. Toutefois, cette confiance doit s’accompagner de discernement et de pragmatisme pour innover et s’assurer d’un travail de qualité en entreprise.

Étymologiquement, le mot confiance prend ses racines du latin “confidentia” et “confidere”, deux mots signifiant “confier” et “se fier à”. Suivant ce sens, la confiance en soi serait « se fier à ses connaissances, ses compétences, son intuition, etc. » ; la confiance en l’autre serait « se fier aux connaissances, aux compétences de l’autre, à ce qu’il produit » ; et la confiance en l’avenir serait « se fier à ce qui adviendra avec optimisme ». La confiance n’existe pas en soi, elle est toujours à propos de quelque chose, et souvent à propos des personnes, alors qu’elle devrait se centrer sur le fruit du travail individuel ou collectif, sur ce que nous produisons.

En entreprise, ces trois dimensions de la confiance sont omniprésentes. De l’entretien d’embauche où le recruteur accorde sa confiance à un candidat, au candidat qui place en retour sa confiance dans l’entreprise en la rejoignant, au manager qui, en déléguant diverses tâches, fait aussi acte de confiance envers son équipe. La confiance est un élément central des relations professionnelles comme démontré dans le livre blanc PerformanSe « Peut-on vraiment se faire confiance au travail ? ». Pourtant, elle demeure complexe à appréhender, à donner et surtout à construire. Ne pas faire confiance peut engendrer de terribles conséquences pour l’entreprise (perte de temps, productivité en baisse, désengagement, démissions, etc.). Mais, donner sa confiance aveuglément n’est pas sans risque : cela peut également entraîner des erreurs et produire de la contre-performance. 

La confiance : un processus complexe en entreprise

La confiance au travail est un sujet extrêmement vaste, complexe, mouvant et propre à chacun. Une chose est sûre : souvent pensée de manière binaire, en réalité, elle ne peut pas être toute blanche ou toute noire. On ne peut pas faire entièrement confiance, ni pas du tout. Comme ailleurs, la confiance se construit, se donne, se perd parfois. Elle évolue selon les situations et les interactions. L’équilibre n’est pas facile à trouver ! Si la confiance est au cœur de la relation, elle se concrétise dans ce que nous produisons. Il s’agit de déplacer la focale trop fréquemment centrée sur les personnes, pour la recentrer sur l’objet concret (ce qui est produit) comme centre du travail. 

Si elle est si fragile et complexe à construire, c’est aussi parce que la confiance fait écho à notre propre vulnérabilité. Lorsque l’on accorde notre confiance à quelqu’un, on prend le risque d’être déçu, et in fine vulnérable face à notre propre échec. Un manager qui confie une mission à l’un de ses collaborateurs ne peut pas connaître à l’avance le résultat de son travail (même si par le passé, il était au rendez-vous). Il se met, d’une certaine manière, en position de vulnérabilité, prenant le risque que le collaborateur fasse des erreurs, voire qu’il échoue. Et c’est là tout l’enjeu : le manager doit savoir faire confiance, tout en gardant un œil sur ce qui est concrètement produit afin de limiter les risques d’erreurs. 

Faire confiance aveuglément : attention aux risques

Une confiance aveugle peut être définie, dans le milieu professionnel, comme confier un certain nombre de missions à un salarié, sans vérifier ni s’inquiéter du résultat final. Accordée sans discernement ou retenue, la confiance peut avoir des conséquences néfastes pour l’entreprise et le collaborateur. 

Risque d’erreur accru

Ne pas évaluer le travail d’un collaborateur, avec lui, c’est laisser libre cours à des erreurs qui auraient potentiellement pu être évitées. Si aucune vérification n’est effectuée et que chaque décision est prise en toute confiance, les erreurs passent généralement inaperçues jusqu’à ce qu’elles aient des conséquences négatives. Dans le pire des cas, ces erreurs peuvent entraîner des perturbations opérationnelles et une détérioration de la qualité des produits ou des services. 

Dilution de la responsabilité et exigence

Lorsque la confiance est placée sans discernement, les répercussions des erreurs sont classiquement attribuées aux personnes. La responsabilité est alors diluée dans le collectif. Or chacun doit être exigeant sur ses contributions, sur ce qu’il produit pour lui et pour les autres afin de limiter au maximum l’erreur individuelle. Si erreur il y a, une gestion collective de l’erreur devra d’abord être centrée sur sa réparation dans le but de fixer le problème. Chacun devra alors prendre sa part de responsabilité, sans reporter la faute sur l’autre. Dans le cas contraire, les solutions ne sont pas identifiées, les conflits émergent. Un climat de frustration peut se mettre en place et ralentir la production.  

Fermer la porte aux idées nouvelles et aux challenges

Les managers risqueraient de passer à côté de certaines idées innovantes à force de trop faire confiance, voire d’être confrontés à une baisse de motivation de leur équipe. En effet, une confiance aveugle peut parfois être assimilé à un manque de cadre et d’intérêt pour le travail des collaborateurs. Tandis qu’une confiance plus modérée, avec des vérifications conjointes et des échanges, laisse place aux challenges, à la réflexion et au dépassement de soi. 

Une question d’équilibre entre confiance et pragmatisme

Attention aux amalgames. Ne pas faire confiance aveuglément ne signifie pas ne pas faire confiance du tout, bien au contraire.  La posture du manager et celles des collaborateurs est centrale dans la capacité de chacun à se faire confiance et à faire confiance. Les intentions et les actes ont un poids important sur la confiance dès lors qu’il s’agit de vérification et de contrôle. Donner des responsabilités, favoriser l’expression des compétences des collaborateurs, vérifier, évaluer, challenger conjointement avec le collaborateur est un gage de performance.

En revanche, si les postures ne sont pas claires vis-à-vis de la vérification, de l’évaluation et qu’elles sont dirigées sur les personnes plutôt que d’assurer la qualité d’un travail commun, elles peuvent être interprétées comme un manque de confiance et mener à de la contre-performance. La productivité risque alors de diminuer, l’engagement également, la qualité des relations interpersonnelles et le climat de travail peuvent se détériorer.

La confiance ne peut pas être aveugle. Elle est indispensable, mais doit s’accompagner de pragmatisme en se centrant sur la réalisation du travail et d’une exigence bienveillante pour permettre la satisfaction individuelle et collective du travail bien fait, et la fierté de la réalisation concrète, synonyme de performance.

Crédit photo : Josep Suria

Docteur en sciences et techniques des activités sportives, et Responsable des programmes R&D au sein de PerformanSe, Arnaud Trenvouez est un spécialiste des questions de performance collective.

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