Formation professionnelle : « Il faut investir dans vos salariés ! »

Fin mai, à Paris, lors de la 3e édition de l’Observatoire des trajectoires professionnelles, la ministre du Travail Muriel Pénicaud prévient les chefs d’entreprise : la bataille des compétences sera mondiale, il est temps de réorganiser et d’encourager la formation professionnelle des collaborateurs.

 

Formation professionnelle : une solution pour lutter contre la pénurie de compétences

Pendant plusieurs mois, la ministre du Travail Muriel Pénicaud a parcouru le territoire pour défendre son projet de loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel. Alors qu’elle était le 4 mai à La Rochelle pour Les assises de l’emploi, Parlons RH a retrouvé sa trace le 28 mai à Paris, la veille de l’examen du projet en commission par les députés à l’Assemblée nationale.

En effet, c’est lors de la 3e édition de l’Observatoire des trajectoires professionnelles, organisée par le groupe Adecco, LHH Altedia ainsi que le Groupe IGS, que la ministre est revenue sur le chantier de rénovation du modèle social. Si elle s’est contentée d’évoquer les ordonnances sur le code du travail, elle a en revanche détaillé l’acte II de la politique menée par le gouvernement pour lutter contre le chômage de masse. Elaborer une stratégie de compétences ferait donc partie de la solution !

Petit rappel. Plus de 80 % des employeurs estiment que les difficultés de recrutement sont liées soit à une pénurie de candidats, soit aux profils inadéquats des postulants, rapporte l’enquête Pôle Emploi « Besoin en Main d’œuvre (BMO) 2017 ». Afin d’aider les entreprises à trouver les compétences dont elles ont besoin, l’Etat s’est engagé à former un million de demandeurs d’emploi de longue durée ainsi qu’un million de jeunes.

 

Vers une bataille mondiale des compétences

Mais pour la ministre du Travail, cela n’est pas suffisant. En effet, elle a profité de son passage à l’Observatoire des trajectoires professionnelles pour interpeller les chefs d’entreprise : « Il faut investir dans vos salariés ! » Un raisonnement qui tient la route puisque les collaborateurs aujourd’hui qualifiés pourraient bien ne plus l’être demain du fait de l’évolution des métiers. Le but serait donc d’anticiper le déficit de compétences en ayant une politique préventive voire offensive.

Car à n’en pas douter, « il y aura [bien] une bataille mondiale des compétences et elle ne sera pas que sur les Bac+12. [Elle concernera] aussi les postes peu qualifiés », a-t-elle expliqué. Et de préciser que « le manque de compétences [revient à] la mise en péril du tissu économique de nos territoires ».

 

1 actif sur 10 prêt à changer de profession ; 1 sur 2 ne sait pas comment s’y prendre

Mais pour voir le bout du tunnel, encore faut-il que les actifs deviennent acteurs de leur formation professionnelle. En effet, la ministre a déclaré que seuls 6 % des ouvriers choisissent leur formation, contre 12 % des employés et 27 % des cadres. Ces chiffres tendent à montrer que les salariés, quel que soit leur statut, n’ont pas vraiment leur mot à dire au sujet de leur orientation professionnelle et évolution de carrière.

Cela explique-t-il pour autant que d’après la dernière édition de l’Observatoire des trajectoires professionnelles, seuls 3,6 % des actifs occupés, c’est-à-dire en emploi, ont sollicité une formation via leur Compte personnel de formation (CPF) ? Les actifs seraient-ils découragés de se lancer dans une formation professionnelle ? Rien n’est moins certain puisque les deux tiers des salariés, selon l’étude Formations et emploi 2018 de l’Insee, aimeraient suivre une formation dans les cinq années à venir. De plus, selon l’Observatoire, un actif occupé sur dix envisage de changer de profession dans l’année à venir. Parmi eux, 84 % prévoient de suivre une formation d’ici cinq ans pour faire évoluer leur carrière, mais plus de 70 % d’entre eux n’ont pas ouvert leur CPF et près de 55 % ne savent pas vers qui se tourner pour trouver un accompagnement.

 

Stratégie des compétences : la fonction RH revoit sa copie ?

La fonction RH a donc une carte à jouer en investissant pleinement le champ de la formation professionnelle et en réussissant à faire coïncider les vœux des collaborateurs avec les compétences dont l’entreprise a besoin pour poursuivre son développement. A ce titre, l’entretien professionnel, obligatoire tous les deux ans depuis 2016, apparaît comme un outil précieux pour le département RH.

Cependant, l’Observatoire des trajectoires professionnelles souligne que seuls 30 % des actifs ont effectué leur entretien, contre les 50 % attendus. De plus, les trois-quarts du temps, ce sont les managers qui réalisent ces rendez-vous. Or, la moitié d’entre eux n’ont pas une idée exacte de ce qu’est le Compte personnel de formation (CPF), et plus du tiers (36,3 %) ne savent pas vers qui se tourner s’ils devaient eux-mêmes suivre une formation… Aussi, comment pourraient-ils aider les collaborateurs à y voir plus clair ?

Marie Vézy, global HR business partner & HR community vice-president de Schneider Electric, qui a pris part à l’une des tables rondes organisées lors de cette soirée, a expliqué que l’une des préoccupations du groupe a été « d’aider et d’équiper les managers » pour qu’ils sachent accompagner. C’est une demande qui est d’ailleurs venue du terrain. En effet, les managers ont exprimé leurs difficultés à mener des entretiens de carrière : quelles questions posées ? Quelles réponses apporter aux collaborateurs ? L’autre difficulté rencontrée tournait autour de la palette des métiers au sein de Schneider Electric. Les managers manquaient de visibilité sur les métiers et ne parvenaient donc pas à « conseiller utilement » les collaborateurs.

« Nous avons repensé le rôle de ce qu’on appelait [au sein du groupe] les conseillers d’orientation professionnelle : des personnes qui essayaient d’aider des gens à se repositionner, déclare Marie Vézy. On s’est rendu compte qu’ils aidaient des personnes ayant perdu leur emploi, mais ils n’aidaient pas à comprendre comment le groupe était devenu : les compétences nouvelles, les métiers, etc. Désormais, nous les organisons par bassin d’emploi, par région et on essaye de les spécialiser par fonction aussi : ceux qui connaissent les métiers des achats, de la finance, des RH, etc., de manière à ce qu’ils soient plus pertinents dans leurs conseils. »

 

Formation professionnelle : quel bilan ?

On retient qu’un actif occupé sur quatre connaît une transition professionnelle dans l’année, soit plus de 7 millions de personnes par an ! Etonnamment, 20 % des personnes ayant effectué une transition professionnelle dans les douze derniers mois veulent changer de profession. « En d’autres termes, lorsque les actifs connaissent une transition professionnelle, celle-ci ne semble pas les mener directement vers une situation professionnelle qui les satisfait. Ceci questionne directement les outils et dispositifs existants pour aider les transitions et leur appropriation par les actifs », analyse-t-on du côté de l’Observatoire des trajectoires professionnelles.

Pour Brice Teinturier, directeur général délégué de l’institut de sondages Ipsos, la France a « probablement mis en place de très bons outils, mais pas les modes d’emploi. » Il rappelle aussi que 59 % des Français considèrent que la société change trop vite. Une partie des actifs a « peur de rester sur le carreau », un sentiment qui ne peut « être contrebalancé que par la formation », estime-t-il.

 

Aussi, n’est-il pas temps de dédramatiser les transitions professionnelles et d’inciter davantage les salariés à se lancer en mettant sur pied de véritables accompagnements ?

 

Journaliste, Aurélya multiplie les expériences au sein de startups et pure players, avant de s’orienter vers le brand content en freelance. Après avoir traité de nombreux sujets dans les domaines du recrutement et de la formation pour le compte d’un jobboard, elle rejoint Parlons RH en tant que rédactrice RH. Diplômée d’une Licence d’Histoire à la Sorbonne, elle est aussi titulaire d’un Certificat de qualification aux métiers du journalisme (ESJ Paris).

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