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RH et digital : oser tracer sa propre route…

le 28 septembre 2015
RH ditigal : tracez votre propre route

Digital + ressources humaines = … L’équation est encore en quête de solutions à la mesure des bouleversements vécus par nombre d’entreprises et d’organisations. Au lieu des 7 trucs et astuces pour digitaliser ses ressources humaines, ou au choix, ré-humaniser ses ressources digitales, voici 7 contre-vérités par lesquelles il ne faut pas se laisser envoûter trop rapidement. Décryptage sous-titré des chantiers de la transformation digitale par Arthur Bourgeois, product manager chez Keople, Jean-Baptiste Gouin, CEO de Talenco et Alexandre Heuzé, cofondateur de Talentroc lors d’une table ronde de la Nantes Digital Week le 18 septembre 2015.
 

 
Disons-le tout net, parler de transformation digitale, qu’il s’agisse de la fonction RH ou de l’entreprise tout entière, commence déjà à être un peu has been. Comme le lean manufacturing il y a 10 ans devait révolutionner l’entreprise, l’injonction d’adhérer à la révolution numérique, sous peine d’être ostracisé, commence à agacer et parfois même à sonner creux. Difficile en effet de trépigner pour que les équipes s’imprègnent de l’esprit collaboratif et innovant actuellement nécessaire, si depuis des années, on s’est passé de les former activement, de leur demander leur avis ou si l’on a joué la compétition interne pour mieux régner. Pour ne pas laisser happer par les sirènes du numérique, voici une contre-feuille de route en sept points.

 

1. Former tout le monde et au plus vite aux outils numériques

Les défis à relever par les entreprises en matière de digitalisation sont intimement liés à l’ADN de chaque organisation. Il n’existe pas une liste d’outils numériques – applications mobiles, mooc (massive open online courses), réseau social d’entreprise 2.0…- à prendre en main en vue de se prémunir des changements à venir. « Bien loin d’une solution unique de l’ordre de la pensée magique, les transformations à mener touchent au business modèle des entreprises ou à la raison d’être des organisations » indique Jean-Baptiste Gouin, CEO de Talenco.

« Pour les entreprises BtoC plus particulièrement, c’est le parcours client qui est dynamité par les nouvelles pratiques numériques (recherche systématique d’informations avant achat, benchmark des offres en sollicitant les communautés d’utilisateurs, attente d’un accès intuitif et multicanal à l’acte de commande…). Quand on sait que 30 % des compétences seront obsolètes d’une année sur l’autre, 2 jours de formation par an et par collaborateur ne suffisent pas, loin de là, pour repenser en profondeur l’offre de demain et les modes de travail qui l’accompagnent ».

Le chantier à mener implique de fonctionner en réseau au sein même de l’entreprise et de casser les silos, y compris lorsqu’il existe celui des ressources humaines. Inutile donc de se précipiter pour acheter en masse des journées de formation, qu’elles soient clés en main ou sur-mesure, pour faire monter en compétences tous les collaborateurs sur le numérique, sans travailler sur le sens profond des évolutions en cours pour son entreprise/organisation en particulier.

[Tweet « #Transfodigitale : se précipiter pour former ou outiller ses collaborateurs est contre-productif »]

 

2. Organiser un learning trip pour le comex et diffuser la bonne parole

Quoi de mieux pour ouvrir les chakras d’un comité de direction, qui ne serait pas baigné de culture digitale, que de le transplanter à grands frais le temps de quelques jours. Destination : la Silicon Valley, royaume de toutes les nouvelles tendances économiques, technologiques et managériales. L’idée est séduisante et peut même faire l’objet d’un article dans la presse pour mettre en avant l’ouverture d’esprit des dirigeants de l’entreprise. Les nouveaux convertis à la religion du clic et du like ne seront-ils pas alors les plus à même, à leur retour, de débriefer leurs N-1 qui expliqueront eux-mêmes à leurs N-2 quelles sont désormais les grandes décisions stratégiques et les tournants technologiques à ne pas rater pour éviter de se faire « uberiser » dans les 6 prochains mois.

Si un learning trip peut être à l’origine d’un déclic salutaire, l’intégrer à un schéma pyramidal de diffusion de l’information et de prise de décision en cascade revient à en enterrer aussitôt les bénéfices escomptés. Prendre le virage de la culture numérique questionne le modèle de management en place. Les ressources nécessaires pour repositionner le projet d’entreprise sont de facto très souvent déjà présentes dans l’entreprise. Le défi est de savoir les révéler, parfois à eux-mêmes.

« Les plus grands influenceurs de demain sont ceux qui d’ores et déjà savent partager leurs savoirs, savoir-faire et savoir-être, détaille Jean-Baptiste Gouin. Cette culture du partage va permettre à des salariés de gagner en leadership, non pas au regard de leur place dans l’organigramme, mais bel et bien de leurs capacités à faire bouger les choses et à emmener les autres avec eux. Responsabilisé, chaque collaborateur peut mettre son énergie au déploiement des projets plutôt que de chercher à se couvrir en permanence. Comme en mettant par exemple le plus grand nombre de personnes en copie de ses e-mails ».

[Tweet « #RH : les influenceurs de demain = ceux qui partagent savoirs, savoir-faire et savoir-être… »]

 

3. Recruter de jeunes diplômés 100 % geek pour bousculer les seniors

Confier à de nouvelles recrues de la génération Y la responsabilité de sensibiliser les collaborateurs plus expérimentés, voire les dirigeants aux outils numériques et aux réseaux sociaux repose sur un intéressant principe d’échange de compétences en dehors des cadres établis. Ce n’est cependant pas la jeunesse de la personne, ni l’usage intensif dans sa vie personnelle des services en lignes qui en font le mentor idéal, capable de guider et d’orienter les décisions à prendre pour l’entreprise.

« Avant de chercher à former ou à transformer l’existant, un diagnostic fin des compétences numériques en présence s’impose, explique Arthur Bourgeois, product manager chez Keople. Des techniques de sondage en ligne permettent d’interroger les collaborateurs sur leurs compétences digitales, leur degré d’acculturation aux nouveaux outils et de cerner les gaps encore à franchir. Cette méthode aide à discerner d’une part les earlier adopters des nouveaux outils et des nouvelles pratiques ainsi qu’à identifier les profils sceptiques, voire réticents, qu’il va falloir accompagner avec doigté ».

Et le critère de l’âge n’est pas, dans un sens comme dans l’autre, lié à la capacité de se poser comme référent pour réagir face aux changements à venir. « Le défi aujourd’hui pour l’entreprise est de devenir une organisation collective intelligente, souligne Alexandre Heuzé, cofondateur de Talentroc. Plus les évolutions dans les façons de travailler s’opèrent naturellement grâce à la généralisation des partages de savoirs et l’ancrage des réflexes d’entraide dans l’entreprise, plus le risque d’être en rupture tant technologique que managériale s’éloigne ».

[Tweet « #Digital : discerner #earlieradopters et sceptiques pour accompagner chacun avec doigté »]

4. Confier les clés de la transformation digitale aux experts du numérique

Data miner, data analystes, data manager… L’avenir appartient à ceux qui sont en mesure de recueillir, traiter et exploiter la masse de données qui se cache derrière le terme mystérieux de big data. Si ces compétences deviennent indispensables aux entreprises, savoir les recruter à bon escient l’est encore plus dans un marché de l’emploi pénurique sur ce segment. « Le plan de transformation digitale ne peut pas se construire sans une approche RH de sourcing, d’on-boarding, de formations aux nouveaux modes de management d’équipe et d’accompagnement du développement permanent des compétences… » insiste Jean-Baptiste Gouin.

« Si la fonction RH ne prend pas pleinement part aux évolutions numériques à l’œuvre dans l’entreprise, poursuit-il, et reste centrée sur des modes de fonctionnement tournées vers l’administratif, plutôt que la stratégie, elle va irrémédiablement se trouver dessaisie de son rôle premier, la gestion du capital humain ». Le risque est grand aujourd’hui de voir la direction de la transformation digitale prendre à son actif des missions à teneur RH. À l’heure du décloisonnement des silos, quel est alors le problème ? Ils sont de plusieurs ordres. Le premier est de cantonner le service RH à des missions d’exécution alors que leur rôle est de porter le développement de compétences, aujourd’hui et demain, au service du projet d’entreprise.

Les directions opérationnelles et les managers de proximité sont certes déjà partie prenante de la politique RH de l’entreprise, de par leur rôle à jouer en matière de recrutement ou encore pour mener les entretiens tant d’évaluation que professionnels. Mais sans fonction RH positionnée comme une ressource stratégique, qui formera et mettra en cohérence les pratiques du management ? C’est bien un fonctionnement matriciel et coopératif qui sert les projets développement de l’entreprise et non l’annexion anarchique par une direction du pré carré de la direction voisine.

 

5. Peaufiner un plan stratégique pour le digital et s’y tenir coûte que coûte

Si l’improvisation et l’absence d’organisation ne sont au programme des pépites du digital, ni même des entreprises qui se nomment libérées, l’agilité est bel et bien devenue la qualité différenciante tant au niveau de l’entreprise, d’une équipe que du collaborateur. Avancer par tâtonnement organisé et échantillonné, recueillir des feedbacks des équipes et des clients pour préparer un déploiement, faire de l’adaptation au changement la clé du fonctionnement des équipes… sont autant de marqueurs d’une organisation en mesure de performer.

« Développer le droit à l’erreur est au cœur du management de la transformation digitale, insiste Alexandre Heuzé. Les grands patrons les plus respectés sont ceux qui sont capables de dire — et non pas d’avouer — qu’ils se sont trompés et qu’il va y avoir un changement de donne. Diffuser le message qu’à tous les niveaux de l’entreprise, il est préférable de faire fausse route, plutôt que de ne rien tenter par peur de mal faire, est un signe clé de maturité ». Ce changement managérial ne peut pas cependant se décréter, tout comme on ne peut pas enjoindre quelqu’un à penser par lui-même. « C’est le BA-ba de la culture numérique de ne pas s’imposer de manière top down, car si elle semble l’être, la réaction première est de s’y opposer ou de s’y soumettre de manière contrainte », explicite Arthur Bourgeois.

Des ateliers de créativité reposant sur les principes de confiance et de bienveillance permettent de phosphorer et de faire émerger des innovations technologiques et managériales, alors d’autant plus aisées à déployer qu’elles émanent des forces vives de l’entreprise. Nous aimons dire qu’il faut chouchouter les salariés, car ce sont eux qui détiennent les savoir-faire et les compétences pour faire performer l’entreprise de demain. C’est un accompagnement sur-mesure et orienté sur les attentes des collaborateurs par rapport aux évolutions des métiers, qui permet d’embarquer les équipes. Culpabiliser les réfractaires au changement, qu’il soit numérique ou autre, créé à l’inverse des crispations bien compréhensibles.

[Tweet « #Transfodigitale : au cœur de son management, faire place au droit à l’erreur »]

 

6. S’équiper fissa d’un réseau social d’entreprise, de tablettes et de mooc 

Partage et transfert de fichiers via le Cloud, messagerie multi-device, réseau social d’entreprise avec recommandation des compétences en interne, learning by gaming, mooc à tous les étages, reverse mentoring, sourcing vidéo, gestion des congés sur smartphone et montre connectée, techniques de recrutement prédictif, digitale académie multicanale… C’est un véritable inventaire à la Prévert des innovations et outils numériques que l’on peut dresser, susceptible de déclencher l’attribution de bons points distribués par la vox populi de la grande famille du digital.

« L’outil n’est pourtant jamais la solution a priori, mais seulement a posteriori, quand un diagnostic est posé et un besoin clairement exprimé, affirme Jean-Baptiste Gouin. Qu’il s’agisse de plate-forme e-learning, de tablettes pour les commerciaux sur le terrain ou de réseau social d’entreprise, si l’on entre par le biais de la formation à l’outil, l’échec est garanti. C’est en faisant émerger les besoins des collaborateurs pour mener à bien leurs missions dans un monde qui bouge et en cherchant des réponses adéquates que les changements sont possibles. Le, ou les outils sont l’un des moyens de la transformation et non une fin en soi. Prenons l’exemple des réseaux bancaires qui en quelques années voient les conseillers en agence devenir surnuméraires par rapport aux attentes des clients privilégiant pour leur part les contacts par téléphone ou en ligne. Ce n’est pas la formation à l’usage d’un téléphone ou d’un ordinateur qui fait défaut, mais un changement de posture et de représentation du rôle du conseiller à distance, jusque-là appréhendé comme étant de seconde zone ».

On pourrait ainsi détailler et disserter sur les projets de modernisation qui ne rencontre pas leurs cibles : réseaux sociaux d’entreprise non utilisés, car non animés, formations e-learning avec des pourcentages d’activation, et plus encore d’achèvement des parcours extrêmement faibles, mooc proposé à des personnes travaillant sur des ordinateurs sans carte son, carnet d’adresses partagé non renseigné, applications ou logiciels RH sous-utilisés, car non ergonomiques… Un outil aussi digital soit-il, déployé sans diagnostic ni accompagnement, s’avère être systématiquement un investissement gaspillé.

[Tweet « La liste à la Prévert du #digitalRH : cloud, RSE, #learning by #gaming, mooc, #reversementoring »]

 

7. Prendre des décisions au regard du ROI des outils déployés

L’indicateur clé de la réussite d’une démarche de transformation est aujourd’hui la survie de l’entreprise sur son marché. La batterie de metrics associée au déploiement d’un nouvel outil ou d’une nouvelle méthode de travail n’a de sens que si elle est connectée au projet stratégique de l’entreprise. La mesure de l’efficacité et du résultat ne doit pas se constituer elle-même comme un silo de plus dans l’entreprise. « Les changements de stratégie pour s’adapter et devancer les attentes du marché doivent être pensés et se diffuser de manière à déclencher un électro-choc positif, conclut Jean-Baptiste Gouin. Le message ne doit pas viser à susciter la peur de perdre son rôle ou son emploi, mais à créer l’opportunité de participer à un projet stimulant ».

« Le développement d’une culture numérique se mesure au degré d’ébullition qui règne dans les équipes, complète Arthur Bourgeois. L’avenir est ouvert à ceux qui savent se poser comme des agitateurs d’idées et des fédérateurs de l’énergie collective ». Petites, moyennes et grandes entreprises sont concernées, car même dans les start-ups, les conservatismes peuvent rapidement s’installer. « Il y a urgence à enclencher ou poursuivre les changements, mais il faut garder en tête qu’une transformation digitale ne se joue pas en quelques mois », conclut Alexandre Heuzé.

[Tweet « #RH et #transfodigitale : la mesure de l’efficacité ne doit pas devenir un silo de plus »]

 

Tracer son chemin au cœur d’un univers en plein chambardement digital est un travail de long terme qui vise à embarquer toutes les équipes sur plusieurs années. Il est vain de vouloir fixer un seuil de réussite ou une date d’achèvement de la transformation, car la seule chose permanente, tout le monde s’accorde sur ce point, c’est le changement. Et aucune route vers l’entreprise performante de demain n’est déjà toute tracée aujourd’hui.

Crédits photos : @kwanchaift / Fotolia.com

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Zoom sur les intervenants de la table ronde « RH et Digital à la nantaise »  :

Arthur Bourgeois est product manager chez Keople, solution d’accompagnement aux évolutions numériques.

Jean-Baptiste Gouin est CEO de Talenco, cabinet spécialisé dans le développement de compétences liées au digital.

Alexandre Heuzé est cofondateur de Talentroc, solution d’échanges de savoirs dans et en dehors de l’entreprise.

Zoom sur le digital à Nantes :

Deux événements ponctuent chaque année l’actualité digitale de la ville : la Nantes Digital Week en septembre pour bien démarrer l’année et le Web2day en juin pour bien la terminer. Boostés par Atlantic 2.0, plate-forme qui fédère et soutient les projets à teneur digitale en Pays de la Loire, ces événements s’appuient également sur un tissu dense de start-ups. Les plus emblématiques, Lengow et Iadvize, ont toutes deux fait la une des journaux locaux à la rentrée 2015 pour leurs levées de fonds de respectivement 10 et 14 millions d’euros. De jeunes pousses du digital RH font également parler d’elles comme Doyoubuzz, Gladys ou Lucca. Quant à savoir si la cité est bel et bien la deuxième ville digitale de France (après Paris bien sûr), le débat lancé par les étudiants du Hyblab Datajournalisme de 2015, reste ouvert. Tout dépend, comme l’explique Armelle Gegaden dans le Journal des entreprises de la manière d’interpréter la précieuse data.

 

Zoom sur Parlons RH : Le digital et les ressources humaines, c’est un sujet dont on parle tous les jours à l’agence Parlons RH. Discutons-en quand vous le souhaitez « in real life », ici ou ailleurs.

 

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