La digitale orne nos campagnes de ses somptueuses fleurs pourpres, roses ou blanches, en forme de cloches ; pourtant, ses pétales recèlent un poison violent. En irait-il de même pour le digital en entreprise ? Tour à tour présentée comme panacée de la productivité puis comme source inépuisable de nouveaux risques RH, la digitalisation n’est pas, pour les salariés, un long fleuve tranquille. En tâchant de se garder autant de l’alarmisme technophobe que de l’angélisme béat, posons-nous la question des conditions d’une transformation digitale réussie, sous l’angle de la qualité de vie au travail.
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Sommaire
Le digital, c’est entendu, révolutionne l’économie et les organisations. Et les ressources humaines sont concernées à tous les étages. Il ne se passe guère de semaine sans que l’actualité nous le rappelle d’une façon ou d’une autre :
La révolution numérique, résumait le rapport Mettling en septembre 2015, « loin de se résumer à l’usage d’outils numériques, […] marque l’arrivée, dans l’entreprise, de méthodes de conception, de production, de collaboration, qui sont aussi des méthodes de pensée, de travail, d’organisation. » Surtout, la transformation digitale envahit nos pratiques à une vitesse inégalée dans le passé. Le même rapport nous rappelait qu’il aura fallu 38 ans après son invention pour que la radio atteigne les 50 millions d’utilisateurs dans le monde ; mais l’Internet à domicile a atteint ce chiffre en trois ans – et Twitter en 9 mois.
La question est loin d’être uniquement sociale : en réalité, elle nous amène au cœur de la mission des RH au XXIe siècle. Comme toujours, l’enjeu économique et l’enjeu social sont deux aspects d’une même réalité ; et c’est à la fonction RH que revient la mission de les harmoniser.
Autrement dit, avec la transformation digitale, les entreprises font face à un double défi :
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En 2012, déjà, un rapport du Conseil d’analyse stratégique (aujourd’hui France Stratégie) faisait le point sur la question. Cinq principaux types de risques étaient identifiés :
Le RRH y reconnaîtra facilement des situations de son quotidien. De ces cinq risques, le premier est particulièrement susceptible de se manifester par des problèmes de santé au travail ; les trois suivants par une perte d’efficacité ; et les deux derniers par du contentieux. Dans tous les cas, c’est la confiance entre management et collaborateurs, et entre les collaborateurs eux-mêmes, qui est perdante.
Pour autant, rappelait le rapport, l’influence du digital sur la santé au travail proprement dite n’est pas vraiment mesurée. Son impact sur l’environnement et les conditions de travail reste difficile à quantifier. De fait, quatre ans plus tard, nous ne sommes pas fondamentalement plus avancés du point de vue du diagnostic. Mais les thématiques continuent à faire débat.
Le Plan Santé au Travail pour 2016-2020, rendu public fin 2015, identifie bien, dans ses priorités d’action, la nécessité de « veiller aux conditions d’usage des outils numériques ». Il parle également de « mettre les technologies numériques au service de la qualité de vie au travail, dans le cadre du dialogue social », en retenant trois pistes :
Signalons en effet qu’à toutes fins utiles, le droit à la déconnexion existe déjà : un employeur ne peut pas sanctionner un salarié qui n’est pas joignable le soir ou le week-end. Mais la pression existe, et la question n’est pas simple. A côté d’un droit à la déconnexion, l’ancien DRH d’Orange Bruno Mettling – il le rappelait encore le 2 mars 2016 sur France Inter – proposait d’instituer un devoir de déconnexion en dehors des plages de travail… Vivre et laisser vivre, en somme !
Si nous n’en savons pas véritablement plus sur le bilan « bien-être au travail » de la transformation digitale, les approches semblent bien changer de nature. Le rapport publié au début de l’année par le Conseil national du numérique, « Travail, emploi, numérique : les nouvelles trajectoires », n’aborde plus le sujet en distinguant « risques » et « opportunités » du numérique, mais en posant 9 débats de société. Parmi ceux-ci, l’avenir du salariat, le statut du travail humain, le lien entre revenus et travail, entre protection sociale et emploi… Le digital n’est plus envisagé comme une technologie de plus, mais comme l’instrument d’un changement de société.
Reste que, selon une enquête réalisée dans 34 grandes entreprises françaises, 70% des salariés auraient peur du digital… Faut-il traiter cette méfiance comme une simple résistance au changement, qu’il conviendrait de surmonter ? En partie sans doute ; mais cette inquiétude peut aussi refléter de nombreux dysfonctionnements : des flux d’informations mal gérés, des formations insuffisantes, des outils inadaptés… Ou encore, un retard des technologies du lieu de travail sur celles que les salariés utilisent à la maison…
Dans ces situations, le RRH a un rôle à jouer, en interaction avec les managers et les collaborateurs. Il s’agit d’inventer, par le dialogue et la concertation, de nouvelles manières d’évaluer, de travailler ensemble, et de tirer le meilleur des technologies. Derrière l’innovation digitale, un vaste champ s’ouvre à l’innovation RH.
En définitive, ce qui fait la qualité de vie au travail, c’est peut-être le même cocktail qu’avant le début de la transformation digitale : un mélange de bon sens, d’écoute mutuelle, de reconnaissance, de confiance et de qualité du projet d’entreprise. Difficile d’en mettre la recette en équations. La société change, les femmes et les hommes demeurent.
Pour autant, il reste essentiel de se poser les bonnes questions au sein des équipes, et de se fixer collectivement des limites, des bonnes pratiques, des références. D’autant que celles-ci bougent rapidement, au rythme de l’innovation technologique !
Celle-ci, comme toujours, recèle à la fois le poison et l’antidote :
L’essentiel reste sans doute d’être réactif, ouvert au changement sans en être l’esclave, sensible aux spécificités de chacun et aux modes de fonctionnement de chaque communauté – en somme, d’être « agile » !
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