La rémunération n’est pas qu’une question d’argent !

L’argent fait-il le bonheur des collaborateurs ? Suffit-il à obtenir leur engagement envers l’entreprise et leurs missions ? Le doute est permis. Comme le souligne Simon Sinek lors d’une intervention au TED Talk, l’argent incite à une prise de décision et à un résultat à court terme. Or, les collaborateurs attendent aussi de la reconnaissance, de la rétention et du sens, dont les résultats sont sur le long terme.

 

La place de la rémunération dans la rétention des talents

De nombreux auteurs ont exploré la question de la reconnaissance, et de la place de la rémunération dans la rétention des talents. Aussi, la crise que nous traversons actuellement met en lumière deux constats :

  • la crise de sens au travail touche de plus en plus de personnes,
  • la reconnaissance et la rémunération sont gérées comme dans les années 90.

Récemment un manager m’a évoqué la démission qu’il venait de recevoir de la part d’un membre important de son équipe. « Je savais qu’il n’était pas satisfait [des conditions de travail], m’avoue-t-il mais je ne pensais pas qu’il trouverait un poste avec un package aussi avantageux en ce moment ». Son propos est parfaitement éclairant : compter sur la crise comme moyen de rétention en complément d’un package avantageux, ce n’est pas très efficace, mais c’est malheureusement trop courant.

Les formations en ressources humaines, et plus globalement celles en management, traitent largement le sujet des leviers de la motivation. En théorie tout le monde est d’accord pour dire que la rémunération ne fait pas tout, qu’il y a d’autres choses à exploiter. Et pourtant, en pratique c’est un piège dans lequel on tombe aisément, tant il est facile d’additionner les euros.

 

“Tu cherches quelqu’un beau brun ?”

Pour prendre du recul sur le phénomène, le cinéma offre souvent de bonnes histoires. Parmi mes films préférés sur le monde de l’entreprise, il y a Pretty Woman. Pour ceux qui n’ont pas encore eu l’occasion de voir ce film, il raconte la vie de Vivian, une freelance, qui rencontre Edward, un chef d’entreprise du type « busy-busy ». Il l’engage pour une première mission. Comme il est satisfait, il lui propose un CDD et ne lésine pas sur le package :

  • salaire fixe au-dessus du marché
  • prime d’habillement substantielle
  • logement de fonction
  • panier repas
  • formation certifiante selon la méthode « Nadine de Rothschild » (option dîner chic avec 14 couverts)
  • avantages en nature à faire bondir les URSSAF.

Sans surprise, Vivian est ravie et entame ce nouveau contrat plus engagée et motivée que jamais. Pour elle, une offre pareille est la preuve que l’on valorise son travail !

L’argent a cela de facile qu’il nous donne la “valeur” que l’on a sur le marché. Mais c’est un raccourci dangereux. Il s’agit en réalité de valoriser certaines compétences et savoir-faire à un instant donné. Et c’est sans doute parce qu’il est difficile de distinguer nos compétences de notre personne que le sujet de la rémunération devient si prépondérant dans la reconnaissance que l’on attend. Et tôt ou tard, la réalité reprend le dessus.

 

“Je veux vivre un conte de fées”

Au bout de quelques temps, Vivian ne se sent plus alignée avec les valeurs et l’état d’esprit de son nouveau patron. En effet, la mission de l’entreprise d’Edward manque de sens pour elle. Cerise sur le cupcake, l’ex-freelance manque cruellement de reconnaissance ! Elle se sent réduite à ses compétences, et pas assez considérée en tant que personne à part entière.

Alors quand Edward lui propose de reconduire son CDD, elle hésite. Pourtant le poste proposé se situe à New York. Et pourquoi refuserait-elle un package encore plus intéressant ? Nombreux sont ceux qui lui diraient que quitter une société avec une politique salariale aussi avantageuse pour retourner dans le freelancing n’est pas un bon calcul. Et pourtant Vivian refuse.

Si elle paraît d’accord pour mettre en location les heures de sa vie, elle en cherche le but. Elle préfère reprendre sa liberté dans l’espoir de saisir une mission plus alignée avec ses valeurs. D’ailleurs, elle envisage même une reconversion. Choix qui n’est pas sans rappeler des situations qui nous entourent dans le contexte actuel.

 

“Big Mistake ! Big mistake !”

Edward se rend compte qu’on ne retient pas forcément les bonnes personnes avec seulement un package de rêve. Pour tout dire, il est ébranlé par ce départ. Dans le film, il n’y a même pas de pot de départ, c’est dire que les cœurs n’étaient pas à la fête. Dans le même temps, au contact de Vivian, il avait commencé à se poser des questions sur son business model. Avec son départ, il y voit clair : il doit pivoter pour avoir un meilleur impact sur la Société.

Il rappelle Vivian et lui propose cette fois un CDI, avec un package de rêve. Il lui dit surtout qu’il veut l’inclure dans son nouveau projet. Il reconnaît son impact et l’importance de l’avoir avec lui pour cette nouvelle aventure professionnelle. Ça y est ! Edward a compris : la rémunération n’est pas qu’une question d’argent.

 

Une politique de rémunération n’est pas un ensemble de pratiques de rémunération. Elle doit encourager des comportements professionnels au profit de la mission de l’entreprise. Mais il faut aussi que la mission de l’entreprise, les comportements professionnels et la contribution attendue soient clairement définis et partagés. Sinon rien n’a de sens. En ces temps troublés, la question du sens prend de plus en plus de place dans notre société. Et je pense que l’on peut apporter plus de modernité et de discernement à nos systèmes de reconnaissance. Ce n’est pas que du cinéma.

 

Sandrine Dorbes est une spécialiste de la stratégie de rémunération. Après 10 années passées en entreprise, qui l’ont convaincu que la rémunération n’est pas qu’une question d’argent, elle crée How Much. Parce que dans « combien » il y a « comment », elle accompagne aujourd’hui les PME et les ETI qui veulent travailler sur leur politique et leurs pratiques en matière de rémunération.

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