Quand la distanciation devient la norme, l’entreprise doit resserrer les liens

Depuis quelques années, la distanciation, ou solitude, est devenue la norme dans l’entreprise et plus largement dans les sociétés occidentales. Combien de salariés isolés font face à leurs angoisses ou la solitude du manager qui est un couplet bien intégré dans toutes les organisations ? Aujourd’hui, si cette distanciation devient vitale, elle permet aussi de se poser et s’interroger sur cette norme comme mode de vie. Et donc au contraire, amener l’entreprise à resserrer des liens qui se distendent de plus en plus.

 

Une perte de sens ?

Cela peut sembler contradictoire, mais la distanciation commence avant tout dans les murs de l’entreprise avec ses propres employés. De plus en plus d’équipes sont réparties sur différents sites, et certaines ne voient jamais le manager qui pourtant est supposé être là pour les accompagner et les évaluer. Paradoxal ! Bien sûr, le management à distance et le télétravail sont de plus en plus répandus — COVID-19 oblige ! —, mais les défis qu’ils proposent sont loin d’être tous résolus. Si la question technologique n’est plus un frein, celle du management demeure. On retrouve le même problème avec des équipes sur un même site.

De fait, la perte de sens et de repères domine. Une partie de la réponse est la symétrie des attentions : porter la même attention à ses collaborateurs qu’à ses clients. Pour paraphraser un slogan publicitaire bien connu, « ce qu’il fait à l’intérieur se voit à l’extérieur ». C’est seulement à cette condition que l’engagement des collaborateurs si recherché par les entreprises se fera.

 

Dans le même temps, le management des contraires prend toute son ampleur pour les directions, car cette perte de sens se fait aussi sous l’impulsion d’actionnaires qui sont à la recherche d’un profit immédiat, privilégiant le court terme au développement de l’entreprise elle-même. La méthode 3G ou « budget zéro » est le symbole de cette démarche, avec notamment comme exemple récent d’échec Kraft Heinz. D’ailleurs cela devient même un problème pour les entreprises qui doivent s’abriter derrière des actionnaires de référence et un board solidaire pour éviter une prise de contrôle, dont certains fonds ou entrepreneurs se sont fait une spécialité.

 

Une perte d’identité ?

Cette distanciation dépasse les murs de l’entreprise et concerne aussi les parties prenantes externes. Au premier plan, on retrouve tous les gens faisant partie de la gig économie, tous ces travailleurs sans contrat permanent : les autoentrepreneurs, free-lance, travailleurs temporaires et autres indépendants qui complètent la force de travail de l’entreprise. Au final, ces personnes travaillent pour réaliser une tâche pour laquelle ils sont payés et ne se projettent pas dans un long terme. Ce dernier n’existe pas pour eux. Difficile d’aligner l’ensemble de ses employés au-delà des salariés sur une stratégie d’entreprise. Sans parler d’idée de team building qui s’en trouve d’autant malmené.

Au-delà de ça, l’entreprise ne peut fonctionner sans cette force d’appoint. Une nouvelle forme de compétition se met en place afin de fidéliser les plus performants sans pour autant les engager. Il s’agit de trouver la bonne distance à maintenir, ni trop loin ni trop près. Ou alors, comprendre que les salariés sont la véritable richesse de l’entreprise et enfin offrir un cadre à ses derniers où les salariés et l’entreprise vont pouvoir se développer dans un rapport gagnant-gagnant.

 

Mettre en avant ses valeurs ?

La distanciation intervient aussi avec les clients. Même si l’entreprise a tenté de conserver une relation privilégiée, il faut bien constater que cette relation a évolué autour d’un « je t’aime moi non plus ». De fait, les questions de RSE ont de plus en plus d’importance pour les clients finaux, mais aussi au sein des rapports annuels d’activité. Des entreprises comme Danone l’ont bien compris et gèrent leur transformation autour de la question des valeurs. L’apparition des entreprises à mission est aussi le symbole de cette évolution du sens à donner à une entreprise, afin de reconquérir un consommateur devenu de plus en plus consom’acteur.

 

La réalisation d’une distanciation volontaire ou inconsciente existe depuis longtemps, symbolisée par le faire plus avec moins. Pourtant des contres modèles ont vu le jour, notamment autour du travail collaboratif ou du contrat social d’entreprise. Aujourd’hui où de nombreux modèles vont être challengés, peut-être est-il temps pour l’entreprise de resserrer les liens et de réduire cette distanciation avec ses différentes parties prenantes.

 

Fadhila Brahimi est fondatrice et Présidente de FB-Associés, une entreprise spécialisée en réputation, image et communication d’influence positive. Elle est aussi conférencière, auteure et pionnière du Personal Branding, du leadership digital et de la pause digitale. Ses expertises s’articule autour du personal branding, de la pause digital, l’executive reputation, le executive coaching ou encore du leadership digital.

Anthony Poncier a enseigné à l’université, avant de devenir consultant en management et digital pour plusieurs cabinets. Puis, il a rejoins Publicis comme Associé et Head of Social Media & Digital EMEA. Actuellement, il travaille sur le projet, Top 500 Bars, classement qui regroupe les 500 bars les plus influents dans le monde et qui est basé sur du big data et un algorithme complexe. Avec Fadhila Brahimi, il est co-auteurs-coordinateurs-rédacteurs du livre « WEB 2.0 15 ans déjà et après ? 7 pistes pour réenchanter Internet ! » (Ed Kawa)

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  • Très interessant et inspirant pour aider les reconversions professionnelles dans ce contexte hors norme et déroutant. Cet article m'aide dans mon nouveau départ professionnel

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